Xi Jinping était physiquement absent au sommet du G20 qui s’est tenu à New Delhi ce week-end. De plus, sa dernière apparition en public au sommet des BRICS, en Afrique du Sud, a laissé entrevoir une posture qui a interpellé certains observateurs : elle différait nettement de l’image d’homme fort souvent affichée par Xi. Mais que se passe-t-il ? Comment pourrait-on interpréter l’attitude du président chinois ?
Xi Jinping absent au sommet du G20
Alors qu’il était attendu au sommet du G20, le ministère chinois des Affaires étrangères a annoncé que le premier ministre chinois Li Qiang assistera au sommet des dirigeants du G20 à New Delhi, la première ville d’Inde. L’absence de Xi Jinping au sommet du G20 a eu pour effet immédiat de donner l’impression que le Parti Communiste chinois (PCC) n’était pas disposé à communiquer efficacement avec d’autres pays, ou encore, à se réconcilier avec des pays avec lesquels il entretient déjà des relations tendues.
À l’heure où le PCC doit apaiser les tensions avec l’Occident, afin de relancer le commerce extérieur et l’économie de la Chine, les pays occidentaux, y compris les États-Unis, attendaient avec impatience une rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden lors du sommet du G20.
Un agenda décousu lors du sommet des BRICS
Depuis le mois de juillet, Xi Jinping n’apparaissait guère sur la scène publique. Ce n’est que lorsqu’il est arrivé en Afrique du Sud, le 22 août, pour participer au sommet des BRICS qu’il est enfin apparu. Mais son agenda officiel semblait bien décousu.
Tout d’abord, le 22 août, Xi Jinping était absent du Business Forum de Johannesburg. Alors que le président russe Vladimir Poutine, qui n’avait pas pu assister au sommet en personne, en raison d’un mandat d’arrêt international pour son invasion de l’Ukraine, s’est exprimé par vidéoconférence. La Chine était représentée par le ministre du Commerce Wang Wentao. Ce dernier a prononcé un discours incendiaire au nom de Xi Jinping, condamnant l’hégémonie des États-Unis.
Xi Jinping se trouvait ce jour-là à Pretoria, une autre ville d’Afrique du Sud, pour une visite d’État. Selon l’agenda officiel, il semblerait que cette visite d’État coïncidait avec le Forum d’affaires des BRICS. Des erreurs aussi importantes dans un agenda officiel n’auraient certainement pas eu lieu sous Qin Gang, l’ancien ministre des Affaires étrangères. Connu pour sa prudence et surtout comme étant un des hommes de confiance de Xi, sa disparition depuis juillet reste encore une énigme pour le monde extérieur.
Xi Jinping apparaît affaibli
Un autre élément marquant dans l’agenda de Xi Jinping, au cours de ce sommet des BRICS, a été son apparition sur le tapis rouge.
Une séquence vidéo montre le président avançant sur le tapis rouge. Lors de cette marche Xi Jinping a vacillé et l’expression sur son visage a été vue par le monde entier. Par ailleurs, tout en avançant, il s’est retourné au moins trois fois vers son équipe, laissant entrevoir une certaine hésitation. Car, lorsqu’il est entré dans la salle, un de ses assistants a tenté de le suivre, avant d’être repoussé par les agents de sécurité.
En réalité, ce tapis rouge était prévu pour la marche des dirigeants, seuls face aux caméras. Dans d’autres vidéos qui ont été diffusées, les autres dirigeants sont apparus sans être accompagnés de leurs assistants. À l’autre bout du tapis rouge, le président de l’Afrique du Sud, l’organisateur, les attendait pour les accueillir. Mais le personnel de Xi Jinping a tenté de faire irruption, provoquant une situation embarrassante.
Une réelle absence de Xi Jinping depuis juillet
Lors de la réunion des BRICS, c’est l’image d’un chef de Parti fragile et mal à l’aise qui a dominé. Mais, il semble que depuis la fin du mois de juillet 2023, Xi Jinping n’a pas été vu sur la scène publique.
Ainsi, lors des inondations dans le Nord et le Nord-Est de la Chine ce mois de juillet, alors que les victimes appelaient à l’aide, Xi Jinping ne s’est pas montré et n’a fait aucune déclaration. Dans le contexte des inondations, la réunion du Comité permanent du Politburo du PCC, qui s’est tenue le 17 août dernier, a également attiré l’attention du monde extérieur. Toutefois, la télévision d’État n’a pas diffusé d’images de la réunion, se limitant à un texte indiquant que Xi Jinping présidait la réunion et avait prononcé un discours important.
