Le 7 décembre, la Première ministre Giorgia Meloni a annoncé que l’Italie se retirerait de l’initiative chinoise la Ceinture et la Route (Belt and Road Initiative – BRI). Cette décision reflète un scepticisme croissant quant aux avantages du projet et soulève de nouvelles inquiétudes quant à l’influence croissante de la Chine dans des régions telles que l’Asie-Pacifique, l’Europe de l’Est et l’Amérique latine.
La décision de l’Italie, seul pays du Groupe des 7 (G7) à avoir adhéré au projet chinois de plusieurs milliers de milliards de dollars remet en question l’attrait et l’influence de la BRI à l’échelle mondiale. Selon la définition du FMI, les pays du G7 sont les plus grandes puissances économiques du monde et se composent du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis.
« Je pense que nous devrions améliorer notre coopération avec la Chine en matière de commerce et d’économie », a déclaré Giorgia Meloni lors d’une conférence de presse le 7 décembre, rapporte Reuters. « L’outil de la (BRI) n’a pas produit les résultats escomptés », a-t-elle ajouté.
Lancée par le dirigeant chinois Xi Jinping il y a dix ans, la BRI visait à accroître l’influence géopolitique de la Chine en investissant massivement dans les infrastructures sur plusieurs continents. Pourtant, malgré sa grandeur et son ampleur, le projet est de plus en plus critiqué pour ce que ses détracteurs qualifient de « diplomatie du piège de la dette », une stratégie qui, selon les experts, laisse les petits pays accablés par des dettes insoutenables.
La portée ambitieuse de la BRI, telle qu’envisagée par Xi Jinping, était de créer un réseau de chemins de fer, de ports, de centrales électriques et d’autres infrastructures s’étendant de l’Asie du Sud-Est à l’Europe. Toutefois, selon Giorgia Meloni, les résultats réels, en particulier pour l’Italie, n’ont pas répondu aux attentes.
Depuis la signature du protocole d’accord de la BRI en 2019 par Giuseppe Conte, alors Premier ministre italien, le déséquilibre commercial de l’Italie avec la Chine n’a fait que se creuser, les exportations vers la Chine n’augmentant que marginalement et les importations ayant presque doublé. L’accord quinquennal devait être renouvelé en mars 2024.
La critique de Giorgia Meloni à l’égard de la BRI, qu’elle a qualifiée de « grosse erreur » lors de sa campagne électorale, reflète une préoccupation plus large : les avantages économiques de tels accords internationaux doivent être équitables et « ne pas favoriser de manière disproportionnée une seule partie ». Le ministre italien des affaires étrangères, Antonio Tajani, s’est fait l’écho de ce sentiment en déclarant que le projet « n’a pas atteint les résultats escomptés » et a souligné le succès des pays qui ont choisi de ne pas participer à la BRI.
« Les résultats attendus de l’initiative chinoise n’ont pas été atteints et, en fait, les nations qui se sont abstenues de participer ont obtenu de meilleurs résultats », a déclaré Antonio Tajani aux journalistes le 6 décembre, lors d’un événement organisé par l’agence de presse italienne Adnkronos à Rome. Malgré ces remarques, Antonio Tajani a déclaré que la décision de l’Italie de se retirer de l’initiative la Ceinture et la Route « n’aurait pas d’impact négatif » sur ses relations diplomatiques avec la Chine.
Une diplomatie du piège de la dette
Le retrait de l’Italie intervient à un moment où les pays occidentaux, en particulier ceux du G7, présentent des programmes d’infrastructure mondiaux alternatifs pour contrer l’influence de la BRI. Le pivot de l’Italie pourrait signaler une tendance plus large parmi les nations occidentales à réévaluer leur implication dans les initiatives menées par la Chine, en cherchant à équilibrer les opportunités économiques avec la sécurité nationale et les considérations géopolitiques.
« Nous pensons qu’il y a une convergence croissante, tant au G7 qu’à l’OTAN, sur le défi que pose la Chine et sur le besoin, le besoin urgent de consultation et surtout d’alignement entre les principales démocraties de marché du monde pour faire face à certains de ces défis », a déclaré le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, lors du sommet du G7 qui s’est tenu l’année dernière en Allemagne.
La réaction de la Chine à la sortie de l’Italie, même si elle ne le reconnaît pas directement, met en évidence les tensions entourant l’initiative de la ceinture et de la route dans un contexte international. Les commentaires du porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Wang Wenbin, sur l’opposition aux tentatives de « diffamation et de sabotage de la coopération dans le cadre de l’initiative " la Ceinture et la Route " » montrent que Pékin est sensible à l’évolution des perceptions à l’égard de son projet phare.
Une dynamique changeante
Au cœur de la décision de l’Italie se trouve un récit plus profond sur l’évolution de la dynamique des relations internationales, notent les experts. La BRI, autrefois saluée par Xi Jinping comme « un projet du siècle », est de plus en plus perçue avec scepticisme, comme en témoigne la situation de pays tels que le Sri Lanka, qui a dû céder des actifs stratégiques à la Chine en raison d’une dette insoutenable.
Selon un rapport du Council on Foreign Relations italien, la décision du pays de rejoindre la BRI en 2019 était initialement motivée par le « désir d’attirer des investissements et d’élargir son accès au marché » chinois. Toutefois, les avantages économiques escomptés ne se sont pas concrétisés. Depuis qu’elle a rejoint la BRI, les exportations de l’Italie vers la Chine n’ont augmenté que marginalement, tandis que les exportations chinoises vers l’Italie ont augmenté de manière plus spectaculaire.
Giuliano Noci, directeur de l’université Politecnico di Milano, a en outre souligné que « l’absence d’accords parallèles » qui auraient pu permettre aux produits italiens d’accéder plus facilement au marché chinois n’a jamais été proportionnée dans le cadre du partenariat.
En fait, les investissements chinois dans les pays européens non-membres de la BRI ont dépassé les investissements italiens, ce qui indique que l’adhésion à la BRI ne garantit pas nécessairement un statut spécial avec la Chine en ce qui concerne les opportunités de commerce et d’investissement, a souligné Giuliano Noci.
Le retrait de l’Italie du projet pose ses propres défis, a déclaré Lorenzo Codogno, économiste en chef au ministère italien de l’économie et des finances, au site d’information italien Formiche. « Le défi auquel la Première ministre Giorgia Meloni est confrontée est de savoir comment sortir de la BRI, qui est un outil politique et non économique, tout en maintenant ou en renforçant les liens économiques avec la Chine. »
Rédaction Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
Source : Italy Breaks Ranks With G7, Announces Departure From China’s Belt and Road Initiative
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.