Le gouvernement de l’Alberta a ordonné à quatre de ses grandes universités de suspendre les partenariats avec des personnes ou des organisations ayant des liens avec le Parti communiste chinois (PCC), invoquant des menaces pour la sécurité nationale du Canada et la possibilité que les recherches connexes soient utilisées pour promouvoir les violations des droits de l’homme par le régime communiste.
Selon un rapport du Globe and Mail, l’une des principales institutions de la province, il s’avère que l’Université de l’Alberta (UofA), entretient des liens étroits et de longue durée avec la Chine, plusieurs employés et chercheurs ayant formé des coentreprises avec des fonds provenant d’entreprises d’État chinoises pour commercialiser la recherche canadienne en Chine.
Les universités visées par cet ordre à effet immédiat sont l’Université de l’Alberta, l’Université de Calgary, l’Université de Lethbridge et l’Université Athabasca. Les institutions ont 90 jours pour revoir leur coopération avec la Chine et soumettre à la province un rapport détaillant tous les accords, les relations de recherche, les relations institutionnelles et les coentreprises avec des entités ayant des liens avec le PCC.
« Je suis profondément préoccupé par le vol potentiel de la propriété intellectuelle canadienne et par le fait que les partenariats de recherche avec la République populaire de Chine puissent être utilisés par les agences militaires et de renseignement chinoises », peut-on lire dans une déclaration du ministre de l’Enseignement supérieur de l’Alberta, Demetrios Nicolaides.
« Ma priorité est de travailler avec nos établissements postsecondaires pour protéger la propriété intellectuelle canadienne et de veiller à ce que les établissements de l’Alberta ne concluent pas d’accords avec des entités qui porteraient atteinte aux intérêts nationaux fondamentaux de notre pays. »
Dans sa déclaration, Demetrios Nicolaides a également souligné que la province accueillerait favorablement un « cadre national complet de la part d’Ottawa sur ces graves questions urgentes. »
« Les partenariats internationaux, qui incluent des projets de recherche, des accords d’enseignement et de mobilité, et des possibilités d’apprentissage international sont ce qui permet à l’académie de fournir aux étudiants, aux post-docs et aux professeurs les expériences nécessaires pour assurer la circulation des connaissances autour du globe. »
L’UofA et l’UofC ont répondu au Globe le 23 mai qu’ils travaillaient sur un courriel du chancelier et qu’ils ne feraient pas de commentaires immédiatement. Les deux autres universités n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.
Une plus grande protection en ce qui concerne la recherche
En mars, L’ISDE (Innovation, Sciences et Développement économique Canada) a publié une déclaration de politique avertissant la communauté de recherche canadienne de la nécessité d’une plus grande protection des résultats de la recherche, en particulier dans le domaine de la Covid-19.
« La recherche de classe mondiale du Canada et son environnement de recherche ouvert et collaboratif sont de plus en plus la cible de l’espionnage et de l’ingérence étrangère », déclare l’énoncé sans nommer un pays en particulier, peut-on lire dans la déclaration.
Charles Burton, chercheur principal à l’Institut Macdonald-Laurier, a déclaré à CTV news que « le contribuable albertain a le droit de savoir quelles subventions ces institutions publiques ont pu recevoir et quelles conditions ont pu y être rattachées. »
En mai, le Globe And Mail a rapporté que malgré les avertissements précédents du gouvernement fédéral sur les risques pour la sécurité nationale de travailler avec la Chine, l’UofA a maintenu d’étroites collaborations de recherche avec la Chine, y compris le partage et le transfert de la recherche dans des domaines stratégiquement importants tels que la nanotechnologie, la biotechnologie et l’intelligence artificielle.
Selon le rapport, des professeurs et des chercheurs de l’université ont créé des coentreprises avec des entreprises chinoises pour commercialiser les résultats des recherches canadiennes.
Interrogée par le Globe, l’Université de l’Alberta a refusé de discuter de ses activités de recherche avec la Chine, se contentant de déclarer « nous n’avons reçu aucune directive concernant la Chine » de la part du gouvernement fédéral.
Margaret Mc Cuaig-Johnston, ancienne haute fonctionnaire du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, a déclaré que l’UofA a été un chef de file parmi les universités canadiennes dans l’établissement de liens avec la Chine.
