Les premières grandes entreprises sont apparues au XVIe siècle. Déjà à l’époque elles devaient servir des intérêts nationaux et la protection du bien commun. Vers la moitié du XIXème siècle, les entreprises se développent et les gouvernements des pays occidentaux créent les premières lois pour protéger les salariés, les consommateurs et les concurrents. Les grands patrons pourvoient aux habitations de leurs employés, parfois aussi à la scolarisation de leurs enfants et aux soins médicaux. On parle de paternalisme et les communistes s’érigent contre ce principe pensant que c’est aux ouvriers d’avoir les moyens de se prendre en charge seuls.
Les très grandes entreprises apparaissent au début du XXème siècle. C’est le début d’une exploitation excessive créant des injustices. Après la crise de 1929, un vaste mouvement vise à protéger les citoyens notamment au travers du NewDeal : « nouvelle donne » en français, lancé par le président Franklin D. Roosevelt en 1934. C'est le nom qu'il donne à sa politique interventionniste mise en place pour lutter contre les effets de la Grande Dépression aux Etats-Unis.
Après la deuxième guerre mondiale deux visions du développement des entreprises se confrontent. L’une soutient que la seule responsabilité des dirigeants est de veiller au profit des actionnaires. L’autre considère que pour qu’une entreprise puisse bénéficier de liberté, elle doit tenir compte du bien-être social et se soumettre à un contrôle extérieur. Depuis 2015, la Harvard Business Review note les meilleurs dirigeants selon une performance globale comprenant l’aspect social, économique et environnemental.
L’ONU est aussi préoccupée par les dérives de certaines grandes entreprises. Suite au travail d’une commission, des principes pour une responsabilité sociale des entreprises (RSE) sont édictés et sont basés sur le volontariat. Cette approche pragmatique délègue à chaque pays le devoir de faire respecter ces règles. Les principes directeurs de l’ONU sont rapidement devenus la norme dans le monde. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) les a appliqués aux multinationales.
Lorsque l’on consulte les sites des multinationales accusées de malversations, tout semble pourtant respecter les directives de la RSE. Mais des ONG et des journalistes se sont rendus sur place et ont pu relever des cas graves de pollution mettant en danger la vie des habitants, de la flore et faune locales. De même qu'une exploitation du personnel proche de l’esclavage ainsi que le travail des enfants.
L'obligation morale qu'une entreprise prenne conscience de son rôle sociétal et environnemental est essentiel pour développer une économie durable et sa prospérité. Cette prise de conscience doit parfois être imposée par des lois contraignantes.
En Suisse, le gouvernement est favorable à un compromis qui n’est pas restrictif. Mais les scandales à répétition ont entraîné une initiative pour des multinationales responsables. Les Suisses votent des lois et peuvent lancer des référendums et des initiatives. En novembre, il sera demandé au peuple suisse de choisir entre le compromis proposé par le gouvernement ou l’initiative permettant de porter en justice les multinationales dont le siège est en Suisse et qui ont délibérément manqué à leurs devoirs envers les populations des pays dans lesquelles elles ont des mines, des entreprises ou vendent des produits.
À Cerro de Pasco au Pérou, l’air et l’eau sont empoisonnés aux métaux lourds. Une mine gigantesque contrôlée par Glencore en est responsable. (Image : Initiative multinationales responsables)
Il existe des nombreux exemples de « pratiques peu scrupuleuses » de certaines multinationales suisses dont plusieurs sont répertoriées sur le site Initiative multinationales responsables. « Syngenta a exporté en Inde 75 tonnes de " Polo ", un insecticide interdit depuis longtemps en raison de ses effets sur la santé et l’environnement. En quelques semaines, dans le Yavatmal, quelques 800 travailleurs agricoles ont été gravement intoxiqués en épandant ces pesticides sur des champs de coton. Plus de vingt d’entre eux sont morts. »
Glencore est au centre de plusieurs scandales, notamment au Pérou. « Sa société minière Volcan fait partie des plus gros producteurs mondiaux de zinc, de plomb et d’argent. Par souci d’économie elle occasionne une pollution extrême et l’espérance de vie des habitants(es) est réduite de cinq ans. 2000 enfants présentent une intoxication chronique aux métaux lourds entraînant anémies, handicaps et paralysies. »
« Glencore exploite un champ pétrolifère à l’extrême sud du Tchad. L’organisation britannique " Raid " a révélé qu’à la suite d’une inondation en septembre 2018, la rivière a été contaminée. Glencore a dit que l’eau de la rivière pouvait encore être consommée sans danger. Les enfants comme les adultes décrivent qu’après s’être lavés dans la rivière, leurs visions s'altèrent et ils souffrent par la suite de douleurs. Certains ont des cloques de plusieurs centimètres sur la peau. Les chèvres, les vaches, les porcs et les moutons meurent soudainement. »
La commission européenne laisse chaque état organiser la mise en
pratique de la protection des individus et de l’environnement face aux
multinationales. (Image : Wikimedia / CCO)
Réactions des pays occidentaux
Ritimo explique qu’en France, depuis 2019, les sociétés qui manqueraient à leurs obligations hors de France verraient leur responsabilité engagée devant un juge français. Elles pourraient être condamnées à réparer les dommages et à indemniser les victimes. Pour cela, il faut prouver que le dommage est directement causé par cette carence, ce qui est extrêmement difficile car les victimes résident le plus souvent dans un pays très éloigné de la France. Les premières actions en justice ont été engagées par des ONG en 2019 (Total en Ouganda, Teleperformance au Mexique, XPO Logistics en France, EDF au Mexique).
Plusieurs autres pays européens ont déjà instauré des lois contraignantes ou sont en train de les créer.
En Chine, beaucoup d’entreprises polluent gravement l’environnement et exploitent les employés. Plusieurs centaines de centres de rééducation font travailler des prisonniers de conscience plus de 16 heures par jour dans des conditions inhumaines. Pourtant les pays occidentaux importent ces produits, se rendant ainsi complices de violations des droits humains. Des ONG s’activent pour dénoncer les abus et se heurtent à la règle de non-ingérence dans un pays souverain. La crise sanitaire du Covid-19 a permis un changement de perception et accélère les transformations des relations internationales.
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.