L’armée de l’air chinoise (Forces aériennes de l’armée populaire de libération) a effectué 12 missions secrètes en Serbie au cours du week-end dernier, livrant certains de ses systèmes anti-aériens les plus sophistiqués à l’armée serbe.
La Serbie, traditionnellement alliée de la Russie, a accepté cette livraison dans le cadre d’une opération qualifiée de semi-secrète, suscitant l’inquiétude des Occidentaux dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne en cours.
Les médias d’État chinois ont rapporté le 10 avril que six avions des Forces aériennes de l’armée populaire de libération chinoise avaient atterri à l’aéroport civil de Belgrade tôt le samedi 9 avril, transportant des systèmes de missiles sol-air HQ-22 ainsi que des missiles à moyenne portée FK-3.
Les avions cargos chinois portant des marques militaires ont été photographiés à l’aéroport Nikola Tesla de Belgrade samedi, cependant, le ministère serbe de la défense n’a pas immédiatement répondu à la demande de commentaires des journalistes.
Selon le journal d’État chinois The Global Times, cette livraison représente le plus important transport aérien à l’étranger impliquant des avions de transport Y-20 de fabrication chinoise. Citant des analystes de la défense liés à l’État, le journal indique que cette opération constitue une « grande démonstration des capacités de transport stratégique de la Chine ».
Le contrat d’armement entre la Serbie et la Chine a été signé en 2019
Le président serbe Aleksandar Vucic a confirmé la livraison des systèmes de moyenne portée qui ont fait l’objet d’un premier accord en 2019, en déclarant aux journalistes qu’il présenterait cette « nouvelle fierté de l’armée serbe » le 13 avril.
Le système de missiles chinois a été largement comparé aux systèmes de missiles sol-air américains Patriot et russes S-300, bien qu’il ait une portée plus courte que les S-300. La Serbie sera le premier opérateur de missiles chinois en Europe.
Aleksandar Vucic s’était plaint auparavant que les pays de l’OTAN, qui représentent la plupart des voisins de la Serbie, refusaient d’autoriser les vols de livraison du système sur leurs territoires, dans un contexte de tensions liées à l’invasion russe en Ukraine.
Bien que la Serbie ait voté en faveur des résolutions de l’ONU qui condamnent l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle ne s’est pas associée aux sanctions occidentales contre le Kremlin et n’a pas critiqué publiquement la poursuite de l’offensive russe.
Le 11 avril, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Zhao Lijian, a également déclaré aux journalistes que l’opération s’inscrivait dans le cadre du plan de coopération annuel entre les deux pays, et qu’elle ne visait aucune tierce partie et « n’avait rien à voir avec la situation actuelle en Ukraine. »
Inquiétudes concernant le renforcement des capacités militaires chinoises
Bien que se prétendant neutre dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, la Chine a adopté une ligne diplomatique prudente en se refusant à condamner publiquement la Russie. En outre, Pékin s’est montré disposé à offrir une bouée de sauvetage à Moscou, en levant toutes les restrictions sur le blé russe et en encourageant les « pourparlers de paix » afin de résoudre le conflit en Ukraine.
La livraison apparente d’armes à la Serbie, au-dessus des territoires d’au moins deux États membres de l’OTAN, la Turquie et la Bulgarie, a été considérée par les analystes militaires comme une démonstration de la portée croissante de la Chine au niveau mondial.
Les craintes concernant l’armement de la Serbie se sont intensifiées, car beaucoup craignent que le soutien de la Chine n’encourage le pays des Balkans à s’engager dans une nouvelle guerre, notamment contre son ancienne province du Kosovo qui a proclamé son indépendance en 2008. La Serbie, la Russie et la Chine ne reconnaissent pas la souveraineté du Kosovo, contrairement aux États-Unis et à la plupart des pays occidentaux.
« Le fait que vous achetiez votre système de défense le plus moderne (à la Chine) en dit long sur le niveau de coopération que vous comptez avoir à l’avenir », a déclaré Stefan Vladisavljev, spécialiste de la Chine au Forum sur la sécurité de Belgrade, au South China Morning Post (SCMP).
La position de la Serbie au sein de l’OTAN remise en question
La livraison d’armes permettrait également à la Chine de prendre pied sur le marché de la défense de l’Union européenne, a déclaré au SCMP Vuk Vuksanovic, associé spécialisé dans la géopolitique serbe à IDEAS, un groupe de réflexion sur la politique étrangère de la London School of Economics and Political Science.
« La Chine veut utiliser la Serbie afin de pénétrer les marchés européens de la défense », a-t-il expliqué. « La Serbie est candidate à l’adhésion à l’UE, mais ne fait pas partie du système juridique de l’UE, elle est donc un partenaire assez utile à cet égard pour tester si les Chinois peuvent contourner ces obstacles. »
Le mois dernier, alors qu’il faisait campagne pour sa réélection dans la ville de Vranje, dans le sud du pays, le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré que la Serbie ne rejoindrait pas l’alliance militaire de l’OTAN et qu’elle « protégera plutôt son sol et son espace aérien par elle-même », ajoutant qu’à l’avenir elle protégera ses enfants avec ses propres soldats.
Rédacteur Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
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