Fu Zhenghua, l’ancien ministre chinois de la Justice, qui a fait l’objet d’une enquête pour corruption le 2 octobre, avait un passé lourd d’atteintes aux droits humains. Il semble également qu’il ait sapé l’autorité du dirigeant chinois Xi Jinping, ce qui a conduit à sa chute.
Fu Zhenghua fait face au même sort que des centaines de hauts responsables de l’appareil de sécurité de l’État qui ont été éliminés depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping il y a près de neuf ans.
Au cours de sa longue carrière de responsable du Bureau de la sécurité publique, Fu Zhenghua a orchestré la « répression 709 » à l’encontre des avocats chinois spécialisés dans les droits humains, ainsi nommée en raison des arrestations massives qui ont débuté le 9 juillet 2015. La même année, Fu Zhenghua a également pris la tête du Bureau 610, un organe extralégal du Parti communiste chinois (PCC), mis en place pour coordonner les moyens de la police et de la propagande dans la répression du Falun Gong, une discipline spirituelle devenue populaire en Chine.
La chute de Fu Zhenghua a donné lieu à un curieux phénomène : de nombreux responsables du PCC, ainsi que des militants des droits de l’homme ont approuvé l’enquête sur Fu Zhenghua. Des messages sur WeChat ont indiqué que le nombre de personnes se réjouissant du sort de Fu Zhenghua dépassait celui des personnes célébrant le 1er octobre, jour de la fête nationale de la Chine communiste.
Mobilisation de 4 000 officiers pour dénoncer Xi Jinping
Selon certains experts, Fu Zhenghua aurait joué un rôle dans la mort de l’écologiste pékinois Lei Yang, violemment passé à tabac par cinq policiers lors de sa garde à vue le 7 mai 2016.
L’incident a suscité un tel émoi dans l’opinion publique que Xi Jinping a personnellement ordonné un « traitement équitable et juste » de l’affaire, comme l’a rapporté le quotidien de langue chinoise The Epoch Times.
Les procureurs de Pékin avaient décidé à l’époque de ne pas inculper les cinq policiers prétendument impliqués dans la mort de Lei Yang. Bien que Xi Jinping ait donné des instructions explicites sur l’affaire Lei Yang et que les cinq officiers incriminés aient été par la suite arrêtés par le Parquet municipal de Pékin, le Bureau de la sécurité publique de Pékin a fait obstruction à la progression de la justice.
Plus de 4 000 officiers du bureau ont signé une lettre commune dans laquelle ils menaçaient de démissionner si les cinq policiers étaient jugés, obligeant les autorités à classer l’affaire.
Les experts ont déclaré que la direction de Xi Jinping avait lancé une enquête sur l’appareil de sécurité publique à la suite de l’incident. Trois mois après la mort de Lei Yang, en août 2016, Fu Zhenghua a été démis de ses fonctions au sein de la Commission des affaires politiques et juridiques du PCC, bien qu’il ait conservé ses fonctions au sein du gouvernement civil.
Le cerveau de la « répression 709 »
En tant que vice-ministre de la sécurité publique de l’époque, Fu Zhenghua a joué le rôle principal dans les arrestations massives, le 9 juillet 2015, d’avocats spécialisés dans les droits de l’homme, représentant des clients dans des affaires politiquement sensibles.
Au cours de la « répression 709 », au moins sept avocats ont été illégalement condamnés avec des peines allant jusqu’à huit ans d’emprisonnement. Selon Chen Guangcheng, militant des droits de l’homme, aveugle et exilé, résidant aux États-Unis, plus de 200 personnes ont été menacées et convoquées dans la seule province du Shandong d’où il est originaire. Le nombre de personnes ainsi mises en cause à l’échelle nationale dépasse plusieurs milliers.
L’affaire de la « répression 709 » a marqué un tournant majeur pour les avocats en charge de défendre les pétitionnaires, les croyants persécutés et d’autres membres privés de leurs droits dans la société chinoise. Bien que les avocats spécialisés dans les droits de l’homme aient été auparavant confrontés à de nombreux défis au cours de leur profession, une répression aussi flagrante n’avait jamais atteint une telle envergure.
Suite à cette répression, les avocats qui ne se conformaient pas aux exigences politiques du PCC ont été soumis à des pressions de plus en plus manifestes, et nombre d’entre eux ont été radiés du barreau ou placés en détention.
