Sous l’égide du président du groupe IRT (Indépendants – République et Territoires), une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d’influence a été adoptée le 9 février au Sénat. Le sénateur dénonce « la propagation de contenus tapageurs à l’étranger, [alors que] l’application partagerait au contraire des contenus pédagogiques en Chine ».
Dans l’exposé des motifs, du Texte n°303 (2022-2023) de M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues déposé au Sénat le 1er février 2023, plusieurs éléments sont mis en exergue.
Le réseau social TikTok a été créé au « sein d’un État totalitaire dépourvu d’une justice indépendante »
Il est ainsi précisé que : « les réseaux sociaux ne cessent de croître. Conçues initialement pour permettre aux utilisateurs de communiquer avec leur famille et leurs amis, ces plateformes tendent à occuper une place centrale au sein de notre société.
Elles sont le canal privilégié de l’influence dans la mesure où elles rassemblent un très grand nombre de personnes, dont il est possible de connaître les préférences mais aussi les relations qu’elles entretiennent entre elles. Ces plateformes, gratuites pour l’utilisateur, se financent par la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs : plus un contenu est choquant, plus il est partagé, et plus il est générateur de recettes ».
« L’efficacité de ces communications ne se limite pas à la sphère commerciale : l’affaire Cambridge Analytica a démontré en 2016 son intérêt dans le cadre de campagnes politiques, s’agissant tant du référendum sur le Brexit que de l’élection présidentielle américaine. De véritables guerres d’influence sont menées par l’intermédiaire des réseaux sociaux.
Ces difficultés existaient déjà sur les plateformes historiques que sont Facebook, Snapchat, Twitter ou encore Instagram. Celles-ci sont cependant gérées par des entreprises privées américaines, au sein d’une démocratie dotée d’une justice indépendante. La création de TikTok par une société chinoise ByteDance en 2016, au sein d’un État totalitaire dépourvu d’une justice indépendante, décuple l’ampleur de ces difficultés ».
Un réseau social qui ne respecte pas la « confidentialité quant aux données à caractère personnel »
Par ailleurs, dans cet exposé des motifs, le mode de fonctionnement et la stratégie du réseau social TikTok sont aussi pointés du doigt par les sénateurs.
« Depuis quelques mois, des accusations sont lancées contre ce réseau. Selon certaines d’entre elles, cette plateforme aurait un mode de fonctionnement différencié selon les zones géographiques. La nature des contenus mis en avant mais aussi les durées maximales d’utilisation pour les jeunes utilisateurs ne seraient pas les mêmes selon que l’utilisateur se trouve en Chine ou dans le reste du monde. Cherchant à accroître le caractère addictif de son application par la propagation de contenus tapageurs à l’étranger, l’application partagerait au contraire des contenus pédagogiques en Chine.
D’autres accusations portent sur une méconnaissance de la législation européenne issue notamment du règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD). La plateforme TikTok est ainsi soupçonnée de ne pas observer la nécessaire confidentialité quant aux données à caractère personnel de ses utilisateurs étrangers, voire de les communiquer à des organismes tiers, en méconnaissant les obligations légales européennes qui lui incombent. En décembre 2022, la société ByteDance a notamment admis que certains de ses employés avaient utilisé les données collectées par TikTok pour identifier les sources de plusieurs journalistes ».
« La crétinisation de notre jeune génération par les effets abrutissants de TikTok »
Dans un article publié sur le site de l’IREF, TikTok, quand la Chine abrutit nos enfants, la journaliste Morgane Afif expose la différence des contenus présentés aux jeunes Chinois ou aux jeunes Occidentaux , ainsi que les répercussions que cela pourrait avoir. Elle présente notamment cette remarque de Tristan Harris, surnommé la « conscience de la Silicon Valley », par la presse américaine. « Des études en Chine et aux États-Unis ont cherché à savoir auprès des jeunes la carrière qui pouvait les inspirer quant à leur avenir. La réponse ? Aux États-Unis : influenceur. Et en Chine : astronaute. Laissez ces deux sociétés se dérouler sur quelques générations, et je peux vous dire à quoi le monde va ressembler » a expliqué Tristan Harris.
Dans son article elle précise aussi que : « La Chine poursuit donc tranquillement, et avec notre consentement, la crétinisation de notre jeune génération par les effets abrutissants de TikTok, " le réseau le plus efficace chez les enfants et les adolescents " selon Emmanuel Macron. Du reste, la version chinoise met en avant du contenu pédagogique : expériences scientifiques, enseignement culturel et artistique et vidéos patriotiques. Une plateforme accessible en France, mais dans sa version appauvrie ».
Quant à la crainte que pourrait présenter ce soft power, la journaliste attire l’attention sur ces « courtes séquences de recettes filmées, d’exploits félins ou de chorégraphies alambiquées », invitant à avoir une approche plus systémique de la stratégie mise en place par le réseau social TikTok. Elle conclut son article par une citation de la « conscience de la Silicon Valley » : « TikTok a dépassé la popularité de Google et de Facebook en 2021 et devrait atteindre 1,8 milliard d’utilisateurs d’ici à fin 2022 » rappelait à ce titre Tristan Harris.
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