Des milliers de Cubains sont descendus dans les rues pour protester contre le régime communiste, exprimant leur mécontentement face aux longues files d’attente et à la hausse des prix, associés à des pénuries de nourriture et de médicaments dans un contexte d’aggravation de la pandémie de Covid-19. Ces manifestations se sont déroulées dans 16 villes, dont la capitale, La Havane.
De nombreux manifestants ont scandé « À bas la dictature », « À bas le communisme », « Qu’ils s’en aillent », « Liberté », etc. Certaines personnes ont arboré des drapeaux américains.
Ces manifestations sont les plus grandes protestations antigouvernementales de l’histoire de Cuba depuis le soulèvement dit « de Maleconazo » en 1994. Le régime communiste au pouvoir est en place depuis 62 ans et a été dirigé jusqu’en 2016 par le révolutionnaire fondateur Fidel Castro, qui est décédé cette même année.
« Nous traversons des moments vraiment difficiles… Nous avons besoin d’un changement de système », a déclaré à Reuters Miranda Lazara, une professeure de danse de 53 ans qui a participé aux manifestations à La Havane. Une autre résidente a expliqué : « Ils protestent contre la crise, qu’il n’y a pas de nourriture ou de médicaments, qu’il faut tout acheter dans les magasins de devises étrangères, et ainsi de suite ».
La pandémie et la crise économique mettent la pression sur le régime cubain
La pandémie de Covid-19 a fait des ravages dans le pays et ne montre aucun signe de ralentissement, le nombre de cas quotidiens ayant augmenté de façon spectaculaire. Le 1er janvier, le nombre de nouveaux cas quotidiens confirmés de Covid-19 était de 193. Ce chiffre était de 6 923 Le 11 juillet , soit une augmentation de 3487 %. Le nombre quotidien de décès au cours de cette période est passé de presque zéro à 47.
Cependant, de nombreux groupes d’opposition affirment que le nombre réel de morts est probablement plus élevé. Les centres de santé publique seraient au bord de l’effondrement. Des vidéos d’hôpitaux submergés sont devenues virales. Ces derniers jours, les internautes cubains ont utilisé le hashtag #SOSCuba, appelant à une intervention humanitaire internationale.
L’économie cubaine a subi une énorme pression, en grande partie due au fait que l’industrie du tourisme, l’une des plus importantes sources de revenus économiques, s’est totalement effondrée depuis la pandémie de coronavirus. Le pays fait face à une pénurie généralisée de médicaments, de nourriture et d’autres produits de base, et les prix sont devenus incontrôlables.
Pavel Vidal, professeur d’économie à l’université Pontificia Javeriana de Cali, en Colombie, estime que les prix pourraient augmenter de 900 % au cours des prochains mois. Le régime communiste au pouvoir a augmenté les salaires au début de l’année, ce qui a également contribué à la flambée des prix. En juin, le gouvernement a temporairement interdit aux banques d’accepter des dépôts en dollars américains.
Les autorités ont restreint l’accès à Internet et bloqué les sites de médias sociaux pour tenter d’endiguer l’étendue des protestations. La prolifération des plateformes de médias sociaux signifie qu’un grand nombre de Cubains sont désormais en mesure de planifier et d’organiser des manifestations, ce que le régime craint. Le gouvernement a accusé les « ennemis de la révolution » d’utiliser les réseaux sociaux pour élaborer des « stratégies de déstabilisation » conformes aux manuels de la CIA.
Dans une interview accordée à l’Associated Press, Ted Henken, expert de l’Amérique latine au Baruch College, City University of New York, a déclaré que la plus grande révolution de la communication dans le pays a eu lieu en décembre 2018, lorsque les Cubains ont eu accès à l’internet mobile. Plus de la moitié de la population a désormais accès à internet. Bien que le blocage ou la censure d’internet soit des tactiques utilisées couramment pour réprimer les dissidents et les militants, Ted Henken pense que le gouvernement ne sera pas en mesure de poursuivre cette politique pendant longtemps.
« Le problème qu’ils ont maintenant, c’est qu’il ne s’agit pas d’une poignée de militants, d’artistes ou de journalistes indépendants, mais d’une grande partie de la population dans tout le pays… Le génie est donc sorti de la bouteille. Ils essaient de le remettre dedans », a-t-il indiqué.
