Une lettre ouverte transmise via le compte Wechat de Chen Ping, président du groupe Sun TV (Hong Kong), circule sur Internet. La lettre appelle à organiser une réunion élargie du Bureau politique intérimaire du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) pour discuter de la question de destituer ou non Xi Jinping. Cette lettre a soudainement fait surface en Chine et à l’étranger, et sa portée a également attiré l’attention.
RFI a rapporté le 22 mars qu’une lettre ouverte appelant à « organiser d’urgence une réunion élargie du Bureau politique intérimaire du Comité central du PCC » circulait sur Internet. Cette lettre ouverte, transmise via le compte Wechat de Chen Ping, président du groupe Sun TV (Hong Kong), a déclaré qu’en raison de la menace de l’épidémie du virus du PCC (également connu sous le nom de Pneumonie de Wuhan), de la situation économique tendue en Chine et des incidents internationaux sévères entre la Chine et d’autres pays, une réunion élargie du Bureau politique intérimaire du Comité central du PCC devrait être organisée afin de « discuter si Xi Jinping est apte à continuer à occuper la fonction de président du pays, secrétaire général du Parti communiste et président de la commission militaire ».
La lettre ouverte interroge sur les choix du PCC et de son dirigeant
Face aux ripostes ennemies tout azimut dans le monde entier, doit-on revenir à la politique directive préconisée par Deng Xiaoping, c’est-à-dire rester discret ? Est-il nécessaire de définir si, politiquement parlant, c’est le PCC ou la loi qui fait foi ? En termes d’économie, faut-il enrichir le pays ou le peuple d’abord ? Est-il permis de sacrifier les droits fondamentaux des citoyens afin de maintenir la stabilité du pouvoir ? Est-ce qu’il doit être autorisé de créer des médias non officiels ? Le pouvoir judiciaire devrait-il être indépendant ? Les citoyens devraient-ils pouvoir critiquer le gouvernement ? Est-il nécessaire de faire surveiller ce dernier par l’opinion publique ? Le parti et le gouvernement devraient-ils être séparés ? Les biens des fonctionnaires doivent-ils être rendu publics ?
En termes de relations avec Taiwan, le plus important est-il plutôt la réunification ou la paix ? Sur la question de Hong Kong, le plus important est-il la prospérité de Hong Kong ou l’autorité du gouvernement central ? Hong Kong sera-t-elle autorisée à organiser des élections locales complètement indépendantes ?
La lettre demandait également si la détérioration des relations sino-américaines est bonne ou mauvaise pour le développement de la Chine ? Sans prendre en compte la situation réelle en Chine, octroyer sans cesse des financements aux pays moins développés en Afrique ou sur les autres continents, est-ce un bon choix pour le développement de la Chine et ses relations internationales ?
La lettre a précisé que puisqu’il était nécessaire de « parler de Xi Jinping », il est suggéré que Li Keqiang, Wang Yang et Wang Qishan forment une équipe de direction pour la réunion élargie du Bureau politique intérimaire du Comité central pour organiser la réunion. La lettre a également expliqué que l’importance de cette réunion n’est pas moindre que celle mise en place lors de l’arrestation du Gang des Quatre en 1978. L’évaluation de la politique directive de Xi Jinping devrait avoir un impact plus important que le positionnement historique du PCC lors de la troisième session plénière du 11e Comité central.
Certaines personnes pensent que cette lettre ouverte fait écho, dans une certaine mesure, à l’article signé par Ren Zhiqiang qui critiquait le comportement de Xi Jinping. Après la publication de son article critiquant Xi, on ne sait plus où il se trouve maintenant et on dit qu’il a été «placé en garde à vue». Certains disent sur Internet que Ren Zhiqiang a fait l’objet d’une arrestation, ordonnée par Xi Jinping lui-même.
Mais qui est Chen Ping ?
Chen Ping est un entrepreneur chinois, universitaire, opérateur de médias indépendant et Président du conseil d’administration de Tidetime Financial, TideiSun Group et Sun TV, il vit à Hong Kong. (Image : wikimedia / Domaine public)
Selon les informations publiées, Chen Ping, né le 23 janvier 1955, est un entrepreneur chinois, universitaire, opérateur de médias indépendant, Président du conseil d’administration de Tidetime Financial, TideiSun Group et Sun TV, il vit à Hong Kong. Il est dit sur Internet que Chen Ping est également un descendant de la deuxième génération des cadres du PCC et son père est un cadre supérieur du PCC. Chen Ping a accompagné Xi Zhongxun dans la zone économique spéciale de Shenzhen et connaît Xi Jinping depuis plus de 40 ans.
Certains internautes qualifient également Chen Ping de libéral au sein du PCC. En 1984, Chen Ping et Wang Qishan ont organisé en commun la «Conférence de Moganshan». Cependant, l’identité des descendants des cadres du PCC et de leur lignée ne peut pas être vérifiée de façon officielle.
Selon le reportage de RFI, cette lettre ouverte n’a pas été signée et il est également surprenant qu’elle ait été publiée sur WeChat qui est très censuré. Cependant, certaines personnes ont souligné que Chen Ping vit à Hong Kong et devait avoir un compte WeChat enregistré avec un numéro de téléphone mobile étranger. C’est la raison pour laquelle les gens à l’étranger peuvent la voir, mais les utilisateurs en Chine n’y ont pas accès.
Une lettre anonyme a été partagée de nombreuses fois sur Internet ?