L’affaire de la « répression 709 » a également suscité l’attention au niveau international. Le département d’État américain a condamné les arrestations et a commémoré l’anniversaire.
Le 9 juillet 2021, le secrétaire d’État Antony Blinken a publié une déclaration qualifiant la répression de « campagne d’intimidation et de réduction au silence de ceux qui cherchaient à travailler au sein du système juridique de la RPC pour l’aider à respecter ses obligations et ses engagements en matière de droits de l’homme et à apporter des changements positifs dans leur société ».
Gao Zhisheng, un éminent avocat spécialisé dans la défense des droits humains en Chine et reconnu comme l’un des dix meilleurs avocats de Chine a aussi été persécuté pendant le mandat de Fu Zhenghua. Chrétien, il a pris ouvertement la défense d’autres chrétiens, ainsi que des pratiquants de Falun Gong persécutés et confrontés à la torture, à l’emprisonnement et aux procès en raison de leur foi. Pour cela, Gao Zhisheng et sa famille ont été continuellement harcelés. Gao Zhisheng a été lui-même torturé et menacé de mort.
Un rapport en langue chinoise de Radio Free Asia a désigné Fu Zhenghua comme l’un des principaux responsables de la persécution à l’encontre de Gao Zhisheng.
Jiang Feng, un animateur chinois de YouTube travaillant avec la station de radio en langue chinoise Sound of Hope, a rapporté que Fu Zhenghua avait fabriqué des preuves pour faire arrêter l’artiste Ai Weiwei. Afin d’effrayer Ai Weiwei, ils lui ont montré les vidéos sur la façon dont Gao Zhisheng a été torturé.
Jiang Feng a déclaré : « Nous savons tous que l’avocat Gao Zhisheng est un homme d’une grande intégrité ; pourtant, il a été torturé de la sorte. » Ai Weiwei a avoué avoir fraudé le fisc après avoir visionné la vidéo des tortures infligées à Gao Zhisheng.
Les policiers qui ont torturé Gao Zhisheng dépendaient directement de Fu Zhenghua. À l’époque, Fu Zhenghua aurait dit à l’avocat : « Vous parlez donc au nom du Falun Gong ? » « Nous nous occupons de vous en utilisant les mêmes méthodes que celles que nous utilisons pour traiter les pratiquants de Falun Gong. »
Saper le leadership de Xi Jinping
Nombre des fonctionnaires sanctionnés dans le cadre de la campagne anticorruption de Xi Jinping se distinguent par leurs liens professionnels avec l’ancien chef du PCC, Jiang Zemin, qui exerce une influence considérable en coulisses.
Tous les hauts fonctionnaires du système judiciaire récemment purgés, comme Fu Zhenghua, Sun Lijun, qui a été arrêté le 28 septembre, ou encore Li Dongsheng, le vice-ministre de la Sécurité publique précédemment arrêté, ont tous été directeurs ou vice-directeurs du bureau « 610 », qui a été créé par Jiang Zemin le 10 juin 1999, quelques semaines avant le début de la persécution du Falun Gong.
Bien qu’il ait quitté ses fonctions au début des années 2000, Jiang Zemin a conservé une grande influence au sein des commissions des affaires politiques et juridiques, du Bureau 610 et d’autres organes, qui comptaient de nombreux alliés.
Lorsque Xi Jinping est arrivé au pouvoir en 2012, sa consolidation du pouvoir et sa campagne de lutte contre la corruption visaient à éliminer l’influence de la faction Jiang Zemin.
SinoInsider, un cabinet de conseil en risques politiques basé à New York, note que plus de 10 anciens hauts responsables du Bureau 610 ont été purgés cette année. Les analystes pensent que cela est dû au fait que Xi Jinping s’attaque à « l’héritage politique négatif » - la persécution du Falun Gong - laissé par Jiang Zemin et ses alliés.
Si cela s’avérait nécessaire, Xi Jinping pourrait arrêter des membres plus importants de la faction Jiang Zemin, y compris Jiang Zemin lui-même, en les tenant pour responsables des violations des droits de l’homme commises à l’encontre des pratiquants de Falun Gong, notamment les prélèvements d’organes forcés en direct.
Rédacteur Fetty Adler
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