De récents rapports de médias sud-coréens suggèrent que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a personnellement reconnu les échecs du système de rationnement en Corée du Nord. C’est la première fois que Kim Jong-un fait une telle déclaration en dehors de Pyongyang, la capitale.
Kim Jong-un, dictateur de la Corée du Nord depuis 2011, a même indiqué que la corruption dans les rangs du régime totalitaire exacerbait les problèmes auxquels sont confrontés les communautés locales et les habitants.
Selon un rapport du 28 janvier du journal sud-coréen Chosun Ilbo, du 23 au 24 janvier, Kim Jong-un a tenu une réunion élargie du Politburo du PKW à Myohyangsan, dans le nord du pays. Kim Jong-un a déclaré : « nous ne pouvons pas garantir l’approvisionnement en nourriture de base et en produits de première nécessité à la population dans ses localités. Il s’agit d’une question politique sérieuse que le Parti et le gouvernement ne peuvent éviter ».
Myohyangsan (妙香山), ou mont Myohyang, se trouve au confluent de trois provinces nord-coréennes et revêt une importance culturelle en tant que lieu de naissance légendaire de l’ancien roi coréen Tangun.
Kim Jong-un a mentionné que les économies locales en Corée du Nord sont dans une « situation terrible », soulignant le « grave déséquilibre et l’énorme fossé » entre les différentes parties du pays. Il a appelé à un changement rapide et à la réduction de l’écart de niveau de vie entre les zones urbaines et rurales.
Selon des Nord-Coréens qui se sont confiés au journal Chosun Ilbo, l’édition du 25 janvier du journal d’État nord-coréen Rodong Sinmun a consacré cinq pages, y compris la première page, au discours de Kim Jong-un lors de la « réunion élargie de Myohyangsan du Politburo du Parti des travailleurs ».
Du rationnement au marché noir
Dans son discours, Kim Jong-un a critiqué les responsables du Parti pour s’être dérobés à leurs responsabilités, déclarant que certains départements d’orientation politique et agences économiques avaient faussement prétendu qu’ils étaient « incapables de trouver des possibilités pratiques et révolutionnaires ». Il a également mentionné le rythme inégal du développement industriel dans les comtés et les villes de Corée du Nord, évoquant une attitude « passive » dans la mise en œuvre d’une récente directive politique.
Selon l’agence de presse étatique Korean Central News Agency (KCNA), le « dirigeant suprême Kim Jong-un » a proposé « une politique de développement local 20×10 » lors de la 10ème réunion de la 14ème Assemblée populaire suprême, qui s’est tenue le 15 janvier.
La « politique 20×10 » est présentée comme un plan de construction d’installations industrielles modernisées dans 20 comtés sur une base annuelle. Kim Jong-un a également signé un ordre supplémentaire pour le développement industriel local, et un plan a été formulé pour mobiliser l’armée populaire coréenne (APC) pour aider au travail.
Le personnel de l’APC est régulièrement déployé pour effectuer des travaux pénibles, bien qu’il ne dispose souvent pas des ressources ou des fournitures nécessaires pour le faire efficacement.
En Corée du Nord, la grande majorité des infrastructures modernes, y compris les routes, les logements et l’électrification, sont concentrées à Pyongyang, où réside la classe privilégiée. L’écart de développement entre la capitale et le reste du pays est si important que de nombreux Nord-Coréens appellent leur pays « la République de Pyongyang », comme le rapporte le Chosun Ilbo.
Le discours de Kim Jong-un est révélateur des déficiences de longue date du système de rationnement national de la Corée du Nord.
Fondée en 1945, la Corée du Nord fonctionne selon une économie communiste planifiée, dans laquelle l’État contrôle toutes les activités légales. Le système de rationnement utilisé pour distribuer la nourriture et d’autres produits de première nécessité s’est effondré dans les années 1990, lorsque des centaines de milliers de personnes sont mortes en raison d’une grave famine, connue sous le nom de « Marche ardue ».
Aujourd’hui, au lieu des rations officielles, la plupart des Nord-Coréens fréquentent les marchés noirs pour se procurer de la nourriture et d’autres produits quotidiens. Entre-temps, le gouvernement a adopté une attitude de plus en plus laxiste en matière de répression de ce commerce privé.
En octobre 2005, la Corée du Nord a annoncé la normalisation du système de rationnement alimentaire, mais dans la pratique, la distribution normale n’a été rétablie que dans certaines zones comme Pyongyang. Après la réforme monétaire de novembre 2009, les autorités nord-coréennes ont tenté de reconstruire le réseau de distribution national pour relancer l’économie planifiée, mais elles n’ont distribué que de la nourriture, principalement aux travailleurs urbains et aux membres du Parti.
