L’université tout comme le premier et le second degré subit les contrecoups d’une crise sanitaire qui se prolonge dans la durée. La vie étudiante à l’heure de la pandémie semble osciller entre fragilité et résilience.
Le monde étudiant et ses mutations successives
Dans la revue Pensée plurielle publiée en 2007, Anne-Françoise Dequirré, Docteure en sciences de l’éducation rappelle que le monde étudiant a connu des changements successifs au cours des dernières décennies. Dans les années 1950, les étudiants, représentés en France comme les « personnes engagées dans un cursus d’enseignement supérieur » appartenaient surtout aux classes aisées. Ils formaient un groupe homogène, limité et voué à la réussite.
À partir des années 1990 le nombre des étudiants augmente régulièrement en faveur des classes moyennes. Il se serait multiplié par 6. Selon la même source, il s’avère qu’en France, les 2/3 des effectifs universitaires sont occupés par les filières non sélectives et 1/3 d’entre eux par les filières sélectives. Dans d’autres pays comparables le schéma diffère, notamment aux États-Unis, au Royaume Uni et en Chine où la sélection à l’université demeure très sévère.
Ne pouvant compter ni sur les bourses, ni sur les aides de leurs familles, les étudiants issus de milieux moins favorisés que par le passé doivent désormais cumuler études et « petits boulots » pour financer leurs études. Ainsi l’observatoire de la vie étudiante (OVE) révèle que 80 % des étudiants français occupent un emploi rémunéré.
Précarisation préoccupante
Un nombre croissant d’étudiants voient leurs conditions de vie se dégrader. Le logement, l’alimentation et la santé restent pour eux des préoccupations majeures. Le nombre d’étudiants ayant recours aux structures d’hébergement d’urgence lui aussi augmente. Certains directeurs de ces structures affirment que des étudiants dorment dans leurs voitures…
Au mois de novembre 2019 avant le début de la pandémie due au virus Covid-19 une « onde de choc » ébranle le territoire français : un étudiant pour dénoncer ses difficultés financières s’est immolé par le feu devant le CROUS de Lyon (centre régional des œuvres universitaires et scolaires). De nombreuses études lèvent alors le voile sur la précarité effective des étudiants.
« En France, 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 1 026 € par mois) », révèle Unly, agence spécialiste du financement étudiant solidaire et responsable.
Les étudiants se mobilisent pour dénoncer leur détresse aussi bien financière que psychologique.Gabriel Attal, à l’époque secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, reconnaît la « misère » étudiante sur l’antenne de RTL.
La crise sanitaire : facteur aggravant la vie étudiante
Survient quelques mois plus tard la pandémie frappant de plein fouet toutes les couches de la société sans exception. Le premier confinement en particulier accentue les effets de la précarité étudiante et pas seulement sur le plan matériel.
« Le premier confinement a sévèrement touché les étudiants. 73 % des jeunes déclarent avoir été affectés sur le plan psychologique, affectif ou physique et 23 % d’entre eux disent avoir eu des pensées suicidaires durant cette période », d’après une enquête de la fédération des associations générales étudiantes. La santé mentale des étudiants mise à mal par les divers confinements inquiète bien plus encore que leurs difficultés financières.
Les cours uniquement dispensés à distance dans l’enseignement supérieur ne font qu’accroître le désarroi de cette jeunesse apprenante déjà fragilisée avant la crise sanitaire. Les lycéens et les étudiants de BTS et classes préparatoires aux grandes écoles ont droit aux cours en présentiel. Ce traitement jugé comme inéquitable attise le mécontentement des étudiants fréquentant les universités.
Mesures gouvernementales
Face à l’urgence et à la mobilisation des jeunes un certain nombre de mesures gouvernementales ont été mises en place. En guise de soutien financier le Ministère de l’enseignement supérieur a instauré une demande de réexamen des bourses, les revenus des familles ayant baissé suite à la crise sanitaire. Les restaurants universitaires pourront dispenser des repas à 1 euro. Dans le même temps, les frais d’inscription seront gelés et les milliers d’emplois pour étudiants seront créés.
Pour accroître le soutien psychologique et réduire l’isolement, principale source d’angoisse des étudiants, le retour des cours en présentiel est rétabli un jour par semaine. Grâce à des dispositifs tels que les bureaux d’aide psychologique universitaires (BAPU), les étudiants pourront bénéficier de 3 séances avec un psychologue de leur choix à titre gracieux.
Aide à la résilience
En matière d’aide il serait intéressant de citer le « Projet Résilience de l’UQAM » (Université du Québec à Montréal) projet proposé aux étudiants canadiens ayant connu les mêmes traumatismes que leurs homologues français. L’usage de la résilience, cette « aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques » est vivement encouragée.
Au sein de cette université québécoise les bénéficiaires du projet apprennent à puiser en eux-mêmes les ressources leur permettant de s’adapter à une situation exceptionnelle. Sur un site hébergé par l’Université du Québec, le consortium d’animation pour la persévérance et la réussite en enseignement supérieur (CAPRES), explique comment élaborer la résilience dite adaptative. L’étudiant tend à rejeter les émotions négatives et à mettre en lumière ses points forts pour les optimiser en temps de crise.
La crise sanitaire découlant du virus de Wuhan est bel et bien une situation exceptionnelle qui perdure. La vie étudiante à l’heure de la pandémie libère deux forces à la fois opposées et complémentaires : fragilité et résilience. La fragilité génère la résilience qui ne demande qu’à s’apprivoiser.
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