La guerre et la crise énergétique modifient le paysage européen : la puissante Allemagne met en place des plans en raison des problèmes énergétiques, mais son approche pourrait ne pas convenir à l’ensemble des vingt-sept. L’Italie, qui a souvent souffert de crises économiques, se dote d’un nouvel avantage concurrentiel, en trouvant de nouvelles sources d’énergie.
Le 24 février dernier, quelques semaines après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, Claudio Descalzi, président-directeur général du géant italien de l’énergie Eni (Ente nazionale ldrocarburi), s’est mis à la recherche d’un fournisseur de gaz africain.
Selon les informations publiées par Eni et le gouvernement italien, Claudio Descalzi était souvent accompagné de hauts fonctionnaires des autorités romaines lors de ses voyages en Afrique, notamment lors de réunions avec des responsables du gouvernement algérien en février et de discussions en Angola, en Égypte et en République du Congo en mars.
L’entreprise publique Eni et le gouvernement italien ont tiré le meilleur parti des relations commerciales existantes dans le domaine de l’énergie avec ces pays africains pour s’assurer des approvisionnements supplémentaires en gaz ,afin de remplacer ceux importés de Russie, le plus grand fournisseur d’énergie.
Martijn Murphy, expert en pétrole et en gaz auprès de la société de conseil Wood Mackenzie, a précisé que les liens étroits qu’Eni entretient depuis longtemps avec des pays d’Afrique du Nord tels que l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Égypte lui ont permis de diversifier ses approvisionnements énergétiques.
Planification rigoureuse ou flexibilité et adaptabilité
Le gouvernement italien a adopté une stratégie flexible pour parvenir à un changement de stratégie énergétique nationale qui soit « la meilleure d’Europe » en termes de sécurité énergétique. En raison de la guerre russo-ukrainienne, de nombreux pays d’Europe n’ont pas été en mesure de réaliser cette transformation de la stratégie énergétique.
La puissance économique de l’Allemagne est depuis longtemps synonyme de planification minutieuse. Aujourd’hui, l’inflation en Allemagne a atteint 10 % en septembre en raison de la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, les prix de l’énergie ayant augmenté de 43,9 % par rapport au même mois de l’année dernière. La crise énergétique provoquée par la guerre russo-ukrainienne a cependant pris l’Allemagne complètement au dépourvu. Le gouvernement se prépare à un rationnement du gaz et de l’électricité.
Certains pays comme l’Allemagne, la Hongrie et l’Autriche sont confrontés à une crise hivernale d’approvisionnement énergétique, tandis que d’autres comme la France, la Suède, le Royaume-Uni et l’Italie, qui sont moins dépendants de l’énergie russe, seront certainement moins affectés par cette crise énergétique.
Le ministère allemand de l’Economie a exprimé son souhait de se débarrasser au plus vite des importations de gaz russe et de diversifier son approvisionnement énergétique. Il a pris un certain nombre de contre-mesures telles que la location de cinq terminaux flottants de gaz naturel liquéfié (GNL). L’Allemagne ne dispose actuellement d’aucun terminal de réception de GNL, tandis que l’Italie a trois terminaux de réception de GNL en service et a récemment ajouté deux autres terminaux de réception de GNL.
La France dispose actuellement de quatre terminaux terrestres d’importation de GNL, situés à Dunkerque, Montoir-de-Bretagne et Fos-sur-Mer. Le projet d’un cinquième terminal est à l’étude. Ce serait une unité flottante de regazéification positionnée dans le port du Havre. L’avantage du choix de ce terminal flottant repose sur la réduction du temps et des coûts de construction. Pour autant, le Groupe international des importateurs de gaz naturel liquéfié (GIIGNL) a fait savoir qu’il faudrait près de 18 mois avant de pouvoir utiliser ce type de terminal.
Crise énergétique : va-t-on vers un chacun pour soi ?
Afin de réduire sa dépendance au gaz russe, « l’Union Européenne pourrait théoriquement augmenter ses importations de GNL à court terme de quelque 60 milliards de mètres cubes », a proposé l’Agence internationale de l’énergie (AIE). La Commission européenne évoque pour sa part un potentiel de 50 milliards de mètres cubes, peut-on lire sur le site de la Tribune. Mais cela sous-entend une certaine entente au sein des vingt-sept quant à la stratégie qui devrait être mise en place.
Cependant, au sein de l’Union européenne, chaque pays semble développer des logiques différentes adaptables peut-être à leur économie, mais développer une logique commune semble encore difficile. Le Conseil européen réuni à Prague, ce vendredi 6 octobre, a demandé à la Commission européenne de travailler sur « un mécanisme de solidarité qui permettrait à Bruxelles de faire des prêts bonifiés aux Etats membres afin qu’ils aident leurs entreprises ébranlées par la crise. L’idée, poussée par Paris et Rome, reste peu appréciée de Berlin et de La Haye », peut-on lire dans Le Monde.
Comme l’a précisé Charles Michel, le président du Conseil européen : « Il n’y a pas de temps à perdre ». La prochaine rencontre du Conseil européen est prévue les 20 et 21 octobre, les vingt-sept seront-ils en mesure de prendre une décision commune, ou alors chacun devra faire cavalier seul face à cette crise énergétique ?
Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire
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