Liberty Times de Taïwan a récemment interviewé Yu Maochun. Ce dernier a porté une analyse sur la nature du régime du Parti communiste chinois (PCC), la situation en Ukraine et en Russie, et les leçons à en tirer pour la situation dans le détroit de Taïwan. Il révèle les relations ambiguës entre l’Ukraine et le Parti communiste chinois.
L’Ukraine et le Parti communiste chinois entretiennent des relations ambiguës depuis des décennies
Yu Maochun, qui a été conseiller en chef sur la politique chinoise au bureau de planification politique du secrétaire d’État américain, pendant l’administration Trump, estime qu’il y a des leçons à tirer de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il a précisé que l’Ukraine au cours des dernières décennies, a essayé d’adopter une voie médiane, sans choisir une position claire. Elle a voulu tantôt être proche de la Russie, tantôt être proche de l’Europe occidentale : tout en se rapprochant de la Chine pour bénéficier de sa protection, voire bénéficier de l’avancée nucléaire du régime communiste chinois.
Dans son interview, Yu Maochun avance aussi qu’en 2013, le président ukrainien Viktor Ianoukovytch était confronté à la crise de la démission. Il s’est rendu à Pékin pour signer un traité d’amitié et de coopération avec le PCC. Il a pu établir un partenariat stratégique dans le cadre duquel le PCC fournirait à l’Ukraine un parapluie nucléaire. C’est-à-dire, qu’en cas de frappe nucléaire et de menace nucléaire contre l’Ukraine par un pays tiers, le PCC fournirait une protection nucléaire dans le cadre du traité. Ce traité visait exclusivement la Russie. Poutine en réponse a annexé la Crimée quelques mois plus tard.
L’Ukraine entretient des relations ambiguës avec le PCC depuis des décennies. Il convient également de retenir que l’Ukraine a envoyé au PCC un grand nombre de produits militaires de conception et de fabrication russes. Ces produits allaient des porte-avions et navires de guerre amphibies aux moteurs de bombardiers lourds : le tout à un coût faible ou nul pour le PCC, a précisé Yu Maochun.
La Chine et la Russie n’ont pas vraiment formé une alliance militaire
Yu Maochun a également confirmé que la déclaration commune publiée par la Chine et la Russie, lors des Jeux olympiques d’hiver, était en fait vide. Ainsi, la Chine et la Russie n’ont pas réellement formé une alliance militaire. La Russie et la Chine sont toutes deux opposées aux États-Unis et à l’OTAN, mais sous des angles différents. La Russie se sent menacée non seulement par l’Ukraine ou l’Europe, mais aussi à l’est, au Kazakhstan, en Sibérie, en Asie centrale, etc. La véritable menace pour cette région n’est pas les États-Unis, le Royaume-Uni ou le Japon, mais la Chine, et la Russie le voit très clairement.
Yu Maochun pense que Poutine est très astucieux. Il vend des armes sophistiquées à la Chine, tout en veillant à ce que les mêmes produits ou des armes plus avancées soient vendues à ses rivaux communistes : en particulier le Viêtnam et l’Inde. Poutine ne prend pas position dans la mer de Chine méridionale, et ne choisit pas exactement son camp dans le conflit du Diaoyutai et d’autres différends territoriaux. Mais il marche sur une corde raide.
La Chine, de son côté, se plie à Poutine jusqu’au bout, a-t-il avancé. Les deux pays ont déclaré qu’ils n’avaient pas d’intérêts substantiels et significatifs. Il ne faut pas seulement s’attarder sur ce qui est dit dans la déclaration, mais aussi sur ce qui devrait être dit, et qui ne l’est pas. Il suffit de regarder les traités passés entre Pékin et Moscou, signés avec le serment que l’amitié sino-russe serait éternelle : ils n’étaient que des mots vides de sens.
Par exemple, Poutine et Hu Jintao ont signé un traité sur le gaz d’une valeur de 400 milliards de dollars qui semble ne pas avoir abouti. L’Organisation de coopération de Shanghai, promue par les deux pays, est en fait un piège pour Pékin qui souhaite faire entrer dans sa sphère d’influence les pays d’Asie centrale qui étaient au pouvoir à l’époque soviétique. En résumé, selon Yu Maochun, la Chine et la Russie ont des conflits stratégiques distincts.
« L’Ukraine, longtemps excessivement pro-chinoise, a finalement été trahie par le Parti communiste chinois »
Dans un article d’opinion, le fondateur du GoldenRock Think Tank, Wu Yijun, a publié son analyse de la situation. Il a précisé que l’invasion éclair de l’Ukraine par la Russie a entraîné la condamnation et les sanctions de l’Europe et des États-Unis. Le PCC qui cultive depuis longtemps des relations avec l’Ukraine, et qui se dit être un frère de la Russie, se trouve placé face à un dilemme.
