L’histoire d’un des dix plus grands avocats de Chine
Gao Zhisheng, avocat chinois au parcours exceptionnel, a eu la chance d’être désigné comme « un des dix plus grands avocats de Chine » par le ministère de la Justice en Chine, qui lui reconnaissait un succès incroyable et qui, sans nul doute, souhaitait en profiter au passage pour vendre au peuple une petite dose de rêve chinois comme tout gouvernement sait le faire.
Le rêve chinois
Excessivement pauvres, sans éducation, devant faire face à la misère, à l’angoisse permanente d’un ventre vide et à l’épuisement physique, Gao Zhisheng, ainsi que ses parents et ses frères et sœur, ont traversé des épreuves que seules la rigueur morale et l’abnégation du cercle familial ont rendu possible.
Ses parents ne pouvant pas lui offrir l’école secondaire, il suit les cours dehors, assis près de la fenêtre. N'ayant pas assez d’argent pour payer ses études supérieures, il travaille durant la journée et étudie la nuit. Et bien que très peu de places soient octroyées à l’université, peu importe, il redouble d'efforts et arrive premier de sa promotion. Les honneurs et les félicitations pleuvent, le Parti lui ouvre les portes, et le ministère de la justice le félicite solennellement.
Comme on est loin des chambres de torture du Parti dans lesquelles Gao Zhisheng a peut-être terminé sa vie !
Les enlèvements auxquels a dû faire face Gao Zhisheng
Plusieurs fois enlevé par la police secrète du Parti et emmené vers des destinations inconnues, il est porté « disparu » depuis exactement quatre ans, ce 13 août, une durée tellement longue que beaucoup, notamment sa femme et sa fille, réfugiées aux États-Unis, pensent qu’il n’est plus vivant.
Les Chinois sont familiers avec ces « disparitions » : il n’y a aucun procès, aucune communication auprès des familles, tout étant fait de façon illégale, le domicile de la famille est passé au crible, voire saccagé, les biens confisqués, les membres de la famille et les collègues de travail physiquement ou moralement brutalisés et suivis ostensiblement partout où ils vont. Ainsi chacun saura qu’il ne faut plus entrer en contact avec cette famille. Bref, c’est un enfer digne des pires dystopies.
Dans son deuxième livre, Unwavering Convictions, titre de la traduction anglaise, (Des convictions inébranlables) et qui n’est pas encore traduit en français, Gao Zhisheng raconte les tortures qu’il a subies.
« Cette chambre de torture m’a laissé des souvenirs indélébiles dont j’ai été incapable de me protéger pendant des années. Ils se répétaient devant mes yeux dès que les lumières s’éteignaient, où que j’aille et quand je me couchais. On entend toujours dire qu’un héros est fort et vaillant face à la torture, qu’il a refusé d’émettre le moindre son, mais à mon avis, c’est tout à fait faux et impossible. Je suis sûr que mes cris ont fait dresser les cheveux de ceux qui les ont entendus et qu’ils étaient audibles jusqu'à cinq ou six étages dans les deux sens. Je n’avais jamais entendu auparavant le genre de bruits que je faisais alors, qui sortaient de moi de leur propre volonté et hors de mon contrôle. Au cours de ces trois séances de torture, j’ai appris qu’en général, le troisième jour, on entend une sorte de gémissement qui est en réalité produit par soi-même. »
Car Gao Zhisheng a préféré souffrir plutôt que renoncer à sa conscience. Il ne fait pas de politique et n’a que faire des honneurs du Parti communiste. Ce qui l’habite, c’est la soif de justice pour son peuple.
La conscience de la Chine
Dans son dernier livre, cité plus haut, Gao Zhisheng écrit : « Le chemin de la modernisation politique de la Chine est rempli du sang et des larmes de nos ancêtres et les enlèvements violents, la torture et l’emprisonnement restent la toile de fond de ce chemin, même aujourd’hui ».
Il ajoute un peu plus loin : « Mon expérience n’est qu’une partie de la souffrance infinie de la race chinoise, sous l’un des régimes les plus cruels de l’histoire de l’humanité. »
Gao Zhisheng veut en finir avec la souffrance du peuple chinois et veut que le régime communiste rende des comptes pour tout le mal et la souffrance qu’il lui a infligée.
Gao Zhisheng voit dans la persécution que subissent les pratiquants de Falun Gong en Chine, une méthode d’origine bouddhiste, l’épitome même de l’injustice et de la cruauté barbare du régime. Composé de gens de tous horizons, apolitique, et prenant pour préceptes de vie Authenticité, Bienveillance et Tolérance, le groupe spirituel a été victime de son succès et a suscité l’ire et la jalousie des gros magnats du Parti. Pourtant, tout comme Gao Zhisheng, le Falun Gong a été salué par les officiels de l’époque comme étant une très bonne pratique. Mais en Chine communiste, le bien ne pèse pas lourd face aux intérêts du Parti.
Gao Zhisheng n’est pas pratiquant du Falun Gong, mais il voit l’horreur de cette injustice et ne s’y résout pas. Une fois libéré d’un de ses enlèvements et après avoir accepté de ne pas entrer en contact avec la presse étrangère et même de remercier publiquement le Parti pour sa compréhension et ses bons traitements (!) Gao Zhisheng a persisté : il a rencontré des avocats internationaux et a tout raconté. Il a écrit aux officiels du Parti pour dénoncer son arrestation illégale et arbitraire. Il a aussi publié des lettres ouvertes au gouvernement, dans lesquelles il continuait de dénoncer la persécution des membres du Falun Gong. À bout de nerf, le PCC a paniqué et orchestré de nouveaux enlèvements et de nouvelles séances secrètes de torture.
C’est cette conviction profonde à défendre les pratiquants du Falun Gong, (que le PCC a décidé de cibler jusqu’à l’extermination, obligeant les Chinois à s’en distancer sous peine d’être eux-mêmes la cible des persécutions), qui a coûté à Gao Zhisheng sa place confortable au sein de l’élite.
La Chine de demain
Le monde est sans nouvelles de Gao Zhisheng depuis maintenant quatre ans. Alors même qu’il a été nominé au prix Nobel de la paix plusieurs fois et jouit d’une solide réputation à l’international, aucune information du Parti communiste chinois n’a été publiée. Les plus grandes ONG dont Amnesty International demandent elles aussi des explications, en vain. Pire, les pressions et mauvais traitements qu’ont subi les membres de sa famille restés en Chine ont été d’une telle intensité que la sœur aînée de Gao Zhisheng a préféré se donner la mort que de continuer à vivre ainsi.
Comme le dit Edward McMillan-Scott, ancien vice-président du Parlement européen, dans le préambule qu’il a rédigé dans le dernier livre de Gao Zhisheng : « Gao Zhisheng sera inévitablement une voix clé dans l’avenir démocratique de la Chine, le pays le plus peuplé du monde, qui est toujours dirigé par le régime le plus meurtrier de l’histoire ».
Que Gao Zhisheng soit toujours en vie ou non, il semble que cette phrase sera éternellement vraie, tant il est vrai que les héros de la Chine traditionnelle ne meurent jamais vraiment dans le cœur des Chinois.
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