Chine. Une responsable chinoise suggère une éducation pro-nataliste pour les élèves des écoles primaires et des collèges, alors que le taux de natalité diminue
De nombreux gouvernements développés confrontés à une baisse de la natalité ont mis en place des programmes ou des politiques visant à promouvoir et à encourager l’augmentation du nombre d’enfants afin de soutenir les sociétés vieillissantes. (Image : Naomi Shi / pexels)
Une fonctionnaire chinoise responsable d’un institut de recherche sur les politiques démographiques a suscité la controverse lors de récentes déclarations suggérant une éducation pro-nataliste pour les élèves des écoles primaires et des collèges, alors que le taux de natalité diminue. Ces déclarations ont été interprétées par de nombreux internautes comme une suggestion pour inverser le déclin démographique de la Chine en tolérant, voire en encourageant, les grossesses chez les adolescentes.
Le 4 mars, un article de l’hebdomadaire gouvernemental China News Weekly publié sur le site de médias sociaux Weibo citait He Dan, qui dirige le Centre de recherche sur la population et le développement de la Chine, pour ses idées concernant le développement de l’éducation pro-nataliste parmi les élèves des écoles élémentaires et des collèges.
Suite à la publication, de nombreux internautes ont exprimé leur scepticisme à l’égard de la directive éducative proposée. Certains ont craint que la chercheuse en politique démographique ne laisse entendre que le Parti communiste chinois (PCC) pourrait tolérer les grossesses chez les mineures.
« Si vous ne savez pas comment faire une suggestion, ne la faites pas », a déclaré un internaute, ajoutant que l’idée d’encourager les adolescents à « avoir un bébé à l’âge de 14 ans » était insensée.
« Les directeurs et les experts de ces centres de recherche ne devraient-ils pas être responsables ? », a ajouté un autre utilisateur. « Nos enfants ne devraient-ils pas se concentrer sur la recherche d’un emploi avant de penser à avoir des enfants ? »
Le terme « pro-nataliste » fait référence à l’opinion selon laquelle il est souhaitable et bénéfique pour la société d’avoir plus d’enfants. De nombreux gouvernements développés confrontés à une baisse de la natalité ont mis en place des programmes ou des politiques visant à promouvoir et à encourager l’augmentation du nombre d’enfants afin de soutenir les sociétés vieillissantes.
Les autorités devraient « faire en sorte que les élèves des écoles primaires et des collèges comprennent la situation démographique actuelle de notre pays du point de vue de la situation nationale », a déclaré He Dan, ajoutant qu’elle pensait que les écoles devraient souligner l’importance de la densité de la population et de la structure des tendances démographiques pour le bien-être et l’avenir du pays.
He Dan est également déléguée à la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), un organe consultatif politique du PCC qui l’aide à gérer son contrôle sur la société.
Créée en 1949 et composée de représentants de divers partis politiques, groupes sociaux et organisations, la CCPPC a pour principale mission de fournir des conseils et des suggestions au régime chinois sur des questions d’ordre économique, social et politique.
Bien que l’organisation ait avant tout un rôle consultatif et n’ait pas de pouvoir décisionnel direct, la CCPPC se réunit chaque année pendant les deux sessions de l’Assemblée nationale populaire (ANP) pour discuter et proposer des recommandations sur les questions cruciales auxquelles le pays est confronté.
Inquiétude de la population
En réponse aux remarques de He Dan, un message intitulé « Les programmes d’augmentation du taux de natalité ont fait leur entrée dans les écoles primaires et les collèges » par un utilisateur nommé « Wei Chuliang » a suscité une grande attention avant d’être supprimé.
Le message, qui a d’abord été publié sur Zhihu (une plateforme de questions-réponses de type Quora) et archivé sur le site de surveillance China Digital Times, mettait en évidence le concept d’« encouragement de la pensée pro-nataliste parmi les élèves des écoles primaires et des collèges », tout en laissant entendre que le PCC essayait de détourner la responsabilité et l’attention en rejetant la faute sur les milléniaux et les jeunes couples qui choisissent de n’avoir qu’un seul enfant ou de rester sans enfant du tout.
