Pékin a demandé au Musée d’Histoire de Nantes, château des Ducs de Bretagne, de falsifier l’histoire de la Mongolie Intérieure
Le 12 octobre dernier, le château des Ducs de Bretagne qui abrite le musée d’Histoire de Nantes a publié une annonce sur Facebook, mettant directement en cause les autorités chinoises pour atteinte à la liberté de choix en ce qui concerne une exposition consacrée à l’histoire de l’Empire mongol, sous prétexte d’utiliser et de développer ses langues et écritures. Le musée a par ailleurs décidé d’annuler l’exposition : « Fils du ciel et des steppes : Gengis Khan et la naissance de l’empire mongol », prévue initialement le 17 octobre 2020.
Ce projet d’exposition sur l’histoire de Gengis Khan et de l’Empire mongol, fait suite à un long travail de partenariat mené depuis plusieurs années entre le musée d’Histoire - château des Ducs de Bretagne, et le musée de Mongolie-Intérieure à Hohhot, en Chine. (Image : Wikimedia / Jibi44 / avec l’aimable autorisation de LP de Nantes / CC BY-SA)
Bien que trouvant cette décision malheureuse, les internautes ont également laissé des commentaires approuvant la « bonne décision » du musée. Ce projet d’exposition sur l’histoire de Gengis Khan et de l’empire mongol, fait suite à un long travail de partenariat mené depuis plusieurs années avec le musée de Mongolie Intérieure à Hohhot, en Chine.
Intervention directe du gouvernement de Pékin
Le gouvernement de Pékin a tenté d’intervenir et l’exposition, qui avait été retardée par l’épidémie de pneumonie de Wuhan, a été annulée, a déclaré le musée dans un communiqué. Elle est reportée au mois d’octobre 2024 et le matériel d’exposition sera fourni par des collectionneurs européens et américains.
Au cours d’une interview, le directeur du Musée d’Histoire de Nantes, Bertrand Guillet, a déclaré que les autorités chinoises avaient tenté d’interférer et demandé que l’histoire soit modifiée : afin d’effacer complètement l’histoire et la culture mongoles, sans mention de Gengis Khan et de ses fils. Les autorités chinoises allant jusqu’à rebaptiser l’exposition en la nommant, « Culture de la steppe chinoise ». Bertrand Guillet a déclaré que c’était moralement et intellectuellement inacceptable.
Bertrand Guillet a de plus révélé que les autorités de Pékin avaient interdit l’utilisation de mots tels que « Genghis Khan », « Empire » et « Mongol » lors des expositions. Ils ont aussi demandé que tous les produits soient examinés, y compris les textes, cartes, catalogues et bulletins. Ainsi, après avoir informé la mairie de Nantes, Bertrand Guillet a pris la décision d’annuler l’exposition, sachant que cette décision risquait de provoquer des protestations de la part des autorités chinoises.
Carte indiquant la localisation de la Mongolie-Intérieure (en rouge) à l’intérieur de la Chine. (Image : Wikimedia / Joowwww / Domaine public)
Un enseignement obligatoire du chinois
Le gouvernement du Parti communiste chinois (PCC) a décidé que l’enseignement de la langue chinoise allait être obligatoire pour les ethnies mongoles. Ainsi, le 26 août, le département de l’éducation de Mongolie-intérieure a publié un document informant qu’à partir de la rentrée scolaire d’automne, les écoles primaires, où les cours sont dispensés dans les langues ethniques de Mongolie-Intérieure, utiliseraient les manuels de langues acceptés au niveau national dès la première année. De plus, au cours des deux prochaines années, les cours de sciences politiques et d’Histoire de la première année de l’école primaire seraient également dispensés en chinois, Pékin affirmant qu’il s’agissait de favoriser une éducation bilingue.
Cette décision des autorités chinoises a rapidement déclenché un mouvement de protestation. Les parents et les étudiants mongols de presque tous les horizons n’ont pas craint la coercition des autorités et de l’école, et ont déployé des efforts concertés pour boycotter l’école. Ce qui a entraîné un nombre sans précédent de désertions dans les campus.
Par la suite, les autorités chinoises ont intensifié leurs tactiques répressives et ont créé un groupe de pilotage spécial pour « maintenir la stabilité » de la réforme de l’éducation. De même, ils ont formulé des plans d’urgence pour surveiller la situation à l’aide de données importantes et de divers tableaux statistiques, ainsi qu’une version écrite du rapport quotidien « Maintien de la stabilité » sur la réforme de l’éducation. Les responsables locaux du PCC ont averti que quiconque s’opposait à l’enseignement du chinois s’opposait au gouvernement et subvertissait le régime. Le gouvernement local a arrêté un grand nombre de Mongols qui s’opposaient à l’enseignement du chinois.
Le 6 septembre dernier, une vague importante de protestations de la part des Mongols de Mongolie-Intérieure, mais aussi de ceux résidant aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Canada, au Japon, en Corée du Sud et en Mongolie extérieure est née. Ces manifestions ont pris place devant les ambassades et les consulats chinois des pays respectifs.
La plus grande mine de terres rares se trouve en Mongolie-Intérieure, à Biyun Obo. (Image : Wikimedia / Planet Labs inc. / CC BY-SA)
Le 24 septembre, l’ancien président mongol, Elbegdorj Tsakhia, a envoyé une lettre au président chinois Xi Jinping, pour protester contre l’injonction de l’enseignement forcé du chinois en Mongolie-Intérieure. L’ambassadeur du PCC en Mongolie, Chai Wenrui. a retourné cette lettre a Elbegdorj Tsakhia, lui précisant que la constitution établie par le gouvernement du PCC, déclarait clairement que « tous les groupes ethniques ont la liberté d’utiliser et de développer leur propre langue ».
Cependant, pour les enfants mongols, de Mongolie intérieure, cette liberté n’est plus respectée par le gouvernement du PCC.
Après le Tibet et le Xinjiang, la Mongolie-Intérieure doit à son tour faire face à une atteinte à sa liberté d’utiliser et de développer sa propre langue. Mais cette répression ne cacherait-elle pas une mainmise sur les terres rares de cette région, comme cela a été le cas pour la spoliation des ressources d’eau au Tibet ?
Rédacteur Charlotte Clémence
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