« Tous ces professeurs ont l’impression de faire ce qu’il faut en s’engageant auprès de la Chine et en l’aidant à renforcer ses capacités, mais ils doivent examiner très attentivement chaque accord pour savoir s’ils se font avoir et quel est le plan à long terme pour la technologie », a-t-elle déclaré au
Globe.
L’UofA a signé un accord avec le ministère de la Science et des Technologies de la République populaire de Chine
En 2005, L’UofA a signé un accord avec le ministère de la Science et des Technologies de la République populaire de Chine, lui permettant d’accéder à au moins 50 laboratoires nationaux en Chine. Pékin a accordé des financements et des subventions de recherche à environ 60 professeurs de l’UofA qui participent à au moins 90 projets de recherche de niveau national en Chine.
En 2018, l’UofA a reçu un don important de la part du magnat de Hong Kong Jonathan Koon-Shum Choi, dont l’Université a refusé de divulguer le montant. Jonathan Koon-Shum Choi est un membre de haut rang de l’organe consultatif politique de Hong Kong auprès du PCC et entretient des liens très étroits avec Pékin.
Il est également un partisan enthousiaste de la répression politique de Pékin à Hong Kong.
En 2019, l’Université de l’Alberta a signé un protocole d’accord pour s’associer à HKAI Labs, une entreprise privée basée à Hong Kong qui fait des recherches sur l’intelligence artificielle. HKAI est financée par Alibaba et par SenseTime, une société d’intelligence artificielle basée à Pékin qui a été placée sur la liste noire du gouvernement américain pour son rôle de surveillance dans la répression des Ouïghours et des minorités du Xinjiang.
À Shandong, en Chine, il existe un Centre canadien pour la bio-innovation (CCBI)qui est affilié à l’Université de l’Alberta. Le site Web de l’organisation indique clairement qu’elle a été créée « pour attirer les talents canadiens en vue d’un transfert technologique transnational ».
La vice-présidente associée de l’innovation et de la commercialisation de l’UofA, Deborah James, qui fait partie du comité permanent du CCBI, est également présidente honoraire du Yantai YETDA International Incubator for Biomedical Innovation Centre, une entreprise financée par l’État chinois et l’organisation mère du CCBI.
En outre, trois professeurs et chercheurs de l’UofA ont mis sur pied l’entreprise Tricca Technologies en Chine, qui vend des biocapteurs portatifs. En 2018, Tricca a établi une coentreprise avec Yantai YETDA, dans laquelle la partie chinoise détient 60 % de toutes les actions, ce qui lui permet de prendre des décisions sur des questions clés telles que la technologie et le personnel.
Selon Margaret McCuaig-Johnston, Tricca est l’exemple classique qui montre que les Canadiens devraient y réfléchir à deux fois avant d’établir un partenariat avec la Chine. « C’est un cas classique : 60 % des actions sont détenues par la Chine et 40 % par l’entreprise canadienne », a-t-elle déclaré.
Le 28 mai, deux autres universités ontariennes, York et Queen’s, ont été accusées de collaborer avec une autre société chinoise d’intelligence artificielle, iFlyTek, inscrite sur la liste noire du gouvernement américain, dont les recherches ont été utilisées contre et pour violer les droits de l’homme des minorités ethniques en Chine.
Le chef du bureau du Globe à Ottawa, Robert Fife, a déclaré dans un commentaire : « Au cours des 20 dernières années, les universités ont été encouragées à collaborer avec des entités chinoises et à accepter des financements de leur part. Les universités ont largement fermé les yeux sur la montée d’une Chine agressive sous le règne du président Xi Jinping. La répression brutale des Ouïghours musulmans et la répression sévère à Hong Kong ont été ignorées. On n’a pas non plus prêté beaucoup d’attention à la Chine qui convoite la propriété intellectuelle et les données scientifiques canadiennes. »
« Il est clair que cette situation n’est plus acceptable, mais il faut un leadership fort de la part d’Ottawa pour définir les critères de collaboration avec la Chine et les domaines d’études scientifiques qui doivent être protégés. Nous attendons un rapport fédéral sur cette question le 25 juin pour voir si le gouvernement fédéral va enfin agir. »
Rédacteur Fetty Adler
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