Une nomination qui équivaut à l’entrée de « pyromanes dans les rangs des pompiers »
L’Assemblée générale des Nations Unies a voté le 13 octobre pour élire un nouveau Conseil des droits de l’homme. Quinze pays, dont la Chine, ont été élus pour un mandat de trois ans à partir du 1er janvier 2021. La nouvelle a suscité des réactions et des critiques immédiates de toutes parts. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a publié une déclaration condamnant l’organisation pour « avoir embrassé des régimes autoritaires ». Human Rights Watch a qualifié ce jour de « jour noir » et cette nomination comme étant l’entrée de « pyromanes dans les rangs des pompiers ».
Ce n’est pas la première fois que la Chine et les pays occidentaux s’affrontent sur des questions de droits de l’homme aux Nations unies, car les politiques répressives de Pékin à l’encontre des minorités ethniques telles que les Ouïgours du Xinjiang et la remise en cause des accords de Hong Kong en faveur du principe « un pays, deux systèmes » ont retenu l’attention de la communauté internationale.
Les politiques répressives menées par Pékin sont fortement décriées
Le 7 octobre 2020, Christoph Heusgen, le Représentant permanent de la République d’Allemagne auprès des Nations Unies, s’est exprimé, au nom de 39 pays, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et le Japon.
En parlant de la Chine, Christoph Heusgen, le représentant permanent de la République d’Allemagne auprès des Nations Unies, s’exprimant au nom de 39 pays, a déclaré : « Nous constatons de plus en plus de violations graves des droits de l’homme ». (Image : wikimedia / MFA Bulgaria from България / CC BY 2.0)
Les 39 pays ont fait part de leurs critiques dans la déclaration commune : « En juin 2020, cinquante experts du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont publié conjointement une lettre exprimant leurs vives inquiétudes et appelant la République populaire de Chine à respecter les droits de l’homme. Nous sommes sérieusement aussi anxieux qu’eux. Appeler la Chine à respecter les droits de l’homme, dont les droits des minorités religieuses et ethniques, en particulier au Xinjiang et au Tibet. (…) Au Xinjiang, nous sommes gravement préoccupés par l’immense réseau de camps de " rééducation politique ". Des informations fiables indiquent que plus d’un million de personnes ont été détenues arbitrairement. Nous constatons de plus en plus de violations graves des droits de l’homme. La liberté de religion ou de conviction, la liberté de mouvement, d’association et d’expression sont toutes soumises à des règles strictes. Une surveillance généralisée continue de cibler les Ouïghours et d’autres minorités ethniques de manière disproportionnée, et de plus en plus de rapports font état de travail forcé, de contrôle des naissances et de campagnes de stérilisation ».
« Nous partageons également les préoccupations exprimées par un autre groupe d’experts des Nations unies, selon lesquelles de nombreuses dispositions de la loi de sécurité nationale de Hong Kong sont incompatibles avec les obligations juridiques internationales de la Chine. Nous demandons instamment aux autorités compétentes de garantir les droits protégés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la Déclaration conjointe sino-britannique : notamment la liberté d’expression, de presse et de réunion », est-il mentionné dans la déclaration commune.
Christoph Heusgen a également souligné devant les médias : « Nous appelons la Chine à respecter les droits de l’homme, en particulier les droits des minorités religieuses et ethniques ».
Karen Pierce, ancienne représentante permanente du Royaume-Uni auprès des Nations unies, avait fait une déclaration similaire au nom de 23 pays lors de la session de l’année dernière. (Image : wikimedia / Foreign and Commonwealth Office / CC BY 2.0)
Karen Pierce, ancienne représentante permanente du Royaume-Uni auprès des Nations unies, avait fait une déclaration similaire au nom de 23 pays lors de la session de l’année dernière. Cette année, le nombre de signataires participants est descendu à 39, ce qui a été salué par les organisations de défense des droits de l’homme.
