Ces deux dernières semaines, les protestations se sont multipliées en Chine, alors que des centaines (voire des milliers) de personnes, lassées des mesures zéro Covid imposées par le Parti communiste chinois, sont descendues dans la rue.
Depuis 2020, le Parti communiste chinois (PCC) et son dirigeant Xi Jinping ont mis en place une politique draconienne « zéro Covid » visant à supprimer toute source de contamination dans le pays. Les autorités chinoises ont pris des mesures obligeant les gens à rester chez eux, à séjourner dans des camps de quarantaine et à faire la queue pour de fréquents tests Covid, fermant une grande partie de l’économie.
Selon divers groupes de défense des droits de l’homme et d’observation de la Chine, des manifestations contre les restrictions zéro Covid ont éclaté dans des dizaines de villes chinoises des deux tiers des provinces du pays et sur près de 100 campus universitaires.
La plupart des manifestations ont eu lieu entre le 25 et le 28 novembre. L’élément déclencheur immédiat de l’agitation a été la nouvelle d’un incendie mortel qui s’est déclaré dans une tour d’habitation à Urumqi, la capitale de la région autonome chinoise du Xinjiang, le 24 novembre. Alors que les autorités affirment que moins d’une douzaine de personnes sont mortes, des rapports non officiels affirment que plus de 40 personnes (dont des enfants en bas âge), ont succombé aux flammes, prisonnières dans leur maison en raison des restrictions imposées par la pandémie.
Les Chinois se sont rassemblés à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour pleurer les victimes de l’incendie et pour exprimer leur mécontentement face à la politique « zéro Covid » du PCC.
Tenir tête au parti
Bien qu’en dépit de la surveillance étroite des autorités répressives les protestations ne soient pas rares en Chine, la particularité des récentes manifestations réside dans le fait qu’elles se sont déroulées dans plusieurs grandes villes en l’espace de quelques jours. Dans la ville de Wuhan, par exemple, d’où est originaire le virus SRAS-CoV-2 responsable de la pandémie de Covid-19, on a pu voir de grandes foules bloquer les rues et défiler dans les zones d’accès restreint en criant : « levez le confinement ».
La police a procédé à quelques arrestations et certaines vidéos montrent des manifestants en train d’être battus, mais aucun coup de feu n’a été signalé et l’agressivité des agents semble avoir été généralement contenue malgré l’ampleur des manifestations.
Le plus inédit est le fait que de nombreux manifestants ont activement appelé à la chute du Parti communiste chinois et de Xi Jinping, faisant fi du danger d’exprimer leur opinion sur la politique, considérée en Chine comme un sujet tabou.
Dans de nombreuses manifestations, en particulier sur les grands campus universitaires comme ceux de Pékin et de Shanghai, les manifestants ont scandé des slogans, comme lors des manifestations de 2019 à Hong Kong ou de la révolte du mouvement démocratique chinois de 1989, que le PCC a tristement écrasée avec des troupes armées et des chars sur la place Tiananmen et ses environs.
Une photo prise à Shanghai montre deux professeurs affrontant une rangée de policiers. À Pékin, un groupe d’une centaine de personnes a marché jusqu’à la place Tiananmen, appelant à la liberté et à la fin de la dictature.
Le slogan « la liberté ou la mort » est devenu populaire, trouvant un écho auprès de la multitude de Chinois qui en ont assez de voir leur liberté physique entravée depuis de nombreux mois.
Une vidéo à Pékin montre un manifestant débattant avec une personne qui affirme que les manifestations sont des « forces étrangères » et exhortant la foule à être plus « patriotique ».
« Ces " forces étrangères " dont vous parlez, est-ce que ce sont Marx et Engels ? Est-ce Lénine ? Est-ce Staline ? », a rétorqué le manifestant, énumérant les noms de théoriciens et de dictateurs communistes non chinois.
« Est-ce que ce sont des forces étrangères qui ont allumé le feu au Xinjiang ? Est-ce que tout le monde a reçu l’ordre de venir ici par des forces étrangères ? Non ! »
Dans une vidéo partagée sur les médias sociaux, des centaines de manifestants affrontent la police anti-émeute à Pékin, répétant le slogan crié par une manifestante : « Nous ne voulons pas de tests d’acide nucléique, nous voulons vivre nos vies, nous ne voulons pas du PCC, nous voulons la Chine ».
Des feuilles de papier blanc pour réclamer la liberté
Tous les manifestants n’ont pas été aussi directs dans leurs messages, exprimant leur intention de manière plus codée.
Certains ont adopté la tactique des manifestants de Hong Kong après l’imposition par le PCC de la loi autoritaire sur la sécurité nationale, suite au mouvement pro-démocratie. Au lieu de brandir des pancartes écrites, les manifestants ont arboré des feuilles de papier A4 blanches en référence à une raillerie de l’époque soviétique selon laquelle aucun slogan n’était nécessaire car « tout le monde sait » ce que le régime a fait de mal.
Confronté aux policiers, un manifestant a insisté sur le fait qu’il tenait simplement sa feuille de papier parce qu’il aimait bien le papier blanc et qu’il n’y avait aucune autre signification à ses actions.
D’autres ont écrit les équations de Friedmann, du nom du physicien, qui évoque « freed man » (homme libre) et aussi pour sa description d’un univers sans restriction et en constante expansion.
Des chansons populaires du mouvement démocratique de Hong Kong de 2019 ont été entendues lors de certaines des manifestations, tandis que d’autres ont chanté L’Internationale, l’hymne national chinois, ou ont brandi le drapeau chinois.
Sur Internet, les censeurs ont été contraints d’interdire certains des propos de Xi Jinping après que des manifestants les aient détournés pour leur cause.
En voici un exemple : « le peuple chinois s’est levé et s’est uni. Il n’a peur de rien et ne peut pas être manipulé ».
Les manifestants ont également cité Xi Zhongxun, le père de Xi Jinping, qui a lui-même été général et haut fonctionnaire dans les premiers temps du PCC. Xi Zhongxun, qui épousait des idées réformistes, avait déclaré : « un parti politique révolutionnaire n’a pas peur d’entendre la voix du peuple, le silence est la chose la plus effrayante. »
Les représailles contre les manifestants ne se sont pas fait attendre. La police aurait traqué ceux qui ont participé ou « organisé » les manifestations. De nombreuses personnes ont décrit sur les médias sociaux comment les agents ont exigé de vérifier leurs téléphones pour y trouver des communications sensibles sur la politique.
En dehors de la Chine continentale, des personnes se sont rassemblées à Hong Kong et dans d’autres régions du monde pour manifester leur soutien aux manifestants en Chine, notamment à Toronto, à Vancouver, à l’université Harvard aux États-Unis, en Allemagne, au Japon et dans d’autres pays.
Bien que le PCC ait décidé d’assouplir sa politique « zéro Covid », il reste à voir si cela peut se faire en temps voulu et de manière réaliste.
Les protestations semblent s’être calmées lundi dernier mais le sentiment est demeuré fort, et les manifestations se poursuivent dans certaines parties de la Chine, en particulier dans la province méridionale du Guangdong.
Rédacteur Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
Source : ’We Don’t Want the Communist Party’: Chinese Rise Up Against ’Zero-COVID’ Lockdowns
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