Depuis janvier dernier, le scandale de la femme enchaînée de Xuzhou, en Chine, a fait l’objet d’une attention considérable, tant en Chine qu’à l’étranger. Les médias internationaux ont couvert l’affaire dans de nombreuses langues, qui ont été lues plus de 10 milliards de fois dans le monde. Le protagoniste du scandale est une victime ayant souffert la traite, les agressions sexuelles et d’autres abus. Alors que les Chinois recherchent la vérité et la justice, certaines forces empêchent les vérités d’être révélées.
Le scandale de la femme enchaînée révèle l’implication des autorités chinoises dans le trafic d’êtres humains
Pour le régime communiste chinois, le scandale de la femme enchaînée est digne d’un « cygne noir ». La publication du cinquième résultat officiel de l’enquête a une nouvelle fois déclenché une vague de scepticisme en ligne. Certains self-médias ont décrit ce scandale comme une atteinte à la conscience humaine et le plus grand événement d’opinion publique depuis le début de l’internet en Chine.
Proud Girl, l’organisation qui a été la première à découvrir les mauvais traitements infligés à la femme enchaînée Li Ying et qui a insisté pour révéler la vérité et la sauver, a passé plus de 20 jours à enquêter pour obtenir des informations auprès de policiers (aujourd’hui pour la plupart à la retraite) et des personnes qui ont été impliquées dans la traite des êtres humains et qui veulent maintenant se racheter.
Un message publié sur Twitter le 21 février a dévoilé une carte de Chine révélant l’itinéraire de l’enlèvement de Li Ying en 1996 lorsqu’elle avait seulement 12 ans et demi.
La carte montre que Li Ying, une jeune fille en 6ème, fille d’un père cadre militaire et d’une mère fonctionnaire, qui a grandi à Nanchong, dans le Sichuan, a été enlevée sur le chemin de l’école le 6 décembre 1996, puis vendue à des milliers de kilomètres de là, dans la province du Jiangsu. Son parcours d’enlèvement était le suivant : Nanchong - Chongqing - Guiyang (où convergeaient toutes les femmes enlevées au Yunnan, au Guizhou et au Sichuan) - Changsha - Zhengzhou - Xuzhou - Tongshan - Fengxian. Le village de Dongji jusqu’à la découverte du scandale.
Le parcours de Li Ying montre qu’il existe une division du travail et une coopération dans la traite des êtres humains. Il y a ceux qui trafiquent et ceux qui achètent. Elle est devenue une chaîne industrielle noire en Chine. Lors d’une enquête secrète, un officier de police à la retraite a déclaré à Proud Girl que ces trafiquants ont du sang sur leurs mains, mais que personne n’est puni. En Chine, la seule façon de faire avancer les choses est de recourir à la politique ou aux relations, et la loi est tout simplement inutile.
Le 22 février, Proud Girl a tweeté : « Mes chers compatriotes, Li Ying n’est pas stupide : elle a utilisé des baguettes pour nous montre le chiffre "11", puis a dessiné un cercle derrière avec sa main (note :110 est la ligne verte pour appeler la police), et elle a utilisé des baguettes pour faire un "111 " qui signifie " Chuan " (川) ( l’abréviation de Sichuan). Nous savons que son nom est Li Ying parce que l’agent de police l’avait dit. »
Proud Girl a supposé que Li Ying avait donné à de nombreuses personnes un signal pour appeler le numéro 110, c’est pourquoi elle gardait toujours ses baguettes bien serrées dans ses mains Peut-être que beaucoup de visiteurs n’en avaient pas conscience.
Le 22 février, une capture d’écran circulant sur Internet montrait que « Li Ying était vendue plusieurs fois avant de tomber entre les mains de Dong Zhimin, (note : son faux ami). Lorsqu’elle venait d’être transférée dans le comté de Fengxian, la première personne qui l’a violée était un homme fort, local. C’est parce que Li Ying a résisté et l’a mordu qu’on lui a arraché les dents. Donc, quand la vérité sur Li Ying sera exposée, les fonctionnaires et les mafieux du comté de Fengxian impliqués dans le scandale seront exposés. »
L’internaute a ensuite ajouté : « Les habitants savent qui est la première personne qui a violé Li Ying et lui a arraché les dents, mais personne n’ose révéler son nom. » On dit que cet officier est un fonctionnaire provincial de haut rang aujourd’hui.
