Les détaillants quittent le quartier commerçant de luxe durement touché par une baisse de la fréquentation due à la pandémie et par une vague de cambriolages et de vols dans les magasins. (Image : wikimedia / Keashif / CC BY-SA 4.0)
Un certain nombre de détaillants américains sont confrontés à une recrudescence de vols et de violences dans les commerces de détail. Des bandes de voleurs se rendent sur un site pour le dépouiller de ses marchandises, laissant les magasins en désordre et les employés inquiets pour leur sécurité. Le problème s’est étendu à l’ensemble du pays, touchant de nombreuses villes, et incitant certains détaillants à abandonner purement et simplement leurs magasins, laissant les communautés dans l’embarras.
Selon un rapport publié par la National Retail Federation (NRF) début avril, « les vols à l’étalage et les vols de détail ont atteint un niveau épidémique. Le vol à l’étalage n’est plus un acte invisible de dissimulation de marchandises, des escrocs effrontés volent ouvertement les détaillants nationaux et les entreprises locales ».
La NRF estime que la « démarque inconnue » un terme utilisé dans l’industrie pour décrire le vol au détail a coûté 94,5 milliards de dollars de pertes aux entreprises américaines en 2021 et que les incidents liés à la criminalité organisée dans le commerce de détail ont augmenté de 26,5 % au cours de la même période, selon l’enquête 2022 de la NRF sur la sécurité dans le commerce de détail.
En décembre dernier, le PDG de Walmart, Doug McMillon, a averti que les vols étaient en forte hausse et que si la situation ne ralentissait pas, il faudrait envisager la fermeture des magasins.
Par la suite, le détaillant a décidé la fermeture de 17 de ses magasins dans neuf États et, plus récemment, celle de la moitié de ses magasins de Chicago qui perdaient des dizaines de millions chaque année.
Les fermetures de Chicago interviennent quelques semaines après que Walmart a décidé de fermer deux autres magasins à Portland, dans l’Oregon, en raison de pertes importantes.
Target, une entreprise de grande distribution, a récemment révélé qu’elle avait perdu 400 millions de dollars de bénéfices en novembre dernier en raison du vol de marchandises par des bandes organisées et des voleurs à l’étalage, et le directeur financier de la société prévoit que les vols dans ses magasins atteindront 600 millions de dollars d’ici à la fin de l’année.
La société a annoncé qu’elle fermerait quatre magasins dans trois villes au cours des prochains mois.
La fermeture de cent vingt-cinq magasins au cours des trois prochaines années
Macy’s, enseigne incontournable des centres commerciaux américains, prévoit de fermer 125 magasins au cours des trois prochaines années, en raison de la montée en flèche du crime organisé et de l’effondrement des bénéfices. Son PDG, Jeff Gennette, affirme que la société connaît une augmentation des vols dans tous ses magasins. « Ce sont des niveaux de criminalité que nous n’avions jamais vus auparavant », a-t-il déclaré selon le Daily Mail.
Corrie Barry, PDG de Best Buy, affirme que des bandes de voleurs saccagent les magasins, dérobant des produits de grande valeur pour les revendre à des prix réduits.
« C’est traumatisant pour nos associés et c’est inacceptable », a-t-il déclaré au Daily Mail, ajoutant : « nous faisons tout ce que nous pouvons pour essayer de créer un environnement aussi sûr que possible ».
Best Buy a l’intention de fermer 20 magasins à grande surface cette année et 20 autres chaque année par la suite.
Des réseaux criminels très organisés et structurés
Jake Stauch, directeur des produits pour Verkada, une société de sécurité, a déclaré à Business Insider qu’une partie des délits constatés sont le fait de « réseaux criminels très organisés et structurés, souvent impliqués dans d’autres délits… Le trafic d’êtres humains en est un, où dans de nombreux cas, ils travaillent avec des individus qui font passer la frontière à des immigrants, et afin de payer leurs frais de passage de la frontière, ils les utilisent pour voler des marchandises ».
Ces crimes mettent en danger les travailleurs du commerce de détail, certains y laissant leur vie.
