Alors que de nouvelles concurrences apparaissent sur les téléphones de leurs clients, la banque traditionnelle doit se positionner pour faire face à cette évolution du marché. Deux chemins semblent se dessiner : celui de l’innovation, pour évoluer et suivre la tendance des fintechs, ou celui du positionnement comme l’interlocuteur de proximité et de confiance pour leurs clients.
Ces dernières années, le modèle bancaire a fortement évolué, que ça soit en réponse aux besoins des clients ou face à la pression des nouvelles réglementations. Cependant, face à ces évolutions, toutes les banques ne réagissent pas de la même manière : certaines développent de nouveaux modèles économiques, alors que d’autres reviennent aux fondamentaux. Mais est-ce que ces stratégies se valent ?
Qu’est-ce qu’une banque traditionnelle ?
Avant de poser la question de l’évolution des banques, il est intéressant de savoir ce qu’est une banque. L’essence même d’une banque est de collecter les dépôts des épargnants qui ne prévoient pas de dépenser leurs économies immédiatement mais qui sont à la recherche d’un endroit sécurisé pour les placer en attendant. La banque qui collecte ces fonds dispose alors d’une somme importante de liquidités qui peuvent aider les emprunteurs à démarrer leur projet sans attendre d’avoir les fonds requis. Ce faisant, la banque dite commerciale joue un rôle clé dans le développement de l’économie.
Les caractéristiques principales de ce modèle sont d’une part un fort endettement des banques, contrairement aux autres entreprises, lié à l’utilisation des dépôts pour le financement des investissements. D’autre part, elles présentent un niveau élevé de risque de liquidité, c’est-à-dire qu’elles ne possèdent pas une trésorerie suffisante pour honorer leurs engagements à court terme (retrait des dépôts) vis-à-vis de leurs épargnants. Ces derniers peuvent en effet à tout moment exiger de récupérer leur argent en effectuant un retrait au guichet alors que cet argent n’est en partie plus disponible car investi dans un projet à plus long terme.
À cela peuvent s’ajouter des activités de conseils pour les particuliers et les entreprises en termes d’investissement sur les marchés financiers. À ce moment-là, la banque appelée banque d’investissement contribue également à la croissance économique mais en jouant un rôle purement d’intermédiaire, où son expertise est mise au service de ses clients.
La combinaison de la banque commerciale et de la banque d’investissement donne une banque universelle où la diversification des activités de l’institution facilite la création de solutions pour les clients tout en limitant le nombre d’interlocuteurs. Parmi les points de vigilance d’un tel modèle économique, il y a d’abord le partage de l’information au sein de la banque afin de limiter le risque de délit d’initié. Mais il faut aussi considérer la taille critique qu’une telle institution peut atteindre ainsi que les risques qu’une institution trop grosse peut représenter pour le reste de la société. L’exemple canonique est celui de Lehman Brothers qui a fait faillite en 2008 et qui a bouleversé le paysage bancaire de façon irréversible.
La crise de 2008, un choc réglementaire pour l’industrie bancaire
La faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 a eu pour conséquence un changement radical de la réglementation bancaire, jugée insuffisante et imprécise par le reste de la société, afin que ce genre de crise ne se reproduise plus. Les accords de Bâle III établissant le dispositif réglementaire international des banques sont alors nés, avec leur lot d’exigences en capital pour des institutions fortement endettées, et ce afin de pouvoir absorber davantage les pertes liées à leur activité d’octroi de crédit.
À cela s’ajoutent de nouvelles exigences en termes de liquidités pour assurer la stabilité des banques qui font parfois face à des retraits massifs. Le but est de permettre aux banques d’être autonomes, et de ne pas devoir aller se refinancer auprès des banques centrales en cas de manque de liquidités.
Occupées avec ces nouvelles exigences réglementaires, les banques avaient moins de temps pour leurs autres activités et ont dû se détourner temporairement de leur rôle d’innovateur leur permettant de satisfaire les nouvelles demandes de leurs clients. Mais ces derniers étaient à la recherche d’une amélioration de leur expérience, par exemple avec des outils leur permettant d’avoir accès aux services bancaires plus rapidement et à distance.
