Il y a peu, un rapport de l’Institut australien de politique stratégique (ASPI) a révélé que le Parti communiste chinois recueillait des échantillons d’ADN de près de 10 % de sa population masculine afin de créer une énorme base de données ADN.
Les pro-Pékin affirment que cette base de données génétiques permettra à terme de dynamiser les enquêtes criminelles. Néanmoins, certains militants et des scientifiques craignent qu’une telle base de données ne soit en réalité utilisée à mauvais escient, notamment dans le but de renforcer le contrôle de l’État sur les citoyens.
Les préoccupations
La Chine se concentre sur le catalogage des marqueurs STR du chromosome Y, qui peuvent potentiellement être utilisés pour retrouver les membres de la famille d’une personne. Ainsi, si la police dispose de l’échantillon d’ADN d’un homme mais ne sait pas qui il est ou qui sont les membres de sa famille, il lui suffit de comparer le STR spécifique au chromosome Y de l’échantillon avec les informations de la base de données ADN. Tous les membres masculins de sa famille du côté paternel peuvent ainsi être identifiés par la police grâce à cette méthode.
Les services de police de plusieurs pays ont utilisé de telles méthodes de suivi de l’ADN pour attraper de nombreux criminels. Toutefois, la principale inquiétude avec la Chine réside dans le fait que la base de données sera contrôlée par le régime communiste. Normalement, les données ADN collectées au cours des enquêtes sont détruites une fois l’affaire classée. Il est en revanche peu probable que Pékin suive une telle pratique. Au lieu de cela, toutes les données collectées seront stockées indéfiniment pour pouvoir être utilisées par le Parti communiste à tout moment pour protéger ses intérêts.
L’utilisation de la base de données ADN par le régime chinois suscite de nombreuses inquiétudes. (Image : Capture d’écran / YouTube)
Certains scientifiques craignent que la base de données ADN ne soit utilisée pour retrouver les parents des personnes en fuite pour avoir critiqué le régime. Pékin pourrait alors punir les membres de la famille et faire ainsi pression sur ces personnes pour qu’elles sortent de la clandestinité. La Chine pourra également appliquer strictement ses politiques de contrôle des naissances. Les communautés minoritaires comme les Ouïghours, les Tibétains, les Kazakhs, etc., seront confrontées à des difficultés supplémentaires à l’avenir, car le régime pourra surveiller avec précision leur population et appliquer des règles visant à réduire leur nombre.
L’agence de presse Xinhua, soutenue par l’État, a attaqué le rapport de l’ASPI qui analysait la campagne de collecte d’ADN, accusant l’organisation d’être soutenue par des sociétés américaines voulant calomnier la Chine. James Leibold, senior fellow à l’ASPI et co-auteur du rapport, souligne que l’organisation reçoit effectivement des fonds de quelques entreprises américaines et que cela a été rendu public sur son site web. De plus, la recherche a été soumise à un examen par les pairs et est basée sur des faits. Tout ce que le régime chinois doit faire pour réfuter le rapport de l’ASPI est de montrer que les faits énoncés sont de fausses allégations. Or, les médias chinois n’ont rien fait de tel, ce qui revient à dire que ce qui est dit dans le rapport est pour l’essentiel vrai.
L’implication des entreprises
Le rapport souligne que de nombreuses entreprises, tant étrangères que nationales, sont impliquées dans la campagne de collecte d’ADN et pourraient être complices de violations des droits de l’homme. « Les gouvernements étrangers doivent renforcer les contrôles à l’exportation des biotechnologies et de la propriété intellectuelle qui y est liée, ainsi que des données de recherche qui sont vendues ou partagées avec le gouvernement chinois et ses partenaires nationaux publics et privés. Les entreprises chinoises et multinationales doivent faire preuve de vigilance et procéder à des audits indépendants pour s’assurer que leurs produits et procédés d’analyse génétique ne sont pas utilisés de manière à violer les droits humains et civils des citoyens chinois », déclare l’Institut (ASPI).
Le rapport souligne que de nombreuses entreprises, tant étrangères que nationales, participent à la campagne de prélèvement d’ADN. (Image : pexels / CC0 1.0)
Le fabricant américain d’instruments scientifiques Thermo Fisher a été cité comme l’une des principales entreprises participant à la campagne, en fournissant des kits de tests ADN au gouvernement chinois. L’entreprise n’a pas fait de commentaires sur son retrait du marché chinois. Il est possible que l’administration américaine surveille la situation et fasse pression sur la société pour qu’elle cesse de participer à la campagne de collecte d’ADN. En Chine, Microread Genetics et AGCU Scientific sont les principales entreprises impliquées dans le projet.
Rédacteur Camille Lane
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