Sept mois après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui a suscité la consternation dans tous les pays du monde, l’édifice demeure toujours tristement endommagé et les travaux de stabilisation continuent.
La rénovation proprement dite devrait être envisagée au premier trimestre de l’année 2020, date à laquelle le coût réel des travaux sera connu.
Construite en 1163, Notre-Dame de Paris est l’une de plus belles cathédrales de France. Elle a été le théâtre de multiples évènements de l’histoire de France, comme le couronnement de Saint Louis en 1572, le sacre de Napoléon 1er en 1804, le Te Deum qui a sonné la fête de la Victoire en 1918, et plus récemment la visite du Pape Jean Paul II en 1980 et les obsèques du Président François Mitterrand.
Chaque année, 12 à 14 millions de personnes visitent ce chef d’œuvre de l’architecture gothique situé au cœur de Paris. Il est l’édifice emblématique le plus visité en Europe.
Le 15 avril 2019, tous les pays du monde ont partagé leur émotion de voir la Cathédrale Notre-Dame de Paris, ce monument connu dans le monde entier, en partie grâce à l’œuvre du même nom de Victor Hugo, ravagée par les flammes.. Très rapidement, des dons provenant des pays étrangers, de l’Europe et de la France sont arrivés de toutes parts. À ce jour, la Fondation du Patrimoine aurait recueilli 1 milliard d’euros de dons et promesses de dons, pour contribuer à la reconstruction de la Cathédrale.
À l’occasion du voyage d’Emmanuel Macron en Chine, le gouvernement chinois a annoncé sa décision d’aider à la reconstruction de l’édifice religieux. Cette annonce a surpris certains pays et particulièrement les Chinois qui ne comprennent pas la décision de leur chef d’Etat.
Notre-Dame de Paris est un chef d’œuvre de l’architecture gothique. (Image : Pixabay)
Des experts Chinois seront en 2020 à pied d’œuvre pour la rénovation de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Depuis le retour de Chine du Président Macron, la presse ne cesse d’évoquer la venue prochaine d’experts chinois, qui prêteraient main forte à la France pour la réalisation des travaux de rénovation de Notre Dame de Paris, véritable prouesse architecturale des XVIIIe et XIXe siècles, dont une partie de la charpente et la flèche symbolique ont été dégradées par les flammes.
Les agences de presses du gouvernement chinois font mention d’un contrat dont les termes seront fixés en 2020, entre le Ministre de la Culture en France et son homologue de Pékin, pour une coopération patrimoniale entre les 2 nations.
En fin de compte, ce contrat ferait implicitement partie des 87 accords signés le 6 novembre entre Emmanuel Macron et Xi Jinping ; Cet accord parle d’une «déclaration conjointe entre le ministre de la culture du gouvernement de la République française et l’administrateur d’Etat du patrimoine culturel de la République populaire de Chine relative à leur coopération dans le domaine du patrimoine culturel» qui s’appliquerait, entre parenthèses à «l’armée de terre cuite à Xi’an»
Cependant, le paragraphe suivant de cette déclaration commune : «Sous réserve d’un accord du conseil d’administration du futur établissement public en charge de la restauration de Notre-Dame de Paris qui devrait être créé à la fin de l’année 2019, deux experts chinois interviendront aux côtés des équipes françaises sur le chantier de restauration pour une durée de deux à trois semaines à partir du deuxième semestre 2020. Si les conditions sont réunies, le thème de l’intervention et le choix des experts chinois (…) pourront être arrêtés au cours du premier semestre 2020», laisse entendre que cela ne concerne pas seulement ce que laisse croire la parenthèse, à savoir le Xi’an.
Cette entente bilatérale ferait état de la venue prochaine de deux experts chinois, pour une durée de quinze jours à trois semaines, à partir du deuxième semestre de l’année 2020. Ce projet de collaboration sera soumis à l’acceptation de l’Etablissement public, créé suite à la loi 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet. Elle propose la mise en place d’un «Etablissement public de l'Etat à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture». Cet établissement a pour mission : «d'assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris».
D’après le Ministère de la Culture et celui de Pékin, il serait question ici d’un programme d’échanges scientifiques, invitant la France à participer à la stabilisation du site de l’armée de terre cuite du mausolée de l’Empereur Qin, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, situé dans le Shaanxi, et sollicitant la participation de la Chine à la rénovation de la Cathédrale Notre Dame de Paris.
Pour l’heure, la venue de ces experts chinois reste hypothétique, car elle sera soumise à l’accord de l’Etablissement Public mis en place ce 1er décembre. Toutefois, il ne faut pas négliger les engagements pris au plus haut niveau de l’Etat et la nécessité de les tenir.
La cathédrale de Paris est l’un des édifices les plus visités en Europe. (Image : Pixabay)
Quelles sont les étapes de cette rénovation ? Où en sont les travaux actuellement ?
Le Recteur de la Cathédrale, Mgr Patrick Chauvet, a déclaré le 14 novembre que les travaux engagés sur l’édifice après l’incendie, se limitaient pour l’instant à des opérations de consolidation et de stabilisation de la Cathédrale. Il a précisé par ailleurs, que le diagnostic réel ne pourrait être effectué qu’au premier trimestre de 2020, car aujourd’hui certaines parois et rosaces sont fragilisées et de plus des travaux de décontaminations au plomb ont été rendus nécessaires, créant de véritables difficultés aux équipes sur place. Ce n’est qu’à la suite du diagnostic que le coût réel de la restauration sera connu. C’est à ce moment là que des dispositions seront prises pour apporter des réponses adéquates au niveau technique, scientifique, liturgique et financier. Puis en 2021, les travaux de rénovation proprement dits débuteront.