Au début du mois de décembre de l’année dernière, un employé de Home Depot âgé de 83 ans est décédé quelques semaines après qu’un voleur présumé l’a poussé au sol alors qu’il tentait de s’enfuir et, l’année dernière, un employé de Rite Aid de Los Angeles a été tué après avoir tenté d’empêcher un voleur à l’étalage de quitter le magasin.
Corie Barry, PDG de Best Buy, a déclaré en novembre dernier lors d’une conférence téléphonique sur les résultats du troisième trimestre : « il s’agit d’un problème réel qui blesse et effraie les gens ». « Nous prenons un certain nombre de mesures pour protéger notre personnel et nos clients, mais vous pouvez voir cette pression dans nos résultats financiers ». « Donc, plus important encore, franchement, vous pouvez voir cette pression chez nos associés. Cette situation est traumatisante pour nos collaborateurs et inacceptable. »
Best Buy à Santa Rosa en Californie. Corrie Barry, le PDG de l’entreprise a déclaré que les vols et les violences endémiques dans de nombreux magasins sont un « véritable problème » et « traumatisants pour nos associés et inacceptables ». (Image : wikimedia / Missvain / CC BY 4.0)
Le commerce électronique en partie responsable
Les chefs d’entreprise pointent du doigt l’essor du commerce électronique, qui alimente en partie l’épidémie.
Dans de nombreux cas, les marchandises volées se retrouvent en vente sur des plateformes de commerce électronique, mêlées à des vendeurs tiers légitimes.
Scott Glenn, vice-président de Home Depot chargé de la protection des actifs, a déclaré l’année dernière à Insider: « il y a des années, il y avait eBay, et c’était tout. Aujourd’hui, il existe probablement 80 revendeurs en ligne de grande envergure, et tous n’ont pas le même niveau de contrôle et de vérification ».
Selon la Retail Industry Leaders Association, le produit de ces ventes de plateformes a été associé à des entreprises criminelles impliquées dans des activités allant du trafic de drogue à la traite des êtres humains.
Lors d’une conversation avec NBC Nightly News,Tarick Sheppard, le président de la Metro Organized Retail Crime Alliance et capitaine de la police de New York, a déclaré : « cet argent est utilisé pour acheter des armes, cet argent est utilisé pour faire la même chose que l’argent des stupéfiants ».
Une loi pour informer les consommateurs
Les détaillants constatent que les efforts déployés au niveau des magasins pour décourager les vols, comme les coffres-forts avec serrure à retardement et la mise sous clé des marchandises, ne permettent pas de limiter les pertes et font pression pour que le gouvernement fédéral prenne des mesures de répression contre le trafic de marchandises en ligne, dans l’espoir de faire baisser le taux de vols.
Des groupes industriels et des dizaines de détaillants, dont Amazon, Home Depot, Lowe’s, Walmart, Target et Walgreens, ont adressé une lettre au Congrès en octobre dernier, lui demandant d’adopter une loi qui obligerait les plateformes de vente en ligne à vérifier l’identité des vendeurs tiers qui vendent de gros volumes de marchandises.
Un projet de loi, baptisé INFORM Consumers Act, a été adopté par la Chambre des représentants des États-Unis en novembre 2022 et devrait entrer en vigueur le 27 juin de cette année.
Cette loi concerne les vendeurs tiers à fort volume qui ont effectué au moins 200 ventes discrètes au cours d’une période de 12 mois pour un montant de 5 000 dollars ou plus.
Elle oblige les détaillants en ligne à authentifier les vendeurs en « collectant leur carte d’identité émise par le gouvernement, leur numéro d’identification fiscale, leur numéro de compte bancaire et leurs coordonnées dans les 10 jours suivant le moment où le vendeur a atteint les seuils de revenus et de transactions qui le qualifient de vendeur à grand volume », explique The National Law Review.
La loi permet aux autorités de suspendre les comptes des vendeurs qui ne se conforment pas aux demandes d’information ou de divulgation, de veiller à ce que les vendeurs présents sur les places de marché en ligne divulguent leurs coordonnées et leurs informations d’identité aux consommateurs et de « fournir des mécanismes de signalement clairs et visibles permettant aux consommateurs de signaler toute activité suspecte des marchés ».
