Selon un rapport de la BBC, Un système de caméra qui utilise l’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale pour identifier les états émotionnels a été testé en Chine sur des Ouïghours de la région du Xinjiang.
Un ingénieur logiciel a révélé au média avoir installé de tels systèmes dans des postes de police de la province du Xinjiang. Il a affirmé que le logiciel était destiné à « préjuger sans aucune preuve crédible ».
La région autonome ouïghoure du Xinjiang, située à l’extrême ouest de la Chine, où vivent majoritairement les Ouïghours, ainsi que d’autres ethnies musulmanes et turcophones, a fait l’objet d’une surveillance intense et d’incarcérations massives sous l’égide du Parti communiste chinois (PCC) ces dernières années.
L’ingénieur, qui témoigne anonymement, a montré cinq photos de détenus sur lesquels le système de reconnaissance des émotions aurait été testé. Selon ses dires, le logiciel crée un graphique circulaire, censé indiquer l’état d’esprit d’une personne au moyen de différentes couleurs, dont le segment rouge représente un état d’esprit négatif ou anxieux.
Le système d’IA est conçu pour détecter et analyser les changements les plus infimes dans les expressions faciales d’une personne. « Le gouvernement chinois utilise les Ouïghours comme cobayes pour diverses expériences, tout comme les rats sont utilisés dans les laboratoires », a déclaré l’homme à la BBC.
Comme un détecteur de mensonge
L’ingénieur développeur de logiciel a expliqué son rôle dans l’installation des systèmes dans les postes de police : « Nous avons placé la caméra de détection des émotions à 3 mètres du sujet. Elle est similaire à un détecteur de mensonges, mais sa technologie est beaucoup plus avancée… Vos poignets sont bloqués en place par des attaches métalliques, et (la) même chose s’applique à vos chevilles. »
Lorsque la BBC a interrogé l’ambassade de Chine à Londres sur cette question, cette dernière a déclaré que les gens vivent « en harmonie » au Xinjiang et « jouissent d’une vie stable et paisible, sans restriction à la liberté individuelle. »
Lors d’une rencontre virtuelle de haut niveau à l’ONU le 12 mai, Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW), a déclaré que « plus d’un million de Ouïghours et d’autres musulmans turcs » ont été détenus par le régime communiste qui les a contraints à renoncer à leur religion et à leur culture.
« Un État de surveillance très intrusif a été mis en place au Xinjiang pour déterminer qui détenir », a-t-il déclaré tout en ajoutant qu’il y a eu une « réduction choquante du taux de natalité des musulmans dans la région ». Comparé à une légère augmentation du taux de natalité dans les zones chinoises Han, le taux de natalité des musulmans a chuté « de 48,74% signalés ».
Un rapport de l’Associated Press (AP) datant de juin 2020 indiquait que le Parti communiste chinois prenait des « mesures draconiennes » pour réduire le taux de natalité des Ouïghours et d’autres minorités, notamment en soumettant les femmes à des contrôles de grossesse, à des stérilisations forcées et aussi à des avortements.
« Le taux de natalité dans les régions majoritairement ouïghoures de Hotan et de Kashgar ont plongé de plus de 60 % entre 2015 et 2018… Dans toute la région du Xinjiang, les taux de natalité continuent de s’effondrer, ayant chuté de près de 24 % en 2019 - contre seulement 4,2 % à l’échelle nationale », a déclaré Associated Press.
Darren Byler, chercheur à l’Université du Colorado, a déclaré à la BBC que les Ouïghours sont contraints de fournir régulièrement des échantillons d’ADN aux fonctionnaires locaux. On leur fait également télécharger une application gouvernementale sur leurs smartphones qui collecte les données de leurs appareils, notamment les messages texte et les listes de contacts.
Persécution de haute technologie
« La vie des Ouïghours consiste désormais à générer des données… Tout le monde sait que le smartphone est quelque chose que vous devez porter sur vous, et que si vous ne le portez pas, vous pouvez être détenu, ils savent que vous êtes suivi par ce dispositif. Et ils ont l’impression qu’il n’y a pas d’échappatoire », a-t-il déclaré.
Le 24 novembre 2019, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a publié des documents classifiés exposant les rouages des camps de détention abritant des Ouïghours et d’autres communautés minoritaires.
Les briefings de renseignement classifiés ont révélé l’utilisation par Pékin de plateformes de maintien de l’ordre alimentées par l’IA qui prétendaient « prédire les crimes » en se basant uniquement sur des résultats générés par ordinateur.
« Le système est capable d’amasser de vastes quantités de données personnelles intimes par le biais de fouilles manuelles sans mandat, de caméras de reconnaissance faciale et d’autres moyens pour identifier les individus passibles de détention, signalant pour objet d’enquête des centaines de milliers de personnes simplement pour avoir utilisé certaines applications de téléphonie mobile populaires », a déclaré l’ICIJ.
En décembre 2020, le Washington Post a publié un article accusant le géant chinois de la technologie Huawei d’avoir testé un logiciel permettant d’identifier les Ouïghours par le biais de caméras et d’envoyer une alerte aux autorités.
Huawei a travaillé avec la start-up Megvii, spécialisée dans la reconnaissance faciale, sur ce projet. Le système de caméra IA était capable de scanner les visages dans une foule et d’estimer l’origine ethnique, le sexe et l’âge, de chaque individu.
John Honovich, fondateur d’IPVM, une société basée en Pennsylvanie qui procède à des examens et à des enquêtes sur les équipements de vidéosurveillance, a déclaré que ce problème était un exemple de la façon dont une telle technologie discriminatoire est devenue « totalement normalisée. »
« Il ne s’agit pas d’une entreprise isolée. C’est systématique… beaucoup de réflexions ont été menées pour s’assurer que cette " alarme ouïghoure " fonctionne », a déclaré M. Honovich.
Rédacteur Fetty Adler
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