Le Conseil des droits de l’Homme est fortement remis en cause
Sophie Richardson, directrice du bureau Chine de Human Rights Watch, a noté dans son analyse que malgré la réélection de la Chine, son soutien a été nettement moindre que lors de l’élection de 2016. La Chine n’a reçu que 139 voix de soutien cette fois-ci, soit 41 de moins que lors de la dernière élection de 2016. Elle a reçu le plus petit nombre de voix des 15 États membres nouvellement élus. Dans d’autres enceintes des Nations unies, elle a parlé de « l’opposition croissante aux terribles violations des droits de l’homme commises par le gouvernement chinois ».
Hillel Neuer, directeur exécutif de UN Watch basé à Genève, a également déclaré que « élire ces régimes dictatoriaux comme juges des droits de l’homme à l’ONU, est comme autoriser un groupe de pyromanes à rejoindre les pompiers ». « Aujourd’hui est un jour sombre pour les droits de l’homme », a-t-il ajouté avant le vote.
Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a publié une déclaration condamnant l’organisation pour « avoir embrassé des régimes autoritaires ». (Image : wikimedia / United States Department of State / Domaine Public)
Le jour de l’élection, Mike Pompeo a écrit sur Twitter que « l’élection de la Chine, de la Russie et de Cuba, au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, justifie la décision des États-Unis de se retirer du Conseil en 2018 et de protéger et promouvoir les droits de l’homme universels dans d’autres enceintes ». « Lors de la session de l’Assemblée générale des Nations unies de cette année, c’est exactement ce que nous avons fait. Après l’entrée en fonction du président Trump, les États-Unis avaient annoncé leur retrait du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour juin 2018, invoquant l’incapacité de l’organisation à atteindre ses objectifs déclarés ».
Nikki Haley, ancienne représentante permanente des États-Unis aux Nations unies, avait déclaré en 2018 : « Pendant trop longtemps, le Conseil des droits de l’homme a protégé les auteurs de violations des droits de l’homme ». (Image : wikimedia / United States Department of State / Domaine public)
Nikki Haley, représentante permanente des États-Unis aux Nations unies à cette époque, avait déclaré : « Pendant trop longtemps, le Conseil des droits de l’homme a protégé les auteurs de violations des droits de l’homme ». « Regardez les membres du conseil et vous pouvez voir des abus odieux des droits les plus fondamentaux ».
« Avant que cette décision ne soit prise, et après que nous nous soyons retirés, les États-Unis avaient exhorté les États membres de l’ONU à prendre des mesures immédiates pour réformer le Conseil, avant qu’il ne devienne irrémédiablement inapplicable. Malheureusement, ces appels ont été ignorés. Aujourd’hui, l’Assemblée générale des Nations unies a réélu des pays affichant un terrible bilan en matière de droits de l’homme, dont la Chine, la Russie et Cuba. Le Venezuela a été élu en 2019 », a déclaré Mike Pompéo.
Il a réitéré en précisant : « Ces élections ne font que justifier davantage la décision des États-Unis de se retirer et d’utiliser d’autres voies et opportunités pour défendre et promouvoir les droits de l’homme ».
Raphael Glucksmann, membre du Parlement européen, a tweeté après l’élection, s’interrogeant sur l’élection de la Chine et de la Russie au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Il a également critiqué l’ONU pour avoir fermé les yeux. (Image : wikimedia / Harald Krichel / CC BY-SA 4.0)
Raphael Glucksmann, membre du Parlement européen, qui s’était récemment exprimé en France en solidarité avec les Ouïgours du Xinjiang et avait mené une campagne pour attirer l’attention sur les violations des droits de l’homme tels que les « camps de rééducation », a tweeté mercredi, s’interrogeant sur l’élection de la Chine et de la Russie au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Il a également critiqué l’ONU pour avoir fermé les yeux sur la détention arbitraire de millions de personnes au Xinjiang.
