Depuis mi-avril, une crise bancaire secoue la province chinoise du Henan, empêchant des centaines de milliers de personnes d’accéder à leur épargne.
Les quatre banques concernées, de la province du Henan et de l’Anhui, ont attiré un grand nombre de nouveaux clients en raison des taux d’intérêt élevés qu’elles proposaient. Les banques offraient un taux annuel de 4,1 à 4,5 %, alors que le taux standard offert par les grandes institutions bancaires s’élève de 2 %, en moyenne.
Les banques ont suspendu tout retrait d’argent, laissant des milliers d’épargnants sans accès à leurs économies d’une valeur totale estimée à 40 milliards de yuans (environ 5,9 milliards de dollars).
Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue
L’incident a suscité un tollé général, les clients désespérés exigeant des réponses des banques situées à Zhengzhou, la capitale provinciale du Henan. Depuis, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue, donnant lieu à de violents affrontements avec la police.
Une bombe financière
Selon Minxin Pei, professeur spécialisé dans les études gouvernementales au Claremont McKenna College en Californie, les problèmes bancaires du Henan pourraient entraîner une crise financière à l’échelle nationale. Dans un article publié par le journal japonais Asia Nikkei le 17 juillet, Minxin Pei a averti qu’une « bombe est sur le point d’exploser », déclarant que les investisseurs devraient se préparer à des jours plus difficiles dans le secteur bancaire du pays.
Minxin Pei a noté que depuis 2009, les autorités chinoises ont emprunté massivement pour stimuler la croissance économique, ce qui a eu pour conséquence que le ratio « dette/produit intérieur brut (PIB) » a atteint 264 % ces dernières années.
Les banques rurales du Henan ont souffert d’un « manque de supervision, d’une mauvaise gestion des risques et de la corruption », a indiqué Minxin Pei, ajoutant que près de 4 000 petites et moyennes banques chinoises, dont les actifs dépassent 14 000 milliards de dollars, sont confrontées à des problèmes systématiques similaires.
En outre, les gouvernements locaux chinois sont également confrontés à des perspectives sombres, selon les experts. La crise de l’immobilier entraînant une baisse des recettes fiscales, les administrations locales risquent de subir un manque à gagner de plus de 6 000 milliards de yuans cette année, rien que pour le secteur immobilier défaillant du pays.
Cette situation a entraîné un cycle préjudiciable dans lequel les collectivités locales ont recours à des emprunts supplémentaires auprès des banques locales afin de résoudre leurs problèmes de financement à court terme. La dette ne cesse ainsi de croître et devient plus difficile à rembourser.
Selon Minxin Pei, les grandes banques chinoises sont également en difficulté. Les principales banques du pays ont accordé des dizaines de milliards de dollars de prêts aux pays en développement dans le cadre de l’initiative chinoise Belt and Road.
Cependant, des pays comme le Sri Lanka ont récemment fait défaut sur leur dette , ce qui fait que les prêteurs chinois n’ont eu d’autre choix que d’annuler ces prêts. De cette façon, le déficit du pays continue à faire boule de neige, a déclaré Minxin Pei.
Un secteur immobilier en difficulté
L’énorme secteur immobilier chinois a été mis à mal ces dernières années par la répression de la forte dépendance des promoteurs à l’égard des prêts bancaires et par la flambée des prix des logements résultant du défaut de paiement du géant immobilier Evergrande, l’année dernière.
L’incident a eu des répercussions à long terme sur l’économie chinoise. Les investisseurs ont perdu des millions de dollars dans la crise d’Evergrande et les promoteurs immobiliers en difficulté ont tenté de stopper l’hémorragie en faisant grimper les prix des logements, ce qui a incité un nombre croissant de clients à cesser d’acheter des biens immobiliers.
« La part de l’immobilier chinois a considérablement diminué », a déclaré Carol Lye, gestionnaire de portefeuille associé chez le gestionnaire d’investissement Brandywine Global. « Avec une offre d’obligations immobilières chinoises en baisse de près de 50 % en glissement annuel, le marché est cassé, seuls certains promoteurs de haute qualité étant en mesure de se refinancer. »
Selon le journal Caixin, basé en Chine continentale, les acheteurs de logements dans des dizaines de projets inachevés à travers la Chine ont « refusé d’effectuer des paiements hypothécaires pour protester contre le non-respect des calendriers de chantiers par les promoteurs. » Le 14 juillet, les acheteurs ont adressé une pétition aux autorités locales pour demander aux promoteurs de reprendre la construction et de livrer les projets dans les délais, selon le rapport.
Une enquête pour fraude utilisée comme prétexte
En réponse à la crise bancaire du Henan, le gouvernement central chinois a tenté de rassurer les utilisateurs en expliquant que leurs comptes bancaires ne seront pas gelés de manière permanente, et que le problème actuel est dû au fait que le chef de la société mère des banques est poursuivi et fait l’objet d’une enquête pour « évasion fiscale, fraude et autres violations. »
« Cela ne résout pas le problème de fond », a déclaré un client de la banque du nom de Hang, au South China Morning Post (SCMP) le 12 juillet. Le montant total de l’épargne de Hang auprès de trois des quatre banques rurales de la province du Henan s’élève à 860 000 yuans (128 000 dollars).
« Il semble que le Henan n’a vraiment pas d’argent. Si le gouvernement central ne le renfloue pas, c’est nous, les épargnants, qui allons souffrir. »
Bien que la Banque populaire de Chine (PBoC), la banque centrale chinoise, garantisse les dépôts des clients jusqu’à 500 000 yuans (74 000 dollars), cela ne suffira pas à couvrir les pertes de certaines personnes.
Un autre banquier du nom de Wang, a déclaré : « À ce stade, la plupart des gens ne font pas confiance au gouvernement du Henan », ajoutant qu’il n’y avait toujours aucune indication sur le moment où les clients ayant déposé plus de 500 000 yuans pourraient récupérer ces fonds.
Rédacteur Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
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