Une corruption croissante alors que les réserves s’amenuisent
Plusieurs médias extérieurs à la Corée du Nord se sont entretenus avec des sources à l’intérieur du pays isolé au sujet des difficultés de leur vie quotidienne. Selon des habitants de la province de Pyong’an Sud, cités dans un article publié en mars dernier par le quotidien sud-coréen Daily NK, certains responsables locaux n’ont reçu que 60 % des rations promises à leurs communautés au début de l’année 2023.
Actuellement, seuls certains résidents de Pyongyang, les fonctionnaires du KWP et le personnel militaire peuvent s’attendre à recevoir leur ration de nourriture et de fournitures de la part de l’État. Toutefois, ces derniers temps, les difficultés d’approvisionnement ont eu pour conséquence que même ces ménages privilégiés ont dû se contenter de moins. Par exemple, le maïs a remplacé le riz, et la réduction des rations des officiers militaires a plongé leurs familles dans la famine.
Les familles des officiers militaires dépendent généralement du rationnement pour leur subsistance. Lorsqu’elles ont un besoin urgent d’argent, elles peuvent vendre une partie de la nourriture pour subvenir à leurs besoins. Cependant, les récents ralentissements économiques du régime nord-coréen ont conduit les officiers militaires et leurs proches à emprunter de l’argent à leurs voisins ou à se tourner vers d’autres moyens pour s’assurer des revenus.
Dans de nombreux cas, cela a conduit les responsables militaires à ne pas s’acquitter de leurs tâches réelles, ont déclaré les résidents.
Un habitant a raconté au Daily NK une anecdote concernant un officier de la brigade d’artillerie du commandement de la défense de Pyongyang dans le Pyongan du Sud. Sa femme avait contracté la tuberculose, mais il n’avait pas les moyens de payer le traitement, faute de revenus. Désespéré, il a dû emprunter de l’argent et du riz par divers moyens non officiels. Sa situation a été signalée aux autorités supérieures et est devenue un incident.
Ces pressions ont entraîné une augmentation de la corruption chez des officiers militaires autrefois aisés. Certains ont exigé des pots-de-vin de la part du personnel subalterne pour approuver des congés et d’autres avantages, répartissant ainsi les difficultés dans les rangs.
Le programme de missiles de Kim Jong-un suscite un ressentiment croissant chez les citoyens affamés
Sous Kim Jong-un, le régime nord-coréen s’est présenté comme mettant davantage l’accent sur la satisfaction des besoins alimentaires de la population, tout en renforçant son programme d’armement nucléaire.
Alors que Kim Jong-un aurait ordonné aux citoyens ordinaires d’abandonner leurs chiens pour en faire de la viande (considérée comme un mets délicat dans la cuisine coréenne), la colère des citoyens se dirige vers les efforts extravagants du gouvernement pour construire et entretenir son stock de missiles balistiques.
Selon un article du Daily NK daté du 19 avril 2023, des sources de la province du Hamgyong du Nord ont décrit une forte propagande dans la ville portuaire de Chongjin, louant le lancement réussi du missile balistique Hwasong-18 « sous la direction du président Kim Jong-un », démontrant la capacité du régime nord-coréen à effectuer des frappes nucléaires sur des cibles situées à des milliers de kilomètres de distance.
Mais au lieu d’acclamer le gouvernement, de nombreux habitants ont réagi à la propagande par le sarcasme et la dérision, notant que pendant que alors que Kim Jong-un se vante de la réussite des lancements de fusées, des Nord-Coréens ordinaires s’effondrent de faim dans les rues, tandis que d’autres n’ont pas d’eau ou d’électricité en quantité suffisante.
À Chongjin, un homme d’âge moyen se serait évanoui de faim alors qu’il se rendait à son travail en avril dernier, selon les sources. Son cas n’est pas isolé : même les soldats chargés de défendre la Corée du Nord sont visiblement émaciés en raison du manque de nourriture.
« Tout au moins, le gouvernement devrait s’abstenir de construire des missiles tant que la population est affamée », ont déclaré les sources, décrivant le sentiment de la population.
Certains ont rejeté les appels du régime à « se serrer la ceinture » pour assurer la défense de la Corée du Nord, une personne estimant que si seulement 10 % du financement des fusées militaires étaient alloués au public, tous les cas de famine sévère pourraient être évités.
Rédaction Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
Source : Kim Jong Un Publicly Suggests Failure of North Korea’s Rationing System
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