La flambée du coût de la vie, notamment du logement, rend difficile pour beaucoup de rester durablement dans la ville de Shanghai. (Image : tampatra / envato)
Connue comme l’un des bastions financiers de la Chine, Shanghai est aujourd’hui confrontée à une double crise démographique qui inquiète les responsables et les experts. Selon des données récemment publiées, le nombre de travailleurs non-résidents (ou migrants) vivant dans la ville est passé sous la barre des 10 millions pour la première fois depuis des années.
Ces chiffres proviennent du « Bulletin statistique national de développement économique et social de Shanghai 2024 », publié par les autorités de Shanghai le 25 mars. Fin 2024, la population résidente totale de Shanghai s’élevait à 24,8 millions, soit une baisse de 72 000 par rapport à l’année précédente. Fait plus frappant, la population non-résidente de la ville a diminué de 237 900, tombant à 9,83 millions, c’est la première fois qu’elle passe sous la barre des 10 millions.
Qu’est-ce qui motive l’exode
La population migrante de Shanghai a atteint son pic en 2020, avec 10,48 millions de personnes. Depuis, ce chiffre a diminué chaque année : 10,32 millions en 2021, 10,06 millions en 2022, 10,07 millions en 2023, et maintenant moins de 10 millions en 2024.
Les raisons de cette tendance à la baisse sont multiples. Le ralentissement économique et l’évolution de la structure industrielle de Shanghai ont réduit la demande de main-d’œuvre migrante. Comme l’indiquent les données officielles publiées par les autorités shanghaïennes, « ces dernières années, la demande de travailleurs migrants dans les secteurs manufacturiers traditionnels et les services bas de gamme a diminué. » Parallèlement, malgré le développement des industries de haute technologie comme l’IA, le nombre d’emplois hautement qualifiés disponibles est limité et insuffisant pour compenser le déclin des emplois peu qualifiés.
De plus, la flambée du coût de la vie, notamment du logement, rend difficile pour beaucoup de rester durablement dans la ville. Les analystes soulignent que les loyers élevés demeurent un obstacle majeur à l’installation des migrants, de nombreux jeunes travailleurs choisissant désormais de retourner dans leur ville natale ou de s’installer dans des villes plus petites où le logement et les dépenses quotidiennes sont plus abordables.
Un autre obstacle réside dans les attentes traditionnelles liées à l’accession à la propriété. Dans la culture chinoise, il est courant pour les jeunes actifs de se fixer des priorités, comme acheter une maison avant de se marier et de fonder une famille. Cependant, dans des villes comme Shanghai, même la location d’un appartement modeste peut s’avérer prohibitive. Cela a conduit de nombreux jeunes migrants à retarder indéfiniment leur mariage et leur maternité.
Les taux de natalité continuent de baisser
Si la baisse de la population migrante est inquiétante, la chute du taux de fécondité à Shanghai suscite encore plus d’inquiétudes. Selon un rapport de juin 2024 de la Commission de la santé de la ville, l’indice synthétique de fécondité (ISF) est passé de 0,7 en 2022 à 0,6 en 2023, un chiffre bien inférieur au seuil de remplacement de 2,1 et même inférieur à celui de la Corée du Sud, qui détient le record du pays ayant le taux de fécondité le plus bas.
Dans certains quartiers centraux de Shanghai, comme Huangpu, Xuhui, Changning, Jing’an, Putuo et Hongkou, le taux de fécondité est tombé en dessous de 0,5, ce qui signifie que deux couples n’ont même pas un enfant en moyenne.
Le retard de l’âge de la maternité reflète également cette tendance à la baisse. L’âge moyen des primipares parmi les résidents enregistrés de Shanghai a régulièrement augmenté, passant de 29,01 ans en 2015 à 31,66 ans en 2023, l’âge moyen global de la maternité atteignant 32,56 ans.
Malgré l’assouplissement par le gouvernement chinois de ses politiques autrefois strictes de planification familiale au fil des ans, et même l’encouragement des couples à avoir plus d’enfants, le désir des jeunes Shanghaiens d’agrandir leur famille reste faible. Une précédente enquête menée par la Commission nationale chinoise de la santé a révélé que la principale raison pour laquelle les femmes en âge de procréer ne souhaitaient pas avoir d’autres enfants était le « lourd fardeau économique ».
Shanghai : une ville qui vieillit rapidement
À Shanghai, les coûts liés à l’éducation d’un enfant vont au-delà de l’argent. De nombreuses femmes évoquent également la difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale, surtout avec de jeunes enfants. Même avec le soutien financier du gouvernement, le temps et l’investissement émotionnel nécessaires à l’éducation des enfants, combinés à l’augmentation des coûts de garde et d’éducation, sont devenus un frein majeur.
Aujourd’hui, avec une population non-résidente en déclin et un taux de fécondité parmi les plus bas au monde, Shanghai vieillit rapidement. La ville est désormais confrontée à un défi démographique sans précédent. Selon un rapport du Bureau municipal des affaires civiles de Shanghai, le niveau de vieillissement de la ville est déjà comparable à celui du Japon, un pays connu pour le vieillissement rapide de sa population et la baisse de sa natalité .
Selon les projections, d’ici 2030, 40 % des résidents enregistrés de Shanghai seront âgés. D’ici 2050, ce chiffre pourrait atteindre 44,5 %, faisant de Shanghai l’une des villes les plus âgées au monde. Cela pourrait alors avoir des conséquences désastreuses non seulement sur la population active de la ville, mais aussi sur ses systèmes de santé, de retraite et de services sociaux.
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