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Chine. En souvenir du 4 juin

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Nous célébrons aujourd’hui le 13ème anniversaire du massacre du 4 juin à Pékin et je m’en souviens comme si c’était hier. Je restais chez le poète chinois néo-zélandais Gu Cheng et son épouse Xie Ye sur l’île Waiheke. Lorsque nous avons écouté les informations de la BBC World Service, le son des coups de feu a retenti à travers l’ancienne radio. Des chars roulaient sur Pékin, réprimant six semaines de manifestations pacifiques sur la place Tiananmen. L’Armée de libération du peuple s’était retournée contre le peuple.

Cette nuit-là, nous avons rencontré d’autres membres de la communauté chinoise locale qui souhaitaient manifester leur solidarité avec le peuple chinois. Chez l’un de mes professeurs, nous avons écouté en larmes une émission du Premier ministre australien, Bob Hawke, qui s’est élevé contre l’acte brutal du gouvernement du Parti communiste chinois (PCC). Le gouvernement néo-zélandais a également condamné publiquement le massacre. Le bulletin de 18 heures de TVNZ a retransmis le visage sinistre de l’ambassadeur de la République Populaire de Chine alors qu’il se présentait pour rencontrer le ministre des Affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande.

Le département de chinois de l’université d’Auckland a annulé toutes les classes pendant une semaine pour faire le deuil des morts. Des étudiants chinois de l’Université d’Auckland ont participé à la coordination d’une marche de protestation. Deux jours plus tard, plus de 6 000 Néo-zélandais et étudiants chinois qui étudiaient en Nouvelle-Zélande montaient la rue Queen. Un bus rempli d’étudiants chinois s’est rendu à Wellington pour mener une manifestation devant l’ambassade chinoise. À Taihape, l’un des étudiants a été éjecté du bus alors qu’il était pris en train d’appeler lvambassade pour l’informer de nos plans.

Nous suivions tous de près le mouvement de protestation depuis ses débuts en avril 1989. Nous l’avons vu grandir: passant d’une manifestation d’étudiants ponctuelle lors des funérailles d’un dirigeant du PCC à une ville de milliers de jeunes rebelles dans le cœur politique de la Chine puis en manifestations de masse d’étudiants et de travailleurs dans toutes les grandes villes.

Le mouvement de six semaines favorable à la démocratie à Pékin a attiré une forte attention internationale, notamment parce qu’il coïncidait avec le rapprochement historique entre la Chine et l’Union soviétique en mai 1989, marqué par la visite en Chine du dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev. De nombreux journalistes étrangers sont venus rendre compte de la visite de Gorbatchev et sont restés pour regarder le drame se dérouler dans les rues de Pékin.

Dans les dernières semaines avant la répression, même des journalistes chinois défilaient dans les rues. La bannière d’un journaliste du China Daily disait tout : « Les journalistes demandent : plus de mensonges ! ». Un autre proclamait: « I ♥ Free Press ». Soudainement, dans les premiers jours de juin, les médias chinois ont commencé à faire des reportages honnêtes et équitables sur la place. Pour beaucoup de Chinois comme mon mari, alors jeune travailleur, c’était comme pouvoir respirer librement après des années d’étouffement. Les étudiants de l’Académie centrale des arts ont construit une immense déesse de la démocratie en papier mâché, symbole fragile de la liberté et de la temporalité de ce bref moment de l’histoire chinoise, l’œil du cyclone.

Dans l’après-midi du 3 juin 1989, des soldats de l’APL ont pris le contrôle des studios de la télévision centrale de Chine et de la rédaction du People’s Daily. Cette nuit-là, les deux présentatrices de la chaîne de télévision en circuit fermé Du Xian et Xue Fei portaient du noir. Après avoir lu l’annonce que le gouvernement ordonnait à la population de Pékin de sortir de la rue, Du a conclu son reportage avec : « Souvenez-vous de ce jour noir ! » Les deux journalistes ont été bannis à vie de la télévision chinoise pour ce petit acte de protestation.