Au retour de sa visite en Afrique du Sud, Xi Jinping et un groupe de hauts fonctionnaires, dont le ministre des Affaires étrangères, le vice-président de la commission militaire et le ministre de la sécurité publique, se sont rendus directement au Xinjiang, au lieu de retourner à Zhongnanhai, siège du gouvernement central. Ce choix stratégique a été interprété comme étant le signe d’un regain d’intensité de la lutte interne au sein du gouvernement.
Des tensions au sein de l’Armée populaire de libération (APL) ?
Certaines tensions au sein de l’Armée populaire de libération et des affaires de corruption chez de hauts responsables de l’armée sont peut-être des éléments qui reflètent une certaine instabilité au sein du Parti. Ils peuvent aussi expliquer que Xi Jinping fait face à des difficultés internes et externes, en particulier des mouvements anormaux de l’armée.
Ainsi, des informations relatives à l’APL laissent entrevoir une armée fragilisée. Le 26 août, une vidéo a circulé sur Internet chinois, montrant un train de marchandises se dirigeant vers Pékin, via Shijiazhuang. Il transportait un grand nombre de chars et de véhicules militaires. Shijiazhuang est située à moins de 300 kilomètres de la capitale. Cette vidéo a suscité des inquiétudes quant à la situation politique à Pékin. Pourquoi un grand nombre de chars en transit si près de Pékin ? Certains internautes ont constaté que la direction du transit de ces chars n’était pas Taïwan, mais Pékin. Que s’est-il passé exactement ? Pas de réponse pour le moment.
Ce qui est certain, c’est qu’au sein de l’APL chinoise, il ne règne pas un climat de stabilité. Le 29 août, Pékin a tenu une réunion militaire d’urgence, au cours de laquelle le vice-président de la Commission militaire centrale, Zhang Youxia, a souligné la nécessité de mobiliser la motivation et la créativité de l’armée à tous les niveaux, afin de purifier l’atmosphère du secteur. Conformément à l’habitude du PCC qui est « réclamer ce qui manque », ces mots ont été considérés comme reflétant le manque de motivation dans l’armée et l’impureté de la culture militaire.
Dans le même sens, un réseau de corruption au sein de la Force des fusées, la branche stratégique du PCC, en charge des missiles nucléaires stratégiques et tactiques, a été mis en évidence. Certains membres de la Force des fusées faisaient déjà l’objet d’une surveillance secrète. Ainsi, le 28 juillet, le South China Morning Post (SCMP) de Hong Kong a rapporté, en citant des sources bien informées, que Li Yuchao, commandant de la Force des fusées de l’Armée populaire de libération, son commandant adjoint (Liu Guangbin) et son ancien commandant adjoint (Zhang Zhenzhong) ont été emmenés par des enquêteurs de l’agence anti-corruption de la Commission militaire centrale (CMC) du Parti communiste.
Une réelle instabilité au sein des hauts fonctionnaires
L’ancien ministre chinois de la Défense, Wei Fenghe, est également invisible depuis plusieurs mois. Il a été le premier commandant de la Force des fusées après les réformes militaires de Xi Jinping de 2015 à 2017, mais il a disparu de la scène politique depuis mars dernier.
À cela vient s’ajouter le fait que l’ancien ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a disparu depuis le mois de juillet. Bien que Qin Gang ait été ministre des Affaires étrangères et conseiller d’État, il n’était qu’un fonctionnaire civil et représentait une menace moins grave pour Xi Jinping que la Force des fusées. Car le commandant de la Force des fusées, Li Yuchao, représente une menace bien plus grande, que ce soit en raison de sa corruption ou d’une affaire de secret-défense impliquant son fils. Ces deux affaires sont devenues un échec majeur dans les efforts de Xi Jinping pour former ses fidèles.
Interrogé par les médias le 31 août, sur les mutations au sein du personnel dirigeant de la Force des fusées de Chine et sur la disparition de Wei Fenghe depuis plusieurs mois, un porte-parole du ministère chinois de la Défense nationale (MND) a déclaré que dans le cadre de la lutte contre la corruption « tous les cas feront l’objet d’une enquête et que toute corruption sera punie ».
C’est la première fois que le ministère chinois de la Défense évoque publiquement une enquête sur la corruption parmi les hauts responsables de l’armée, après un remaniement majeur de la direction de la Force des fusées.
Cependant, la déclaration du ministère de la Défense, relative à la corruption au sein des hauts responsables de l’armée, n’a pas été affichée sur le site web du ministère chinois de la Défense nationale.
Peut-être que les informations concernant les troubles au sein de l’armée étaient-elles trop sensibles pour être dévoilées au public chinois.
Tous ces différents éléments peuvent-ils permettre de porter un regard différent sur l’attitude de Xi Jinping au cours du sommet des BRICS et sur son absence au G20 ? C’est une affaire qui reste à suivre.
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