Alors que la Chine fait face à une récession économique, la jeunesse chinoise s’est emparée des réseaux sociaux du pays pour partager ses expériences. Le problème devrait s’aggraver dans les mois à venir, car plus d’un million de diplômés de l’enseignement supérieur devraient entrer sur le marché du travail.
De nombreux internautes, en particulier les jeunes professionnels, se sont tournés vers des réseaux populaires tels que Douyin (la version chinoise de TikTok), Xiaohongshu et Kuaishou pour exprimer les difficultés accablantes liées à la récession économique et au chômage. Des inquiétudes financières à l’impact émotionnel face aux licenciements soudains, ces publications reflètent une atmosphère nationale de désespoir et d’incertitude.
Une vidéo devenue virale sur Douyin montre une femme d’une trentaine d’années racontant en larmes son expérience de licenciement. « J’ai perdu mon emploi, je ne sais pas comment je vais survivre », dit-elle, ajoutant : « Aujourd’hui, c’était mon dernier jour de travail. Je pensais que les licenciements dans les grandes entreprises étaient une réalité lointaine, mais me voilà en plein dedans. » L’utilisatrice a ensuite expliqué les dépenses exorbitantes auxquelles elle doit faire face chaque mois, notamment les versements hypothécaires, les services publics et les autres frais de subsistance.
Récession économique et crise du chômage : une sombre réalité
Malheureusement, il ne s’agit pas d’un incident isolé visant les jeunes et les travailleurs d’âge moyen. De nombreux salariés plus âgés ont également partagé la même situation. Un internaute de 50 ans du nom de Wang Haihong, qui s’est installé à Shanghai il y a près de trente ans, a perdu son emploi de manière inattendue après des années d’emploi stable. « C’est comme si une montagne d’incertitude s’était abattue sur moi », s’est-il lamenté, ajoutant que la « peur du chômage » est une pression incessante dont on ne voit pas la fin.
Parmi ceux qui partagent leurs difficultés, les diplômés universitaires ont exprimé de vifs regrets quant à leur investissement dans l’enseignement supérieur. « J’ai utilisé toutes les économies de ma famille pour aller à l’université, mais j’ai obtenu un diplôme qui me semble inutile », a déclaré un récent diplômé, « Je n’ai pas mangé depuis trois jours parce que je n’ai pas les moyens d’acheter de la nourriture ».
Une crise qui s’aggrave
Ces histoires sont aussi le reflet d’une crise qui s’aggrave. Selon un autre témoignage rapporté par Netease, un homme du Zhejiang a été trouvé errant dans les rues tard dans la nuit, en larmes. Il a expliqué qu’en tant que père de deux enfants, il avait toujours envoyé son salaire à temps pour subvenir aux besoins de sa famille, mais que les licenciements l’avaient frappé de plein fouet, et de façon inattendue. Il n’a pas dit la vérité à sa femme, craignant sa réaction. « J’ai plus de 40 ans et je n’ai pas de compétences spécialisées », a-t-il- dit, « et chaque entretien d’embauche me semble être une impasse ».
Cette vague de publications sur les réseaux sociaux est le signe d’une tendance nationale qui va bien au-delà des difficultés individuelles. Au cœur de ces histoires personnelles, de grandes entreprises technologiques chinoises comme Tencent et Alibaba ont procédé à des réductions massives de personnel ces dernières années. Des rapports indiquent que depuis 2022, Tencent a licencié environ 10 % de ses effectifs, tandis qu’Alibaba a supprimé plus de 20 000 emplois au cours de la seule année 2024.
Une employée du secteur technologique de Pékin a exprimé ses frustrations en ligne en affirmant que la peur de perdre son emploi est si forte en Chine que les employés font des heures supplémentaires tous les jours. « L’entreprise licencie du personnel tous les trois mois », a-t-elle déclaré. « Ces trois dernières années, j’ai fait des heures supplémentaires, jusqu’à la veille de mon accouchement. Mais chaque jour, je suis hantée par la peur de perdre mon emploi. »
En 2024, la situation s’est aggravée pour les jeunes demandeurs d’emploi, avec plus de 11,7 millions de jeunes diplômés entrant sur un marché du travail saturé. Le taux d’emploi réel des jeunes diplômés se situerait autour de 50 %, ce qui signifie que beaucoup doivent passer des mois à chercher un emploi, ce qui pèse encore plus sur leurs familles et leurs économies.
Sauver les apparences
Un nouveau phénomène est même apparu : les travailleurs de la technologie récemment au chômage dans les grandes villes passent leurs journées dans des bibliothèques publiques pour « sauver les apparences », selon des messages viraux. « Faire semblant d’aller travailler ne signifie pas fuir la réalité », a déclaré un jeune diplômé de l’université de Wuhan, « il s’agit de maintenir un certain sentiment de normalité et de dignité ».
L’économiste chinois Cai Shenkun estime que la crise du chômage n’a pas encore atteint son apogée. Il note que si certaines publications sur les réseaux sociaux visent à attirer l’attention, elles reflètent les défis plus vastes auxquels le marché du travail chinois est confronté. Cai Shenkun souligne que la simple injection de fonds publics pour stimuler l’économie ne suffira pas à résoudre les problèmes de fond, car les entreprises hésitent à investir et n’ont pas de réelles possibilités de croissance rentable.
Rédaction Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
Source : Desperate Times: China’s Youth Take to Social Media to Lament Skyrocketing Unemployment
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