Ainsi, se pose la question de savoir si la rénovation de Notre-Dame de Paris, pourra répondre au timing de 5 ans prévu par les instances politiques pour l’achèvement de la totalité des travaux.
Pourquoi l’Etat chinois profondément athée souhaite-t-il participer activement à la reconstruction de l’édifice religieux parisien ?
La question de la religion en Chine n’est pas anodine, car elle touche à une liberté fondamentale des pays démocratiques, celle de la liberté de croyance qui laisse tout individu libre d’avoir la croyance religieuse ou spirituelle qui lui convient. En Chine, le Parti communiste chinois (PCC) qui lutte depuis 1949 contre toute forme de croyance spirituelle, ne laisse pas de place, même réduite, à une autonomie des institutions religieuses qu’il considère comme dangereuses pour la pérennité de l’Etat communiste.
L’Etat chinois a inscrit l’athéisme dans ses statuts, et ce principe a été largement débattu et défendu depuis l’installation du communisme en Chine en 1949. Toutefois, il faut préciser que selon l’article 36 de la Constitution chinoise, la République Populaire de Chine reconnaît que ses citoyens «ont le droit de jouir de liberté religieuse», à la seule condition qu’il n’y ait «pas de prosélytisme et que le groupement religieux suive les orientations données par le Parti». Ainsi, chaque religion est encadrée par une association du Parti, qui veille à ce qu’il n’y ait pas de dérapage. De ce fait, les Instances politiques sont mises au courant, en temps réel, de leurs activités. Pour information, la nomination des évêques en Chine se fait avec l’accord de Pékin, il s’agit en fait d’une nomination commune du Vatican et du PCC.
Quoi qu’il en soit, le bouddhisme est la religion la plus répandue en Chine avec 100 millions de fidèles. Le catholicisme qui s’est intégré dans la terre de l’Empire du Milieu en 1552 avec Saint François Xavier, compterait actuellement 12 à 14 millions de croyants. Les protestants regrouperaient 40 à 70 millions de fidèles. Les taoïstes qui constituent l’essence originelle de la spiritualité chinoise seraient au nombre de 2 millions, mais 200 millions de chinois se disent inspirés par le taoïsme. La religion musulmane pour sa part, compterait 20 millions de croyants en Chine, établis au sud-ouest et au nord-ouest avec les Ouïghours du Xinjiang.
La cathédrale de Paris, le 15 avril 2019. (Image : wikimedia / GodefroyParis)
Devant cette prolifération de croyances religieuses, la République Populaire de Chine a répertorié les religions licites (catholique, bouddhiste, taoïste, musulmane) et souhaité encadrer ces organisations pour être sûre que la spiritualité ne prenne pas le dessus sur la reconnaissance et les obligations vis à vis de l’Etat communiste. C’est ainsi que l’étau s’est resserré, avec des dispositions de plus en plus drastiques, pour réprimer et éliminer les groupements religieux non reconnus par le PCC et considérés comme «des mouvements extrémistes d’infiltrations étrangères».
Actuellement, une pratique ancestrale considérée comme un réveil spirituel en Chine, s’est propagée à très grande échelle : il s’agit du qigong. Parmi toutes les sorte de qigong, le Falun Gong, une méthode traditionnelle chinoise accompagnée d’un contenu spirituel, d’abord très en vogue et apprécié de toute part en Chine en 1992, s’est vu interdit et persécuté à partir de 1999.
Pour montrer son emprise et sa puissance politique, le PCC détruit toutes constructions et croyances qu’il juge «dangereuses» pour la ligne politique du Gouvernement. C’est ainsi que plus d’un millier de croix surmontant des églises, en majorité protestantes, ont été décrochées, étant jugées trop voyantes. Des églises et des temples ont été détruits par dizaines.
Pour affirmer leur détermination à éliminer toute forme de vénération envers des figures religieuses, qui pourrait porter atteinte à l’image exclusive du Parti, les autorités chinoises ont détruit des statues de Bouddhas géantes et des temples sur leur territoire. En février 2019, la grande statue de Bouddha de Guanyin sculptée sur une falaise, et mondialement connue, a été dynamitée, faisant place à un tas de ruines. Il en a été de même au Tibet qui a vu ses temples et ses statues être détruits.
De tels évènements sont particulièrement marquants et sont perçus comme une atteinte et un sacrilège envers un patrimoine d’une grande richesse.
Alors, si la République Populaire de Chine détruit tous ses édifices culturels religieux, comment et pourquoi voudrait-elle apporter son aide à la rénovation d’un patrimoine religieux étranger ? En outre, en plus de la richesse historique, la symbolique liturgique doit aussi être prise en compte dans cette rénovation.
Il va sans dire que les compétences de la Chine pour relever un défi concernant la construction d’un pont, d’une route, d’un édifice ou d’un projet d’urbanisme sont reconnues à travers le monde : la République Populaire de Chine semble pouvoir tout réaliser en un temps record. Mais qu’en est-il de la construction d’un édifice religieux ?
Quelle aide les experts chinois pourront-ils offrir en terme de connaissance des symboles liturgiques et religieux du XVIIIe et XIXe siècle, qui ont inspiré les architectes de la construction de Notre Dame de Paris ?
Il faudra attendre 2020 pour avoir une réponse concrète à cette problématique. Mais nous savons déjà que l’Etat français aura à convaincre l’ensemble des partenaires dédiés à la rénovation de la Cathédrale, du bienfondé de l’alliance Franco-Chinoise dans ce projet architectural.
La mise en place ce 1er décembre de l’établissement public placé sous la présidence de Jean Louis Georgelin, ancien chef d’état major des armées connu pour son franc parler, permettra certainement une meilleure traçabilité des travaux entrepris, mais peut-être aussi une neutralité vis à vis de ces différentes alliances.
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