En 2016, le gouvernement chinois a aboli sa politique controversée de l’enfant unique afin de rééquilibrer la population vieillissante et d’éviter une crise démographique. (Image : Capture d’écran / YouTube)
L’augmentation du coût de la vie, les ambitions professionnelles, les changements démographiques et l’héritage durable de la tristement célèbre politique de l’enfant unique du PCC ont contribué à ce qu’un nombre croissant de couples choisissent de ne pas avoir d’enfants.
Ces facteurs font qu’il est de plus en plus difficile pour les jeunes couples d’assumer les dépenses liées à l’éducation d’un enfant et beaucoup d’entre eux ont préféré gagner leur vie plutôt que de fonder une famille. D’autres ont déclaré qu’ils n’avaient pas l’expérience et les compétences nécessaires pour élever un enfant, ou qu’ils subissaient déjà trop de pression pour soutenir les membres vieillissants de leur famille.
« Ils essaient de dire à nos enfants que la raison du déclin de la population et du déséquilibre démographique est due au fait que nous ne voulons pas avoir d’enfants », a commenté un internaute.
Un autre a précisé : « avant, c’était " étudiez et travaillez dur pour l’essor de la Chine ", mais maintenant c’est ’reproduisez pour l’essor de la Chine’ ? », semblant se moquer des politiques contradictoires du PCC , il a ajouté : « comment sommes-nous censés considérer la fertilité ? Est-il correct d’avoir plusieurs enfants, et mauvais d’en avoir un seul ou de ne pas en avoir du tout ? S’il vous plaît, sortez et dites-le ! »
Le PCC essaie de détourner la responsabilité et l’attention sur les milléniaux et les jeunes couples qui choisissent de n’avoir qu’un seul enfant ou de rester sans enfant. (Image : Capture d’écran / YouTube)
Commentaires censurés
L’article critiquait également l’hypocrisie du PCC qui, après avoir appliqué la politique de l’enfant unique pendant des décennies, s’efforce aujourd’hui d’augmenter le nombre de naissances. Avant que l’article ne soit retiré, de nombreux commentaires ont été supprimés ou censurés.
Auparavant, les slogans étaient les suivants : « un seul enfant, c’est bien », « peu de naissances, c’est bien pour une vie heureuse », et « préconiser un seul enfant pour un couple ». Aujourd’hui, le slogan est devenu « les naissances multiples sont correctes ». Ainsi, le fait qu’une naissance soit « correcte » ou non dépend de ce que vous « le régime » dites à un moment donné, a écrit un internaute.
Certains internautes ont tourné en dérision les positions changeantes du PCC : « d’un côté, tout ce qui est jugé un tant soit peu osé est considéré comme inacceptable », a déclaré un internaute, ajoutant : « mais d’un autre côté, ils veulent aussi éduquer les élèves des écoles primaires et des collèges à avoir des enfants (pour le bien) de leur pays, tout en interdisant les relations entre adolescents, mais en les exhortant à se marier ».
« Ce comportement n’est-il pas schizophrénique ? », a demandé un autre.
D’autres ont exprimé leur frustration face au manque dediscernement des autorités dans la gestion des questions démographiques. Ainsi, (He Dan) ne parle pas d’« éducation sexuelle », alors qu’elle veut que les élèves des écoles primaires et des collèges apprennent tout ce qu’il faut savoir sur la procréation, mais comment sont-ils censés le faire si on ne leur apprend pas comment avoir des rapports sexuels protégés pour commencer ?
Selon les données publiées par le Bureau national des statistiques de Chine, la nation la plus peuplée du monde comptait 1,41175 milliard d’habitants à la fin de l’année 2022, soit 850 000 de moins qu’en 2021. Le nombre de nouvelles naissances s’élevait à 9,56 millions, avec un taux de natalité de 6,77 %, tandis que le nombre de décès s’élevait à 10,41 millions, avec un taux de mortalité de 7,37 % le plus élevé depuis 1975.
