Des documents publics suggèrent que des navires de « pêche » sont en fait au service de la milice maritime de Chine méridionale de Pékin
Selon Radio Free Asia (RFA), des documents d’appel d’offres, des registres d’entreprise et d’autres données officielles récemment découverts suggèrent fortement que de nombreux « navires de pêche » chinois sont utilisés par la milice maritime chinoise ou en font partie.
RFA a analysé des tas de documents accessibles au public et a découvert qu’une « société de pêche d’État chargée de la flotte de la milice maritime de la ville de Sansha a géré des projets impliquant des informations classifiées relatives à la sécurité nationale », affirmant qu’il s’agit d’« un indicateur fort que les navires de la société sont actifs dans d’autres domaines que la simple pêche. »
Sansha, située dans une partie contestée de la mer de Chine méridionale et administrée comme une ville de la province de Hainan, a créé sa milice maritime en 2013. Cette dernière a été formée et commandée par l’Armée populaire de libération (APL). En 2016, la milice comptait plus de 1 800 miliciens et plus de 100 navires et était considérée comme jouant un « rôle irremplaçable » dans la défense des revendications maritimes de la Chine, comme le rapporte le gouvernement de Sansha.
Il est aujourd’hui amplement suspecté que ce qui semble être des bateaux de pêche ordinaires font en fait partie de la milice maritime de la ville de Sansha.
Les Secrets d’État d’un « collectif de pêcheurs »
En 2015, le commandant de la garnison de Sansha, Cai Xihong, a publié un article dans un magazine géré par l’APL, « National Defense », qui déclarait que la ville avait créé une société nommée « Sansha City Fisheries Development Co, Ltd », une supposée société de pêche, pour gérer la flotte de navires à coque d’acier de la milice. Les registres d’entreprise obtenus par RFA confirment que cette société a été constituée en février 2015.
Radio Free Asia a découvert que Sansha Fisheries Development invite régulièrement les entreprises à soumissionner pour des contrats impliquant « l’intégration de systèmes d’information classifiés » et exigent également des soumissionnaires qu’ils détiennent des accréditations de « protection des secrets d’État ».
Dans un cas documenté, une société, Xi’an Jiangong Construction Tendering Co., Ltd. a géré des appels d’offres pour un « projet de nettoyage sous-marin de la coque d’un bateau de pêche », toutefois, les soumissionnaires à l’appel d’offres ont été informés que le projet impliquait « la sécurité et les secrets nationaux » et ont précisé que tout fournisseur extérieur au projet devait posséder une habilitation pour la « protection des secrets d’État ».
Dans un autre exemple, la « société de pêche » a lancé un appel d’offres pour la fourniture de « systèmes de commandement SX » et a déclaré que le fournisseur tiers devait posséder un « diplôme d’intégration de systèmes d’information classifiés de première classe » ou une « qualification nationale de protection des secrets de troisième niveau ou plus ».
Des qualifications de première classe en matière d’intégration de systèmes d’information classifiés sont nécessaires pour développer, construire et exploiter des systèmes d’information classifiés, tandis qu’une qualification nationale de troisième niveau ou plus en matière de protection des secrets est requise pour travailler sur la recherche d’armes et d’équipements au niveau de classification le plus bas, selon la réglementation chinoise.
La société qui a remporté l’appel d’offres « Systèmes de commandement SX » est Space Star Technology CO. Ltd. également appelée « CASC 5th Academy 503rd Research Institute ». Cet institut de recherche est une filiale de l’entreprise publique de défense, China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC).
RFA note dans son rapport que des navires prétendument civils sont « équipés de technologies de surveillance et de communication haut de gamme » fournies par les entreprises de défense américaines Wavestream et Comtech EF Data.
Leur rapport a également révélé des « preuves claires » qu’il existe un « chevauchement entre les pêcheurs, vivant sur les îles et les récifs occupés par la Chine, et le personnel de la milice maritime chargé de surveiller ces sites ».
Ils ont découvert que 13 membres de la milice maritime de la ville de Sansha, dont « 10 miliciens de rang non précisé, un chef d’escadron de la milice, un sergent de peloton de la milice et un commandant de compagnie de la milice », semblaient, sur le papier, diriger « des entreprises de produits aquatiques et de pêche ».
Selon le rapport de RFA, « ces miliciens sont probablement des pêcheurs qui ont reçu une formation militaire ».
Tensions croissantes en mer de Chine méridionale
Les navires de pêche chinois dans la mer de Chine méridionale ébranlent régulièrement les nations voisines, allant même jusqu’à violer la zone économique exclusive (ZEE) d’un pays.
Par exemple, en mars de cette année, Manille a déposé plusieurs plaintes diplomatiques contre Pékin après avoir découvert qu’une flotte d’environ 220 navires chinois s’était amarrée au récif Whitsun situé dans sa ZEE de 200 milles nautiques.
L’ambassade de Chine aux Philippines a affirmé que les navires y étaient amarrés pour s’abriter de la mer agitée, mais plus de 44 navires chinois sont restés dans la région longtemps après cet épisode.
L’intrusion de Pékin a suscité une condamnation internationale. Le secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré dans un tweet : « Les États-Unis se tiennent aux côtés de notre allié, les Philippines, face à la milice maritime de la RPC qui s’amasse sur le récif de Whitsun. Nous serons toujours aux côtés de nos alliés et défendrons l’ordre international fondé sur des règles. »
Les navires de pêche chinois entraînés militairement ont été surnommés la « milice maritime des forces armées populaires » (PAFMM de l’anglais People’s Armed Forces Maritime Militia) par le ministère américain de la Défense et ils affirment que la milice joue un rôle clé dans la stratégie de Pékin pour exercer son influence dans la mer de Chine méridionale et au-delà.
Rédacteur Gabriel Olamsaint
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