Les médias étrangers ont rapporté en direct la répression dans les rues de Pékin, montrant au monde les images et les sons de citoyens abattus de sang froid. Une image a attiré l’attention du monde entier, celle d’un pékinois solitaire, les sacs à provisions à la main, confronté à un char d'assaut. Pour le monde occidental, « l’homme du char » est devenu un symbole du courage de l’individu face à la violence de l’État.

Personne ne sait exactement combien de personnes sont mortes lors de la répression. Le gouvernement du PCC a incinéré les corps et a ordonné aux hôpitaux de purger tous les dossiers. On estime que le nombre de morts varie entre plusieurs centaines et plus de 2.000, avec des milliers de blessés et environ 10.000 détenus.

Le 4 juin a été un tournant dans la politique chinoise. Le gouvernement a défini les limites de la réforme politique et a montré à la population ce qu’il était prêt à faire pour les faire respecter. Cela a porté gravement atteinte à la réputation internationale du PCC. Les négociations sur l’entrée de la Chine à l’OMC ont été suspendues. De nombreux gouvernements ont coupé les contacts politiques de haut niveau. Les États-Unis et l’Union européenne ont restreint les exportations vers la Chine de technologies et d’équipements militaires, qui restent en place à ce jour.

Une nouvelle ère de contrôle politique a commencé après 1989, le PCC s’est concentré sur le maintien de l’État à parti unique tout en s’engageant dans des réformes du marché dirigées par l’État. Les jeunes Chinois de la « génération post-1990 » ont été nourris avec un régime d’éducation patriotique.

Au cours des 30 années qui ont suivi, la trace publique du 4 juin a été délibérément et systématiquement effacée en Chine; jeté dans le trou de la mémoire. Il est interdit de le mentionner dans le discours public et cela n’existe pas dans les livres d’histoire de la Chine. Pourtant, chaque année, des Chinois sont arrêtés pour avoir tenté de le commémorer. Les efforts du PCC pour contrôler le récit ne se limitent pas à la Chine. Les contrôles de censure imposés aux médias de la diaspora sous Xi Jinping signifient que peu de médias chinois d’outre-mer commémoreront le 4 juin ou rapporteront des événements qui y sont associés, même si cet anniversaire fait les manchettes depuis trois décennies. Cette année, le 31 mai, Twitter a fermé des milliers de comptes Twitter de dissidents chinois. Twitter est interdit en Chine, mais beaucoup en Chine accèdent à Twitter via des VPN - qui sont également interdits.

Le massacre de Tiananmen est comme une plaie ouverte sur le corps politique chinois. La direction du PCC comprend cela. En 1999, le gouvernement envisageait de revenir sur le verdict prononcé contre Tiananmen, mais au lieu de cela, ils ont lancé une nouvelle vague de répression, cette fois contre l’organisation spirituelle Falun Gong.

Malgré les efforts du PCC pour réprimer le discours le 4 juin, la blessure ne sera guérie que lorsque le gouvernement reconnaîtra ce que l’écrivain Bing Xin a déclaré en 1989: les étudiants étaient patriotes. Mais le PCC ne fait pas confiance à son propre peuple et Xi dirige maintenant la Chine en mode de crise. La situation des droits de l’homme en Chine s’est dégradée.

En 2019, comme en 1989, le monde extérieur a un rôle crucial à jouer pour dénoncer les violations des droits de l’homme en Chine. Aujourd’hui, nous devons nous souvenir du sacrifice des braves individus qui ont osé s’attaquer aux fautes de leur propre gouvernement. Et nous devrions nous assurer que la diaspora chinoise dans nos propres sociétés jouit de la liberté de parole et d’association, et que la censure du PCC ne soit pas autorisée à empiéter sur notre environnement médiatique.
Article original d’Anne-Marie Brady, publié pour la première fois par Newsroom NZ

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