On peut voir Li Ying dans une vidéo en train de dire au visiteur qu’elle a vécu comme une prostituée toutes ces années.
La famille Dong s’occupe d’esclaves sexuels et d’enfants illégitimes pour les officiels
Selon les dernières révélations, tous les enfants de la famille Dong n’ont pas été nommés selon la manière traditionnelle chinoise, selon l’arbre familial. Le clan Dong est une grande famille bien établie à Xuzhou et possède sa propre généalogie composée de 16 caractères chinois qui se traduisent comme : « Soyez généreux et bienveillants dans le cœur, soyez droits d’esprit et motivés, perdurez la tradition avec la poésie et la calligraphie, et soyez filiaux et amicaux avec toute la famille » (宽厚存心,中正立志,诗书继世,孝友全家).
Le père décédé de Dong Zhimin s’appelait « Dong Ligeng », il était de la génération « Li » (立), tandis que Dong Zhimin et son jeune frère Dong Zhiqin étaient de la génération « Zhi » (志), et la génération suivante devrait être de la génération « Shi » (诗).
Cependant, aucun des huit enfants sous le nom de Dong Zhimin n’a le mot « Shi » dans son nom. Les informations publiques montrent que le plus âgé s’appelle Xianggang (Hong Kong), le deuxième s’appelle Hangtian (Aérospatial), le troisième s’appelle Jinshan (Montagne d’or), le quatrième s’appelle Yinshan (Montagne d’argent), le cinquième enfant est une fille qui s’appelle Yinfeng (Phénix d’argent), le sixième s’appelle Yinhang (Banque), le septième s’appelle Guoku (Trésor publique), le huitième s’appelle Guoji (International).
Les internautes ont demandé pourquoi la famille Dong, qui valorise la natalité, n’a pas donné aux sept garçons des noms conformes à la généalogie, pourquoi les huit enfants ont été enregistrés sur le livret de famille, contrairement à la loi chinoise, et pourquoi ils ont reçu une allocation mensuelle de plus de 3 000 RMB (420 euros environ).
Li Ying leur aurait été offerte « gratuitement », mais pourquoi les trafiquants donneraient-ils une femme gratuitement à la famille Dong ?
Les internautes chinois ont interprété que la « femme enchaînée » aurait pu être une esclave sexuelle des fonctionnaires locaux, qu’elle aurait été remise à la famille Dong pour « s’y attacher », et que les huit enfants n’étaient pas de la famille Dong. Ainsi le clan ne les a pas autorisés à s’enregistrer dans l’arbre généalogique, mais ils ont été élevés par les officiers locaux avec l’argent public.
Dans le Sichuan, de nombreux trafiquants d’êtres humains ont enlevé des adolescentes locales et les ont livrées à des fonctionnaires dans tout le pays pour leur plaisir. De nombreuses filles ont été violées à mort, se sont fait arracher les dents ou briser les jambes par les fonctionnaires ou les agents de la sécurité publique. Après que les fonctionnaires les aient abusées, elles ont été revendues à des paysans pauvres pour qu’ils donnent naissance à des enfants.
En réalité, Li Ying était un outil sexuel utilisé par les trafiquants pour corrompre les cadres locaux. Lorsque Li Ying est arrivée dans la région, plus d’un ou deux cadres l’ont violée parce qu’elle était belle. Certains d’entre eux ont maintenant accédé à des postes élevés. Après que les cadres locaux aient violé Li Ying et provoqué sa grossesse, l’enfant est enregistré sous le nom de Dong Zhimin pour que ce dernier l’élève.
La politique de l’enfant unique dans la province de Jiangsu était très strictement appliquée, en particulier pour les fonctionnaires. Cependant, dans des endroits comme Xuzhou, l’idée que les fils sont préférés aux filles et qu’avoir un fils permet de transmettre la lignée familiale est profondément ancrée. Après que l’information selon laquelle Li Ying était capable de donner naissance à des garçons se soit répandue parmi les cadres locaux, elle a été constamment violée par ceux-ci pour avoir des garçons.
Dong Zhimin a été choisi par les autorités pour s’occuper de ces enfants car il avait mutilé voire tué les femmes victimes de la traite pour les réduire au silence. Les trafiquants et les cadres locaux n’avaient pas à craindre que Li Ying ne s’échappe pour divulguer des informations. C’est pourquoi non seulement Dong Zhimin n’a pas été puni, mais il a reçu des aides financières.