De nouveaux concurrents pour les banques
D’autres acteurs prennent alors cette place pour satisfaire la demande client. Suite à la crise de 2008, l’essor de nouveaux acteurs comme les fintechs ou les plates-formes de financement participatif communément appelées crowdfunding dans le paysage bancaire bouleverse le modèle économique traditionnel des banques et exerce une forte pression sur leurs marges.
Les fintechs, telles que N26, Revolut ou Lydia, utilisent les nouvelles technologies pour créer et fournir des services financiers innovants, ce qui était autrefois réservé aux banques. Elles ont ainsi rapidement attiré les clients des banques traditionnelles, menaçant la rentabilité de ces dernières. Les plates-formes de financement participatif comme HelloAsso ont quant à elles démocratisé l’accès au crédit en permettant de soulever des fonds plus facilement via l’utilisation d’une plate-forme en ligne sur laquelle les investisseurs intéressés par un projet peuvent contribuer à hauteur de leurs moyens.
Des entreprises comme Facebook ou Ali Baba ont même développé leurs propres outils pour le transfert de fonds voire, comme l’a fait Amazon, pour l’octroi de crédits. L’apparition de plate-forme de robot traders telle que Vanguard Digital Advisor permet à un individu de créer et de gérer facilement un portefeuille de titres financiers, avec des frais de gestion associés qui restent très faibles pour un niveau élevé de transparence.
Et ces nouveaux acteurs sont d’autant plus dangereux pour les banques traditionnelles qu’ils ont accès à un vaste réseau d’utilisateurs qui s’y connectent au quotidien. C’est le cas notamment de Facebook, plate-forme sur laquelle les utilisateurs partagent un grand nombre d’informations privées, signe de la confiance qu’ils ont envers cette plate-forme. De plus, ces nouveaux acteurs se concentrent principalement sur les activités de « front », au contact des consommateurs car ce sont les plus lucratives et c’est également à ce niveau qu’ils ont une valeur ajoutée.
Vers un nouveau modèle de banque…
Néanmoins, sur ces 15 dernières années, les nouveaux concurrents des banques ont été confrontés aux mêmes problèmes que les banques traditionnelles. En septembre 2018, le vol d’un montant de 60 millions de dollars sur une plate-forme d’échange de cryptomonnaies fait la une des journaux. En cause, des hackers ayant réussi à pirater le système informatique et à avoir accès à la plate-forme pendant deux heures seulement. Ce genre de faits divers a contribué à l’élaboration d’une réglementation spécifique dédiée à ces nouveaux acteurs, réglementation qui était inexistante au démarrage.
De plus, l’industrie bancaire a su faire évoluer son modèle économique en parvenant à intégrer ces nouveaux intermédiaires financiers à travers le rachat de certaines fintechs ou la création de nombreux partenariats comme celui entre Goldman Sachs et Amazon en 2020. Ce dernier, connu sous le nom de projet Augusta, a eu pour but de permettre à Amazon de proposer une ligne de crédit financée par Goldman Sachs à ses revendeurs de petite taille.
Une telle évolution a permis aux banques de maintenir une position compétitive tout en adaptant leur modèle économique et leur stratégie commerciale afin de pleinement jouer leur rôle de soutien au développement économique.
… Ou un éternel recommencement ?
Cependant, il est intéressant de noter que, bien qu’il y ait une évolution du modèle bancaire avec l’intégration de nouveaux partenaires, certaines banques ont choisi de revenir à un modèle plus traditionnel : celui de la banque de proximité. C’est le cas, par exemple, de BNP Paribas, qui a relancé le principe des « conseillers dédiés ». Ces conseillers ont pour mission de se concentrer sur un petit nombre de clients afin de recueillir un maximum d’informations et de les évaluer au mieux. Ce retour vise à capitaliser sur un atout unique des banques : leur proximité avec les clients, un aspect beaucoup plus complexe à réaliser pour une entreprise comme Amazon, et ainsi retrouver leurs fondamentaux.
Rédacteur Charlotte Clémence
Auteurs
Aurore Burietz : Professeur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of Management
Jérémie Bertrand : Professeur de finance, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir du site The Conversation, sous licence Creative Commons
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