Le Pilier de la honte, une statue de l’artiste danois Jens Galschiøt immortalisant les victimes de la place Tiananmen à Pékin, placé dans un conteneur de l’université de Hong Kong, le 23 décembre 2021, a été saisie par la police de Hong Kong : dans une tentative apparente de décourager toute commémoration du massacre de la place Tiananmen le 4 juin dans l’ancienne colonie de la Couronne. (Image : wikimedia / Riba News / Domaine public)
La police de Hong Kong a saisi une œuvre d’art le vendredi 5 mai, dans le cadre, comme elle l’a qualifié, d’une œuvre qui représente « une tentative d’incitation à la subversion ». Les médias ont rapporté qu’il s’agissait du fameux Pilier de la honte.
Le Pilier de la Honte est un pilier de 8 mètres de haut composé de 50 corps déformés et enchevêtrés, empilés les uns sur les autres. Il symbolise les milliers de vies perdues lors de la répression sanglante du Parti communiste chinois contre les manifestants pro-démocratie sur la place Tiananmen à Pékin en 1989.
La police n’a pas donné plus de détails sur l’objet qu’elle a déclaré avoir saisi dans le quartier de Yuen Long, dans l’ancienne colonie britannique.
« Le département de la sécurité nationale (…) a effectué des perquisitions avec un mandat ce matin. Une pièce à conviction liée à une affaire d’incitation à la subversion a été saisie », a indiqué la police dans un communiqué.
Le Pilier de la honte est un pilier de 8 mètres de haut composé de 50 corps déformés et enchevêtrés, empilés les uns sur les autres. Il symbolise les milliers de vies perdues lors de la répression sanglante du Parti communiste chinois contre les manifestants pro-démocratie sur la place Tiananmen à Pékin en 1989. (Image : wikimedia / Minghong / CC BY-SA 3.0)
Commémorations du massacre de la place Tiananmen à Hong-Kong
Samedi 6 mai, un porte-parole du Bureau de sécurité de Hong Kong a annoncé que certaines organisations avaient tenté de « semer la confusion dans l’esprit du public, d’exiger la présentation de preuves pertinentes sous le couvert de la liberté artistique, de condamner de manière déraisonnable et de salir malicieusement » les actions légitimes de la police.
Le bureau n’a nommé aucune personne, ni aucune organisation soupçonnée d’incitation à la subversion en utilisant la statue, qui avait été démontée et entreposée pendant plus d’un an.
Cette saisie intervient quelques semaines avant l’anniversaire du massacre de la place Tiananmen, le 4 juin.
Jusqu’à il y a deux ans, une grande veillée aux chandelles était organisée chaque année à Hong Kong le 4 juin pour pleurer les victimes du massacre, qui s’est produit en 1989 lorsque les troupes de la loi martiale du PCC ont abattu des centaines, voire des milliers de manifestants pacifiques qui réclamaient davantage de droits civiques et de démocratie.
Le Pilier a été érigé à Hong Kong lors de l’édition 1997 de la veillée aux chandelles annuelle - l’année même où la Grande-Bretagne a rendu la ville à la Chine - pour commémorer les victimes du massacre de 1989.
En 2021, l’université de Hong Kong a démonté et enlevé la statue le Pilier de la honte « sur la base d’un avis juridique externe et d’une évaluation des risques dans l’intérêt de l’université ». Depuis, la statue était conservée dans un conteneur sur un terrain appartenant à l’université.
Scandaleux, pour le créateur de la sculpture Pilier de la honte
Le sculpteur danois Jens Galschiøt, qui a créé l’œuvre, a affirmé qu’il n’avait pas encore été informé de sa saisie par la police.
« C’est scandaleux. Il s’agit de ma sculpture et personne ne m’a consulté ou informé de quoi que ce soit », a-t-il indiqué dans une réponse envoyée par courrier électronique à Reuters.
Même si l’artiste a été attristé par l’acharnement contre son œuvre, il se réjouit du fait que l’art lui-même soit un outil si puissant qu’il puisse faire l’objet d’une saisie et d’une déclaration officielle et qu’il puisse susciter tant d’émotions.
« Bien que je sois profondément touché que le pilier soit traité de cette manière à Hong Kong, les événements confirment que le langage symbolique de l’art ne peut pas être écrasé et qu’il devient plus fort lorsqu’il est attaqué », a confié M. Galschiøt dans un communiqué de presse.
« Le Pilier de la honte et les discussions sur le massacre du 4 juin n’ont jamais été aussi présents qu’aujourd’hui », a ajouté l’artiste. « Hong Kong (Chine !) a démonté le Pilier de la honte, mais en a fait naître 1 000 à la place. Il est imprimé en 3D dans le monde entier, sous forme numérique et sous forme de bannières », a affirmé M. Galschiøt, soulignant que les modèles réduits de l’œuvre d’art sont très demandés par les amoureux de la liberté dans toute la Chine.
« Le Pilier de la honte et les discussions sur le massacre du 4 juin n’ont jamais été aussi présents qu’aujourd’hui », a ajouté le sculpteur danois Jens Galschiøt. (Image : wikimedia / Duanhua / CC BY-SA 3.0)
250 personnes arrêtées pour crimes contre la sécurité nationale
Selon le gouvernement de la ville, une partie du parc Victoria, où se déroule habituellement le rassemblement, sera fermée cette semaine.
L’Alliance de Hong Kong, qui organisait la veillée, a été dissoute en 2021 après que ses dirigeants eurent été arrêtés et accusés d’incitation à la subversion, en violation d’une loi sur la sécurité nationale imposée par le régime chinois à la suite des manifestations antigouvernementales de 2020.
Les autorités ont utilisé cette loi pour réprimer les activités pro-démocratiques à Hong Kong. Environ 250 personnes ont été arrêtées pour des crimes présumés contre la sécurité nationale, y compris des responsables politiques de l’opposition, des avocats et des journalistes.