Le président cubain Miguel Diaz-Canel s’en est pris aux manifestants, les qualifiant de « délinquants honteux » qui tentent de « fracturer » la révolution communiste du pays. Il a accusé les manifestations d’être soutenues par les États-Unis, dans le but d’attiser le mécontentement de la population et de renverser le régime communiste. Rogelio olanco Fuentes, un haut responsable du parti qui dirige le département de l’idéologie, a qualifié les manifestations d’effort de Washington pour créer « l’instabilité et le chaos » à Cuba.
Aux États-Unis, des milliers de Cubano-Américains ont participé à un rassemblement à Miami pour soutenir leurs compatriotes restés au pays. Dans une interview accordée à France24, Gianni Leyva, 35 ans, une ancienne militaire Cubano-Américaine, a déclaré qu’elle espérait que le peuple cubain poursuivrait sa lutte contre le gouvernement communiste.
« J’espère que le gouvernement américain permettra aux Cubains d’ici d’aller aider. Nous voulons aider - en tant qu’ancien combattante - et il y a beaucoup d’anciens combattants qui ont servi dans l’armée américaine et qui sont prêts à se battre pour les libertés si on nous le permet », a déclaré Gianni Leyva. Des manifestations ont également eu lieu dans d’autres pays comme l’Argentine, le Chili, l’Espagne, etc.
Positions politiques et techniques
Le 12 juillet, le président Joe Biden a publié un communiqué déclarant que les États-Unis se tenaient aux côtés du peuple cubain qu’il a félicité pour avoir « courageusement affirmé » ses « droits fondamentaux et universels ».
« Ces droits, y compris le droit de protester pacifiquement et le droit de déterminer librement leur propre avenir, doivent être respectés. Les États-Unis appellent le régime cubain à écouter son peuple et à répondre à ses besoins en ce moment vital plutôt que de s’enrichir », indique le communiqué.
Julie Chung, secrétaire adjointe par intérim du Bureau des affaires de l’hémisphère occidental du Département d’État américain, a déclaré dans un tweet que les manifestations pacifiques à Cuba sont liées aux préoccupations de la population concernant « l’augmentation des cas et des décès dus au Covid et la pénurie de médicaments ».
Christian Ziegler, vice-président du parti républicain de Floride, a déclaré que la réponse de Julie Chung était une tentative de déformation des manifestations cubaines, insistant sur le fait que les protestations sont contre le régime communiste. « Les drapeaux américains- Hey Joe - brandis lors des manifestations à Cuba représentent la LIBERTÉ, pas le Covid », a déclaré Christian Ziegler dans un tweet.
Le commentateur politique conservateur Ben Shapiro a tweeté sur ses récents entretiens avec les dirigeants du mouvement dissident cubain et a accusé Joe Biden et les médias grand public de diffuser des mensonges sur les manifestations. « La ligne de conduite des médias grand public et de Joe Biden WH, selon laquelle ce mouvement pour la liberté est uniquement dû au manque de vaccins et aux sanctions américaines, est un mensonge total. Il s’agit de la répression diabolique d’une tyrannie communiste », a déclaré Ben Shapiro dans un tweet.
Le sénateur républicain Marco Rubio de Floride a qualifié le tweet de Julie Chung de « ridicule ». « Les gens de #Cuba protestent contre 62 ans de socialisme, de mensonges, de tyrannie et de misère et n’expriment pas leur inquiétude face à l’augmentation des cas et des décès dus au Covid… Pourquoi est-ce si difficile pour @potus et les gens de son administration de dire cela ? ». a tweeté Marco Rubio.
Dans le même temps, Twitter est également accusé de minimiser l’impact des manifestations cubaines dans sa section Trending, les caractérisant principalement de mouvement de « sensibilisation » à la pandémie de Covid-19.
Dans un autre tweet, Marco Rubio a qualifié l’action de Twitter de « surréaliste mais pas surprenante » et a déclaré que la présentation des protestations par la plateforme « ignore » la façon dont la manifestation porte sur les conséquences désastreuses du socialisme.
Rédacteur Fetty Adler
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