Une source proche de l’affaire a révélé que Dong Zhimin, qui avait déjà été arrêté, a avoué qui étaient les chefs de la famille Dong impliqués dans le viol de Li Ying, en particulier les deux dirigeants du comté, qui sont à la fois les membres de la famille et les responsables du crime.
Le rapport d’enquête officiel suscite la colère du public
Lorsque le scandale a éclaté, les échelons supérieurs du Parti communiste chinois, soucieux de recréer une bonne image grâce aux Jeux olympiques d’hiver, ont été bouleversés. Une équipe d’enquête officielle a été mise en place dans la province du Jiangsu, mais, malheureusement, elle n’a servi qu’à dissimuler la vérité et à s’occuper de ceux qui l’ont divulguée.
Un grand nombre de personnes ont été interrogées par l’équipe d’enquête. Le village de Dongji, où le scandale a eu lieu, a également été clôturé avec un mur de fer. Des moyens techniques tels que la reconnaissance de la démarche et du visage ont même été utilisés pour filtrer et analyser les personnes entrant et sortant de la ville.
La province du Jiangsu a publié cinq avis d’enquête contradictoires et erronés, niant que la femme enchaînée était Li Ying à l’aide d’un faux rapport d’ADN et traitant perfidement les 17 derniers fonctionnaires du comté de Fengxian. Dong Zhimin, qui détenait la « femme enchaînée », a été placé en état d’arrestation approuvé pour suspicion d’abus.
Mais les internautes chinois continuent de remettre en question les communiqués officiels, exigeant que le gouvernement révèle la vérité et l’endroit où se trouve actuellement Li Ying, qui a été enlevée et placée dans un hôpital psychiatrique.
Un policier du Jiangsu a risqué sa vie pour révéler que les autorités de Xuzhou avaient demandé au gouvernement du comté de Fengxian de prendre le contrôle total des informations concernant la femme enchaînée, et qu’aujourd’hui « personne à l’hôpital psychiatrique du comté de Fengxian ne sait où se trouve Li Ying ». En outre, Xuzhou a mobilisé un grand nombre de policiers d’autres régions pour bloquer le comté de Fengxian, et « la police arrête et emprisonne secrètement et enchaîne toutes les esclaves sexuelles contraintes comme Li Ying, village par village ».
Cai Xia, professeur retraitée de l’ancienne École centrale du Parti, a pris la parole sur Twitter pour appeler la population chinoise à poursuivre ses protestations, en lui rappelant de ne pas oublier le Dr Li Wenliang et la femme enchaînée, car les Chinois peuvent subir le sort de Li Wenliang et des femmes enchaînées à tout moment.
Le peuple chinois s’unit dans la recherche de la vérité
Dans un rare élan de solidarité, les Chinois sont unis dans leur soutien à la recherche de la vérité et à sa diffusion. De nombreuses personnes ont découvert que malgré la censure sur Internet, des jeunes, courageux, continuaient à diffuser ces informations de diverses manières dans les rues et les métros, dans les lieux bondés. Les Chinois pouvaient recevoir les actualités sur cette affaire grâce à la fonction AirDrop de leur téléphone portable, certaines personnes ont gravé les mots « Regard sur Fengxian » (关注丰县) sur la semelle de leurs chaussures, les ont trempées dans l’eau, puis marchaient dans la rue et transmettaient les infos grâce aux empruntes des chaussures sur le sol.
Les Chinois ont dit que leur vie était si éloignée de celle des champions olympiques, mais si proche de celle des femmes victimes de la traite des êtres humains, qu’à tout moment ils pouvaient être comme elles, recevoir un coup sur la tête, ou se faire endormir par les trafiquants avec une potion, sans jamais pouvoir rentrer chez eux, voire être mutilés ou tués. Certains internautes ont même révélé que beaucoup de femmes et d’enfants enlevés sont des membres de la famille de personnes appartenant au système du Parti communiste chinois.
Selon certains commentateurs, le scandale des femmes enchaînées éveillerait la conscience d’un plus grand nombre de Chinois, les poussant à en savoir plus sur d’autres vérités cachées par le Parti communiste chinois, à se délivrer de la malédiction du lavage de cerveau par le Parti communiste chinois.
Rédacteur Yi Ming
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.