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France. Doit-on placer le repas gastronomique français sous haute surveillance ?

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Depuis le début de ce mois d’octobre, la teneur maximum en sel est passée de 1,5 g pour 100 g de pain à 1,4 g pour le pain traditionnel et 1,3 g pour les pains dits spéciaux. C’est un autre élément-clé de la gastronomie française qui passe sous le couperet des règles telles que définies dans les Plans Nationaux de Santé Publique. Mais à ce rythme-là, que restera-t-il du repas gastronomique français, inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ?

Doit-on placer le repas gastronomique français sous haute surveillance
Par cet accord, c’est l’ensemble des acteurs de la filière de la boulangerie qui se mobilise pour atteindre cet objectif de Santé Publique. (Image : PublicDomainPictures / Pixabay)

Engagement des acteurs de la filière de la boulangerie

Le 3 mars 2022, lors du Salon International de l’Agriculture, l’ensemble des acteurs de la filière de la boulangerie s’était engagé à réduire les teneurs de sel dans le pain. Cet accord collectif volontaire avait été signé en présence de Bruno Ferreira, le directeur général de l’alimentation, et de Grégory Emery, directeur général adjoint de la Santé.

Le dossier de presse présenté par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire précisait à cette occasion que : « Réduire la consommation de sel de 30 % d’ici 2025 est un objectif pris par la France auprès de l’Organisation Mondiale de la Santé. D’après l’OMS, une consommation de sel de moins de 5 grammes par jour chez l’adulte, contribue à faire baisser la tension artérielle et le risque de maladie cardiovasculaire, d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus du myocarde ».

C’est un engagement d’une diminution de près de 10 % des teneurs de sel dans le pain sur moins de 4 ans, qui avait été validé par les partenaires en présence. Ainsi, le grammage pour 100 g de pain était passé à 1,5 g en juillet 2022. Depuis le début du mois d’octobre, il est à 1,4 g pour le pain traditionnel dont la baguette et à 1,3 g pour les pains spéciaux.

Par cet accord, c’est l’ensemble des acteurs de la filière qui se mobilise pour atteindre cet objectif de santé publique, de manière à permettre aux Français d’être en bonne santé certes mais, peut-être aussi pour maintenir le pain sur les tables françaises dans le digne respect de la tradition liée au repas gastronomique français.

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Il semblerait que le pain, omniprésent sur la table des Français depuis des siècles, y occuperait une place un peu plus modeste actuellement. (Image : Philippe Ramakers / Pixabay)

Le pain est-il un pilier de la culture culinaire française ?

Le pain représenterait 20 % de l’apport en sel quotidien des Français. Pour autant, la consommation du pain, bien que faisant partie des habitudes alimentaires des Français : longtemps représentées avec la baguette sous le bras à l’étranger, notamment dans les pays anglophones, semble avoir bien diminué ces dernières années. Une étude menée en 2021 par le cabinet QualiQuanti et intitulée Le pain et les Français : 5 ans après, fait état du fait que « les Français déclarent consommer en moyenne 105 grammes de pain par jour en semaine contre 114 grammes en 2015 ».

Dans cette étude, il est entre autres précisé que : « Le dîner reste le repas au cours duquel les Français consomment le plus de pain (77 %), suivi du déjeuner (76 %) et du petit déjeuner (65 %) (…). 19 % des Français ont le sentiment de manger " moins de pain qu’avant ", ils l’expliquent par une baisse d’intérêt, une certaine lassitude, mais aussi des impératifs de régime alimentaire ».

Il semblerait que le pain, omniprésent sur la table des Français depuis des siècles, y occuperait une place un peu plus modeste actuellement. En effet, certains chiffres font état d’une diminution importante entre le début du XXe siècle et le XXIe siècle. Ainsi, en 2020, les Français consommaient 58 kg de pain par an, alors que la consommation était de 328 kg par an en 1900. À noter aussi que la France se classerait au neuvième rang mondial des pays consommateurs de pain.

Doit-on placer le repas gastronomique français sous haute surveillance
Avec le Nutri-Score version 2023, « La classification des fromages tiendra mieux compte de leur teneur en sel et acides gras saturés. Les fromages à pâte dure, moins salés, (comme l’emmental) seront classés C, les autres resteront en D ou E ». (Image : Micha / Pixabay)

Que deviennent donc les produits emblématiques de la culture culinaire française ?

La filière de la boulangerie a fait cet effort collectif pour préserver la santé des Français. Mais en matière de sel, il reste tout de même le fromage, cet autre incontournable de la culture culinaire française.

Le Nutri-Score a été mis en place en 2017, les cinq lettres allant de : A à E « valorise la teneur des aliments en fibres, fruits et légumes, protéines ou légumes secs, tandis que les acides gras saturés, les excès de sucre ou de sel et les apports caloriques font chuter le classement ». Avec le Nutri-Score version 2023, « La classification des fromages tiendra mieux compte de leur teneur en sel et acides gras saturés. Les fromages à pâte dure ; moins salés (comme l’emmental) seront classés C, les autres resteront en D ou E », précise le site Essentiel Santé.