L’ambassade officielle de Chine en France a répondu au tweet de Raphaël Grützman, lui demandant de cesser de « causer des problèmes » sur les questions du Xinjiang qui sont liées aux affaires intérieures de la Chine. Le tweet de l’ambassade chinoise précise : « Aucun pays, aucune puissance n’a le droit d’interférer, et toute tentative de s’opposer à la Chine se soldera par un échec ». L’ambassade chinoise a également accusé la déclaration de Raphaël Grützman d’être basée sur des « rumeurs » non vérifiées. En réponse, M. Grützman a répondu, via Twitter, que l’ambassade de Chine n’avait pas le droit de dicter ses conditions en France, et en sa qualité d’élu, il poursuivra le travail que le peuple lui a confié pour défendre les droits de l’homme. Il a également exhorté l’ambassade chinoise à changer de position, notamment en fermant les « camps de rééducation » du Xinjiang et en permettant aux Ouïgours de retrouver leur liberté.
Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a souligné que l’approche adoptée par les autorités chinoises dans les affaires intérieures et mondiales n’a pas été une voie particulièrement productive ni pour la Chine, ni pour les autres pays. (Image : wikimedia / Justin Trudeau – Prime Minister of Canada/ CC BY 3.0)
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, lors de son intervention à l’occasion du 50ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et le Canada, a déclaré que la diplomatie coercitive de Pékin, sa répression sur Hong Kong et la détention de musulmans ouïgours sont contre-productives. Il a souligné que le Canada est préoccupé par les garanties et les questions relatives aux droits de l’homme, comme pour Hong Kong et les Ouïgours, et qu’il continuera à travailler avec ses alliés pour s’assurer que la diplomatie coercitive de la Chine et ses méthodes de détention touchant notamment deux citoyens canadiens, ainsi que des citoyens d’autres pays, ne deviennent pas des tactiques chroniques . Selon lui, l’approche adoptée par les autorités chinoises dans les affaires intérieures et mondiales n’a pas été une voie particulièrement productive pour la Chine, ni pour les autres pays.
Un système de vote basé sur l’équité qui ne peut pas contrer la stratégie de certains États
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU est composé de 47 États membres. Selon le principe de l’équité géographique, sur les 47 sièges : 13 sont attribués à chacun des pays d’Afrique et d’Asie-Pacifique, 6 aux pays d’Europe de l’Est, 8 aux pays d’Amérique latine et aux Caraïbes et 7 aux pays d’Europe occidentale et autres.
La montée rapide de l’influence de Pékin dans les organisations internationales, alors que les idéologies et les valeurs des autorités chinoises sont différentes des valeurs universelles sur lesquelles les Nations unies ont été fondées, continue de susciter l’inquiétude en Occident. (Image : wikimedia / Denelson83, Zscout370 ve Madden / Domaine public)
Les membres sont élus par l’Assemblée générale des Nations unies au scrutin secret. Ils sont élus directement et immédiatement à la majorité des voix exprimées, pour un mandat de trois ans et ne sont pas immédiatement rééligibles après deux mandats consécutifs.
Sur les 15 sièges vacants au Conseil des droits de l’homme pendant la session en cours, 191 pays ont participé au vote mardi, et le nombre minimum de votes requis pour être élu est de 97. Lors du vote final de la journée, la Chine, le Népal, le Pakistan et l’Ouzbékistan ont été élus dans la région Asie-Pacifique. La Chine a obtenu 139 voix, soit une baisse de 22 % par rapport aux 180 voix obtenues en 2016 et de 17 % par rapport aux 167 voix obtenues lors de sa première élection au Conseil des droits de l’homme en 2009, selon les archives.
À noter que sur les 15 agences spécialisées et organes subsidiaires des Nations unies, quatre d’entre elles sont actuellement dirigées par des représentants chinois. En outre, plus d’une douzaine de ces organismes ont un sous-secrétaire général ou un directeur général adjoint originaire de Chine. La montée rapide de l’influence de Pékin dans les organisations internationales, alors que les idéologies et les valeurs des autorités chinoises sont différentes des valeurs universelles sur lesquelles les Nations unies ont été fondées, continue de susciter l’inquiétude en Occident.
Rédacteur Charlotte Clémence
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