Cinq ans après avoir été arrêté dans un hôtel de Hong Kong, le magnat de la finance canadien d’origine chinoise Xiao Jianhua a été officiellement condamné à 13 ans de prison et son conglomérat Tomorrow Holdings à une amende de 8,1 milliards de dollars.
La société, qui détenait des participations massives dans des banques, des assurances et dans le secteur immobilier, a été accusée d’activités illégales, notamment d’« obtention illégale de dépôts publics, d’abus de confiance, de corruption et d’utilisation illégale de fonds », selon un jugement rendu par le premier tribunal populaire intermédiaire de Shanghai le vendredi 19 août.
Xiao Jianhua à également écopé d’une amende de 6,5 millions de yuans (950 000 dollars) pour ces infractions.
Le jugement stipule que Xiao Jianhua aurait utilisé son réseau financier pour proposer des fonds communs et vendre des assurances et d’autres produits d’investissement défectueux, escroquant ainsi plus de 311,6 milliards de yuans (plus de 45 milliards de dollars) à ses investisseurs.
« Les actes criminels de Tomorrow Holdings et de Xiao Jianhua ont gravement porté atteinte à l’ordre de gestion financière, mis en danger la sécurité financière du pays, porté gravement atteinte à l’intégrité du personnel de l’État, et doivent être sévèrement punis conformément à la loi », a déclaré le tribunal de Shanghai.
Le tribunal de Shanghai a ajouté qu’entre 2001 et 2021, Xiao Jianhua et Tomorrow Holdings avaient offert « des actions, des biens immobiliers, de l’argent liquide et d’autres actifs à des fonctionnaires pour un montant total de plus de 680 millions de yuans », dans le but d’échapper à la surveillance financière et de rechercher des intérêts illégitimes.
Les enquêtes anti-corruption s’intensifient
Le procès de Xiao Jianhua a marqué sa première apparition publique depuis 2017, date à laquelle il a été arrêté à l’hôtel Four Seasons à Hong Kong, où il résidait depuis des années. Les autorités ont déclaré avoir passé plusieurs années à tenter de localiser Xiao Jianhua après qu’il ait fui la Chine continentale. À l’époque de son arrestation, sa fortune était estimée à 6 milliards de dollars.
La condamnation intervient au moment où l’administration du dirigeant chinois Xi Jinping met l’accent sur le « contrôle des risques financiers », alors que l’économie chinoise fait face à de nombreux défis découlant des confinements répétés suite à la politique zéro Covid , et des turbulences financières dans les secteurs de l’immobilier, de l’industrie et de la technologie.
L’enquête menée sur Xiao Jianhua et son groupe financier, incluant plus de 40 institutions financières depuis le début de l’année 2000, s’inscrit dans un cadre plus large visant à éradiquer les activités illicites et à garantir la stabilité financière, alors que la confiance dans le système financier de 59 000 milliards de dollars s’érode, rapporte Bloomberg.
Un château de cartes qui s’écroule
La diaspora chinoise d’outre-mer soupçonne Xiao Jianghua d’être un « gant blanc » pour certaines élites du Parti communiste chinois (PCC), en particulier celles qui ont acquis de l’influence dans les années précédant l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping.
Selon les dires de SinoInsider, un cabinet de conseil en risques politiques chinois basé à New York, Xiao Jianhua serait lié à la faction de Jiang Zemin, l’ancien chef du PCC. Les analystes pensent en particulier que Xiao Jianhua a servi l’ancien vice-président chinois Zeng Qinghong, le bras droit de Jiang Zemin.
La faction de Jiang Zemin a été la principale cible de la campagne anti-corruption de Xi Jinping, avec la purge de centaines de hauts fonctionnaires ayant un lien quelconque avec l’ancien chef du PCC. Jiang Zemin a été au pouvoir de 1989 jusqu’au début des années 2000, et était de facto la force la plus puissante de la politique chinoise jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012.
Les régulateurs chinois ont aussi pris le contrôle de « neuf sociétés financières » liées à Xiao Jianhua, mi-2020. La Baoshang Bank Co., une banque aujourd’hui en faillite, dont les autorités ont pris le contrôle en début d’année, et qui aurait eu des liens avec le financier et pourrait avoir joué un rôle plus important dans les transactions, fait également l’objet d’une enquête concernant ses « risques de crédit sérieux ».
Le tribunal de Shanghai a ajouté que depuis 2004, Xiao Jianhua et Tomorrow Holdings contrôlaient de multiples institutions financières et plateformes financières sur Internet, dont la Baoshang Bank, via « de multiples couches d’actionnaires indirects et de propriétaires anonymes ».
Pékin a aussi révélé que Xiao Jianhua ne recevrait pas de services consulaires du Canada malgré sa double nationalité. « Après vérification auprès des autorités compétentes, Xiao Jianhua est accusé d’actes criminels passés par les organes compétents en Chine », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Wang Wenbin, le 19 août, lors d’un point de presse.
« Selon la loi chinoise, nous ne reconnaissons pas la double nationalité. La Chine juge ses citoyens pour des actes criminels conformément à la loi, et Xiao Jianhua n’a pas le droit de bénéficier de la protection consulaire d’autres pays. »
Le tribunal de Shanghai a toutefois précisé que Xiao Jianhua avait reçu une « peine plus clémente » après avoir plaidé coupable et coopéré à la « récupération de certains biens volés ».
Rédacteur Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.