Mais, que devient le beurre salé ? Cela semble devenir presque un délit d’en consommer si l’on se fie au Nutri-Score. Alors lui permettre d’accompagner le fromage, la confiture ou les radis, que nenni ! Ce serait certainement vu comme un scandale de santé publique si l’on se réfère aux règlements mondiaux sur la santé, déclinés au sein des Plan Nationaux de Santé Publique.

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Permettre au beurre salé d’accompagner le fromage, la confiture ou les radis, que nenni ! Ce serait certainement vu comme un scandale de Santé Publique. (Image : Mirko Fabian / Pixabay)

Mais certains produits semblent franchir les mailles du filet réglementaire

Certains éléments de la culture culinaire française semblent pouvoir franchir allègrement les mailles du filet : il s’agit de l’alcool et plus particulièrement du vin.

La France est connue pour la richesse de ses terroirs et la diversité de ses vins. De nombreuses campagnes ont été mises en place. Pour autant il semblerait qu’il soit plus aisé de toucher à la filière de la boulangerie qu’à celle des vins français.

Dans un article intitulé, Après l’annulation de deux campagnes de prévention sur l’alcool, les acteurs de la santé publique dénoncent les « faux prétextes » du gouvernement, paru dans le journal Le Monde, le rôle joué par le lobby alcoolier est pointé du doigt, suite à l’annulation d’une campagne prévue à l’occasion du Mondial de rugby.

Dans cet article il est précisé que : « Deux campagnes ont été refusées, a révélé Radio France dans une enquête parue le 11 septembre : la seconde devait être diffusée ce mois-ci, durant la Coupe du monde de rugby. Il s’agissait d’un coach rappelant aux spectateurs d’éviter les abus de l’alcool, avec ce message : " Ne laissez pas l’alcool vous mettre K.-O." . Elle est restée dans les cartons ».

Alors il y aurait-il deux poids, deux mesures, et le poids du lobby alcoolier serait-il plus important que celui des autres filières ? Il ne s’agit pas ici d’intenter un procès à qui que ce soit, mais plutôt de mettre en lumière la mise en place de la prévention dans le domaine de la santé publique : doit-on responsabiliser ou déresponsabiliser le citoyen français ?

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Le rôle joué par le lobby alcoolier est pointé du doigt, suite à l’annulation d’une campagne prévue à l’occasion du Mondial de rugby. (Image : Photo Mix / Pixabay)

Le repas gastronomique français serait-il malmené ?

Mais, face aux règlements mondiaux et aux Plans de Santé publique, où en est-on du repas gastronomique français ?

« Le repas gastronomique des Français est une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Il s’agit d’un repas festif dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l’art du ’’bien manger’’ et du ’’bien boire’’ », est-il précisé sur le site de l’UNESCO. Car depuis 2010, cet art de la table est inscrit au patrimoine culturel immatériel.

« Des personnes reconnues comme étant des gastronomes, qui possèdent une connaissance approfondie de la tradition et en préservent la mémoire, veillent à la pratique vivante des rites et contribuent ainsi à leur transmission orale et/ou écrite, aux jeunes générations en particulier. Le repas gastronomique resserre le cercle familial et amical et, plus généralement, renforce les liens sociaux », est-il aussi énoncé.

Dans un article publié par l’IREF, L’État nounou va-t-il finir par rendre insipides certains symboles de notre patrimoine gastronomique, le journaliste Matthieu Creson soulève la question en ces termes : « En dehors de la question essentielle du respect du goût, les Français ne sont-ils pas assez grands et bien informés pour savoir ce qui est bon ou non pour leur santé, sans avoir besoin de l’intervention de l’État en ce domaine ? ».

En effet, une campagne de prévention en matière de santé publique doit-elle reposer sur une déclinaison de règles restrictives ou une éducation à la santé ?

Le journaliste s’interroge aussi sur le rôle du gouvernement en ces termes : « l’État n’a-t-il pas de tâches plus urgentes à accomplir que celle consistant à s’inviter à la table des Français ? ». « Notre État incorrigiblement maternant, sûr de son bon droit dès qu’il s’agit de dicter aux citoyens ce qui est bon ou non pour eux, s’est donc ici encore mis en devoir d’imposer une nouvelle contrainte sanitaire. Une contrainte qui pourrait même être encore renforcée dans les années qui viennent », a-t-il aussi affirmé dans son article.

En matière de Santé Publique, doit-on responsabiliser ou déresponsabiliser le citoyen français ? Le fait de mettre en place des règles restrictives en matière de santé ne va-t-il pas dans la voie de la déresponsabilisation de l’individu. Dans le Serment d’Hippocrate il est dit : « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions ».

Dans ce sens, réglementer à tour de bras n’aidera peut-être pas le citoyen à devenir acteur de sa santé, comme il est justement demandé dans le domaine de la Santé Publique. Mais laissera certainement ce dit citoyen dans un état de dépendance chronique vis-à-vis des règles, donc de l’État. Mais être dépendant est-il compatible avec l’état de citoyen dans une démocratie ?

Plutôt que de placer le repas gastronomique français sous haute surveillance, ne serait-il pas mieux de responsabiliser les Français en matière de santé ? En les rendant acteurs de leur santé, l’État ne pourrait-il pas ainsi en faire de vrais partenaires : des citoyens occupant la place qui leur est dévolue dans une démocratie moderne.

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