Selon un reportage de Voice of America (VOA), Chen Ping a envoyé un message sur WeChat plus tard, disant qu’il avait simplement partagé cette lettre anonyme qui suggérait que le Bureau politique intérimaire du Comité central du PCC organise une réunion d’expansion d’urgence, et qu’il ne connaissait pas l’identité de l’auteur.
Chen Ping a écrit : «Je l’ai reçue hier dans le groupe WeChat, et je pensais que c’était modéré et rationnel, alors je l’ai transmise sans trop réfléchir. Mais je ne sais pas qui l’a écrite. Cette lettre anonyme a été partagée de nombreuses fois sur Internet. Ce n’est rien d’autre que d’impliquer Wang Qishan et Ren Zhiqiang dans cette affaire. Sans liberté d’expression, les rumeurs circulent inévitablement. C’est bien triste !»
Chen Ping, maintenant à Hong Kong, a déclaré à VOA : «Je pense que c’est parce que le discours et la presse ne sont pas libres, que finalement des rumeurs se répandent. Hélas, c’est aussi un phénomène spécial et inévitable.»
Cependant, Chen Ping a déclaré que la proposition reflète la pensée actuelle de nombreuses personnes, en particulier de celles qui sont dans le système du PCC. La raison pour laquelle la lettre ouverte qu’il a transmise au groupe WeChat a suscité un tel tollé, c’est précisément parce que la Chine traverse une période mouvementée, sinon ce ne serait qu’un article en ligne insignifiant, car elle est bien moins pointue que l’article critique de Ren Zhiqiang.
L’article de Ren Zhiqiang
Depuis le 6 mars, un article signé par Ren Zhiqiang a été diffusé sur Internet. L’article a critiqué les autorités de Pékin pour ne pas avoir tenu la population informée de l’épidémie provoquée par le virus du PCC (également connue sous les noms de pneumonie de Wuhan, Coronavirus ou COVID-19) et parceque le PCC a tenté de dissimuler la vérité avec divers grands mensonges, comme si l’épidémie n’était apparue que le 7 janvier. Que s’est-il passé alors en décembre de l’année dernière ? Pourquoi les informations n’ont-elles pas été publiées à temps ? Pourquoi le 1er janvier (2020) CCTV a-t-il diffusé une news pour critiquer les huit « diffuseurs de rumeur » ? Pourquoi y a-t-il eu une interpellation policière le 3 janvier ?
L’article souligne que la réalité exposée par cette épidémie est que «le parti protège les intérêts du parti, les fonctionnaires défendent les intérêts des fonctionnaires et le président ne fait que sauvegarder son statut de "noyau dirigeant" et ses intérêts fondamentaux». C’est en raison de cela que le PCC n’a pas annoncé les faits réels, et qu’il a qualifié les lanceurs d’alerte de «diffuseurs de rumeurs» pour restreindre et empêcher la transmission de la vérité, conduisant ainsi à la propagation incontrôlable de l’épidémie.
En plus de cet article signé de Ren Zhiqiang, le Professeur Xu Zhangrun de l’Université de Tsinghua a également déclaré, début février, que « le peuple en colère n’a plus peur du PCC, le compte à rebours a été activé », attaquant le totalitarisme autoritaire du PCC. Le Professeur Xu Zhangrun est actuellement assigné à résidence.
En outre, Xu Zhiyong, un activiste démocratique et juriste bien connu, a également publié plus tôt sur Internet, que les autorités avaient mal géré l’épidémie du virus du PCC : son déploiement désordonné a provoqué d’innombrables* tragédies humaines. La lettre ouverte de Xu Zhiyong a directement appelé Xi Jinping à «démissioner». Xu Zhiyong a été arrêté.
En ce qui concerne la publication soudaine de cette lettre ouverte transmise par quelqu’un descendant de la deuxième génération des cadres du PCC comme Chen Ping, le compte Twitter « Cold Mountain Times Review » s’est questionné pour savoir si les personnes derrière Sun TV contrôlaient l’armée chinoise ? Est-ce un coup d’Etat ?
Certains internautes ont déclaré : « Nous ne voulons pas que le gouvernement du PCC change simplement son apparence. Depuis plus de 70 ans, il n’a pas arrêté de changer de dirigeant mais son idéologie n’a jamais changé. Le peuple chinois a assez souffert...... Cette fois-ci, le monde entier souffre comme nous, et le PCC cherche partout dans le monde entier pour trouver un coupable et renvoyer la patate chaude. J’espère que le PCC sera enfin écarté du jeu et qu’il demandera pardon à tout les êtres sur la planète ».
Dai Qing, descendant de la deuxième génération des cadres du PCC et écrivain libéral, estime qu’un grand nombre de réformistes du système qui étaient actifs dans les années 1980 s’inquiètent de la situation actuelle de la Chine et de son développement futur. Si quelqu’un ose exprimer sa demande de façon anonyme en cette période, cela traduit sa préoccupation pour un changement radical, c’est la tendance générale en ce moment et la volonté du peuple.
«Autrement dit, cela traduit la volonté des jeunes réformistes des années 1980. Ils ont traversé les années 1990 et tant d’autres années. Trente ans se sont écoulées. Ils estiment à présent que s’ils continuent à se taire et restent sans bouger, le pays plongera dans une catastrophe irréparable.»
En revanche, jusqu’à maintenant, cette lettre ouverte n’est revendiquée par personne.
*Selon la déclaration de Guo Wengui, homme d’affaires en exil aux Etats-Unis, au 22 février, le nombre d’infection en Chine aurait atteint le chiffre de 4 ou 5 millions de personnes avec environ 250 000 décès.
Rédacteur Caroline Daix
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