Le président chinois Xi Jinping. Les voix qui s’opposent à Xi Jinping se multiplient dans le pays et à l’étranger. Les commentateurs qui adoptent une position « anti-Xi, pas anti-PCC » rendent Xi Jinping responsable de tous les maux du régime et signalent que sa position n’est pas aussi sûre que les apparences le suggèrent. (Image : Capture d’écran / YouTube)
Les postes clés des agences de propagande du Parti communiste chinois (PCC) ont fait l’objet de remaniements de personnel ces dernières semaines. Ces changements semblent s’inscrire dans le cadre des efforts de Xi Jinping pour renforcer son contrôle sur la « plume » du Parti à l’approche d’importantes réunions politiques cette année et alors que l’influence du discours public devient de plus en plus cruciale pour le régime du PCC dans un contexte de crises croissantes.
Nominations notables
Le 5 mai, le vice-président de l’Ecole centrale du Parti, Li Shulei, a assisté à un événement du ministère de l’Ecologie et de l’Environnement dans le Liaoning, en qualité de vice-ministre exécutif du Département central de la propagande chargé de superviser les opérations quotidiennes, selon le site Internet du ministère. La nouvelle nomination de Li Shulei signifie qu’il est probablement aussi le nouveau directeur du Bureau de la Commission centrale d’orientation sur la construction de la civilisation spirituelle, poste occupé par son prédécesseur immédiat, Wang Xiaohui.
Le 7 juin, la Xinhua News Agency, porte-parole de l’État, a procédé à deux remaniements au sein de sa direction. Fu Hua, directeur adjoint du département central de la propagande et rédacteur en chef de Xinhua, a été nommé président de l’agence. Parallèlement, Lü Yansong, un autre directeur adjoint du département de la propagande, a été nommé rédacteur en chef de Xinhua.
L’agence de la RPC chargée des entreprises de radio et de télévision d’État a également accueilli de nouveaux cadres dirigeants. Le 9 juin, le bureau d’information du Conseil d’État, Xu Lin, est devenu le directeur de l’administration nationale de la radio et de la télévision. Cinq jours après la nomination de Xu Lin, Le Yucheng, vice-ministre des affaires étrangères de la RPC chargé des opérations quotidiennes, a été transféré à l’Administration nationale de la radio et de la télévision pour y occuper le poste de directeur adjoint.
Une importance accrue
Le PCC s’est longtemps appuyé sur la propagande pour prendre et conserver le pouvoir. Pendant l’ère républicaine de la Chine, la propagande du Parti a joué un rôle important pour discréditer le Kuomintang et rallier les partisans à la cause du PCC. Après que Mao Zedong a mené le Parti au succès en s’emparant de la Chine continentale, la propagande a été utilisée pour promouvoir les nombreuses campagnes politiques du PCC, remodeler la société et la culture chinoises et développer le culte de la personnalité de Mao Zedong.
À partir de l’ère Deng Xiaoping, les médias dominés par l’État ont également été mobilisés pour attirer les investissements étrangers, influencer les pays pour qu’ils se rallient à la cause de la RPC et se détournent de ses violations des droits de l’homme, et faire progresser les ambitions d’hégémonie mondiale du PCC. À tout moment, la propagande a joué un rôle crucial en aidant le Parti à préserver sa légitimité politique, notamment en période de crise.
Aujourd’hui, les dirigeants de Xi Jinping, ainsi que le PCC, se trouvent confrontés à de graves crises. La mise en œuvre de mesures draconiennes de confinement afin de répondre à la politique « zéro Covid » et d’autres mesures visant à endiguer la dernière vague d’épidémies de Covid-19 à Shanghai et ailleurs vers la fin du premier trimestre 2022, a entraîné de fortes baisses économiques et a suscité une immense colère de la population.
La réticence de la RPC à mettre fin à son amitié « sans limites » avec la Russie après l’invasion de l’Ukraine par cette dernière et les mesures de répression prises par le PCC dans le secteur des technologies ont entraîné des milliards de dollars de sorties de capitaux au cours du premier semestre de l’année, les investisseurs étrangers commençant à prendre en compte les risques politiques croissants en Chine.
Les voix s’opposant à Xi Jinping se multiplient dans le pays et à l’étranger. Les commentateurs qui adoptent une position « anti-Xi, pas anti-PCC » rendent Xi Jinping responsable de tous les maux du régime et signalent que sa position n’est pas aussi sûre que les apparences le suggèrent. Des rumeurs de dissensions internes dans le camp de Xi Jinping, notamment la soi-disant scission Xi Jinping-LiKeqiang et la « montée en puissance » du premier ministre Li Keqiang à mesure que l’influence de Xi Jinping diminue, apparaissent dans le discours public et sont de plus en plus acceptées.