À l’époque où l’Ukraine est devenue un État indépendant de l’Union soviétique, malgré ses relations étroites avec la Russie, toutes les difficultés n’ont pas été aplanies. Après l’annexion de la Crimée, la péninsule méridionale de l’Ukraine, par la Russie en 2014, l’Ukraine a voulu accélérer le processus pour se débarrasser de la menace de la puissance russe. De plus elle convoitait les intérêts de l’immense marché commercial de la Chine, et voulait renforcer ses relations avec le PCC.
L’Ukraine a établi des relations diplomatiques avec la Chine en 1992. En 1998, la Chine a acheté à l’Ukraine le Varyag, le prédécesseur du porte-avions Liaoning. Depuis plus de deux décennies, la Chine est le principal acheteur de technologie et de fabrication militaires de l’Ukraine, ce qui permet au trésor ukrainien et à certains politiciens de gagner beaucoup d’argent grâce aux armes. Les ventes bon marché de technologie militaire de l’Ukraine ont contribué à promouvoir la mise à niveau de la technologie militaire de la Chine, faisant de la coopération entre les deux pays une situation qui peut être qualifiée de « gagnant-gagnant ».
La Chine devient le premier partenaire commercial de l’Ukraine
En 2020, la Chine a dépassé la Pologne, l’Allemagne et la Russie pour devenir le premier partenaire commercial de l’Ukraine et le deuxième importateur de céréales. L’Ukraine deviendra l’un des premiers pays d’Europe à rejoindre la « nouvelle route de la soie ».
L’acquisition de Motor Sich, un important fabricant ukrainien de moteurs d’avion, par l’entreprise publique chinoise Beijing Tianjiao Aviation en 2021 était presque une affaire réglée, car il s’agissait d’une technologie haut de gamme sensible pour la défense qui renforcerait les forces aériennes du PCC. Mais, des politiciens ukrainiens et l’ancien président américain Trump ont mis en garde contre cette opération. L’acquisition de Motor Sich n’a pas eu lieu et cette dernière est devenue une propriété de l’État. L’Ukraine a eu alors besoin du soutien des États-Unis et de l’OTAN pour contrer la menace russe et faire face à la réaction de Pékin.Toutefois, elle est restée active dans la signature d’accords de coopération pour le développement des infrastructures avec la Chine.
La Chine est un important bailleur de fonds pour les infrastructures ukrainiennes. En juin de l’année dernière (2021), le sous-secrétaire à l’économie et au commerce de l’Ukraine, Taras Kachka, a rencontré le PCC, lors d’une réunion sur la coopération agricole et a salué la Chine comme « le plus important partenaire stratégique de l’Ukraine en Asie ». Le même mois, les deux pays ont signé un document dans lequel la Chine accepte de fournir à l’Ukraine des « prêts préférentiels à faible taux d’intérêt » pour « aider » au développement des infrastructures, notamment les aéroports, les routes, les chemins de fer et les ports, dans un effort continu pour promouvoir la coopération économique et commerciale.
Tirer une leçon de ce qui s’est passé en Ukraine et comprendre la vraie nature du Parti communiste chinois
Selon Voice of America, en juillet 2021, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son parti, le Parti des serviteurs du peuple, ont non seulement félicité le PCC à l’occasion de son centenaire, mais le chef du groupe parlementaire du parti a accordé une interview aux médias chinois, déclarant que l’Ukraine devrait tirer des enseignements de l’expérience de la Chine en matière de développement économique. Il a souligné que le parti et le PCC partagent une philosophie commune consistant à « servir le peuple ».
Ces remarques pro-communistes ont été activement utilisées par la machine de propagande chinoise, ce qui a conduit de nombreuses opinions publiques anticommunistes ukrainiens à critiquer le « Parti des serviteurs du peuple » pour être devenu un serviteur du PCC.
Depuis le conflit russo-ukrainien et même la guerre, de nombreux politiciens pro-communistes de l’Unité rouge à Taïwan jubilent en disant que Taïwan devrait tirer une leçon de ce qui s’est passé en Ukraine. Car le régime ukrainien, qui comprenait mal la nature du PCC et était avide d’intérêts chinois, a finalement été trahi et piétiné par le PCC. N’est-ce pas une leçon douloureuse que Taïwan, voire le monde, devrait assimiler ?
Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire
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