Les migrants qui passent des États-Unis au Canada par des points de passage non officiels reliant les deux pays n’ont pas été découragés par les changements apportés à l’Entente sur le tiers pays sûrs, après la signature des modifications par Joe Biden et Justin Trudeau.
Des modifications pour réglementer et synchroniser la gestion des migrants
Le vendredi 24 mars, le président américain Joe Biden et le Premier ministre canadien Justin Trudeau ont signé les modifications apportées à l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui réglementent et synchronisent les tactiques d’appréhension des migrants.
Toutefois, le lendemain, les journalistes de Reuters ont constaté que le trafic humain autour des différents points de passage non officiels de la frontière terrestre, longue de 6 416 km, n’avait pas diminué de façon notable.
L’accord initial avait été signé en 2002 et était entré en vigueur en 2004. Il prévoyait pour les deux pays un protocole unifié lorsque les migrants entrant dans l’un ou l’autre pays aux sites officiels de passage des frontières devaient être rejetés. Ainsi, les migrants devaient être renvoyés dans le premier pays « sûr » où ils étaient arrivés et y déposer une demande d’asile.
L’effet « involontaire » de cette mesure a été que les réfugiés ont de plus en plus évité les points de contrôle officiels, et ont privilégié des points de passage plus petits et mal surveillés, tels que Roxham Road, qui relie l’État de New York au Québec. Cette stratégie a rendu plus difficile la gestion de la situation par les patrouilles de contrôle des frontières.
Un « programme de création d’emplois pour les passeurs » ?
Auparavant, lorsque les demandeurs d’asile traversaient Roxham Road, ils voulaient se faire prendre par les autorités, car ils savaient que c’était le moyen de déposer une demande de statut de réfugié.
Néanmoins, en vertu des récentes modifications apportées au traité, toute personne traversant l’ensemble de la frontière et déposant une demande d’asile dans un délai de deux semaines sera déboutée. Toutefois, ce délai de deux semaines obligera probablement les migrants à se cacher et rendra encore plus difficile le contrôle mené par les forces de l’ordre aux frontières.
« Il s’agit simplement d’un programme de création d’emplois pour les passeurs », a commenté Audrey Macklin, professeure de droit à l’université de Toronto, à propos de la nouvelle réglementation.
« Cela va détourner les gens vers des modes d’entrée plus dangereux, plus risqués et plus clandestins sur 6 000 kilomètres de frontière », a précisé Audrey Macklin, ajoutant que si l’objectif de ce changement est de décourager les passages irréguliers, « il échouera tout simplement ».
L’objectif déclaré du nouveau pacte était d’alléger la pression…
Le lendemain, samedi après-midi, alors que la neige tombait en bruine sur Roxham Road, le point de passage semblait encore plus fréquenté qu’à l’accoutumée. La route était fermée pour la nuit, mais des dizaines de personnes ont tout de même réussi à passer.
Parmi ces migrants, un couple avec un bébé et un enfant en bas âge, juste après minuit. La police les a placés en garde à vue, et ils ont été avertis de la possibilité d’être expulsés.
Un agent de la patrouille frontalière canadienne a déclaré à Reuters que les forces de l’ordre venaient de commencer à appliquer les nouvelles directives, renvoyant les demandeurs d’asile appréhendés aux États-Unis.
L’objectif déclaré du nouveau pacte était d’alléger la pression sur les communautés à la frontière. Ces communautés sont actuellement submergées par l’afflux de migrants qui utilisent des points d’entrée non officiels comme Roxham Road pour éviter d’être renvoyés aux points de passage officiels.
Cependant, à leur arrivée à la gare routière de Roxham Road samedi matin, les journalistes de Reuters ont découvert une situation proche du chaos total. Des personnes de diverses nationalités, comme le Venezuela, le Pérou, l’Équateur ou Haïti, erraient, se demandant quoi faire et où aller ensuite. L’une d’entre elles a déclaré à Reuters qu’elle avait entendu parler des nouvelles règles dans le bus, une autre n’a été informée du changement qu’à son arrivée.
Une procédure qui reste encore à clarifier
La Gendarmerie royale du Canada (GRC ) du Québec n’a pas répondu immédiatement, ou n’a pas semblé savoir comment répondre, aux questions de l’agence de presse sur le sort des personnes arrêtées à Roxham Road.
Les points d’entrée de la frontière canado-américaine sont gardés par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). En revanche, le reste de la frontière est surveillé par la GRC.
Pour les questions spécifiques concernant les immigrants, les deux agences ont renvoyé au ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui, à son tour, a renvoyé les questions concernant l’application de la loi à l’ASFC et à la GRC, déclarant dans un communiqué que les deux organismes « travailleront ensemble pour maintenir l’intégrité de la frontière du Canada ».
Un Pakistanais de 30 ans, dont le nom n’a pas été divulgué pour des raisons de confidentialité, a déclaré qu’il était venu de New York en taxi. « Je n’ai nulle part où aller », a-t-il dit avant de disparaître dans la nuit, sur le territoire du Canada.
Rédacteur Fetty Adler
Collaborateur Charlotte Clémence
Source : Heavy Traffic at Unofficial US-Canada Border Crossings After Biden and Trudeau Sign Pact
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