Pour contrer les opposants et faire face aux crises, les dirigeants de Xi Jinping se tournent de plus en plus vers la propagande. Les organes de propagande proclament la « neutralité » de la RPC dans la guerre Russie-Ukraine et accusent les États-Unis et leurs alliés d’avoir provoqué le conflit. Ils encouragent également la « prévention et le contrôle normalisés des épidémies », l’application « scientifique » du « zéro Covid » et la nécessité de coordonner la prévention des épidémies et le « développement économique et social » au lieu de se concentrer sur l’éradication complète du virus dans les communautés. Les organes de propagande ont également accordé plus d’attention aux politiques de sauvetage économique de Pékin.
Le 16 juin, Xinhua a publié un commentaire de près de 6 900 caractères vantant les « réalisations » politiques de Xi Jinping, qui pourrait bien être un effort pour répondre aux critiques. L’article salue le Parti central « avec le camarade Xi Jinping au centre » pour sa « profonde compréhension de la situation globale internationale et nationale », qui lui a permis de s’attaquer avec succès à l’ épidémie de Covid-19 et à d’autres facteurs qui ont entraîné « la complexité, la gravité et l’incertitude » de l’environnement de développement économique de la Chine.
L’article de Xinhua rend également hommage à Xi Jinping pour la politique du « zéro Covid » et la « série de mesures politiques visant à stabiliser le marché macroéconomique ». Quant aux gouvernements locaux, ils sont décrits comme n’ayant fait qu’« appliquer les instructions importantes du secrétaire général Xi Jinping. » Ce cadrage réfute essentiellement l’idée que Li Keqiang gagne en importance parce que ses politiques économiques sont adoptées, en indiquant que Xi Jinping a approuvé ces politiques. Le cadrage de Xinhua attribue également tout bienfait des politiques du PCC directement à Xi Jinping, tout en préparant le terrain pour blâmer les responsables locaux pour leur incapacité à appliquer correctement les instructions de Xi Jinping lorsque les choses tournent mal.
Enfin, l’article de Xinhua s’efforce d’assurer au peuple chinois et aux investisseurs étrangers que la Chine n’est pas en crise et que le meilleur reste à venir. Les revers économiques et autres problèmes de la RPC sont décrits comme des « fluctuations temporaires du développement », et l’économie chinoise a un « avenir brillant pour une amélioration à long terme ». En outre, Xi Jinping est décrit comme « dirigeant le grand navire qu’est l’économie chinoise sur la voie d’un développement de haute qualité pour briser les vagues et avancer régulièrement ».
Cimenter le contrôle
Malgré les affirmations du PCC, la plupart des indicateurs suggèrent que l’économie chinoise va encore se détériorer au cours du second semestre 2022 et qu’elle se dirige vers la récession. La détérioration rapide de l’économie va à son tour accroître l’instabilité politique et sociale en Chine. À l’avenir, les dirigeants de Xi Jinping s’appuieront encore davantage sur la propagande et le fait de « bien raconter l’histoire de la Chine » pour maintenir la stabilité du régime à mesure que les crises s’aggraveront.
La dépendance croissante de Xi Jinping à l’égard de la propagande signifie qu’il doit consolider davantage son contrôle sur l’appareil de propagande et priver ses ennemis politiques des possibilités de retourner la propagande contre lui. La faction de Jiang Zemin a notamment utilisé son influence de longue date sur l’appareil de propagande pendant le premier mandat de Xi Jinping pour saper le leadership de Xi Jinping à plusieurs reprises en utilisant des tactiques dites de « rouge de bas étage » et de « noircissement avancé ».
Les récents remaniements du personnel clé de l’appareil de propagande semblent viser en partie à éliminer l’influence persistante de la faction Jiang Zemin. Par exemple, Li Shulei au Département central de la propagande, ainsi que Xu Lin et Le Yucheng à l’Administration nationale de la radio et de la télévision, sont des alliés de Xi Jinping. Parallèlement, Fu Hua et Lü Yansong ont été « parachutés » à la Xinhua au lieu d’être promus dans les rangs de la Xinhua, ce qui signifie qu’il est peu probable qu’ils soient liés à des réseaux d’intérêts établis au sein de la Xinhua et qu’ils seront théoriquement plus loyaux envers leur chef politique Xi Jinping.
Rédacteur Fetty Adler Collaboration Jo Ann
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