Selon un nouveau rapport, le Pakistan envisage de payer les importations de pétrole russe en yuans chinois plutôt qu’en pétrodollars américains. Le pays serait prêt à acheter à la Russie cent mille barils sur les cinq cent mille barils journaliers qu’il consomme.
Le ministre fédéral de l’électricité, Khurram Dastgir Khan, a déclaré à Bloomberg dans une interview publiée le 9 mai que le pays avait passé une commande pour une seule cargaison de pétrole russe mais qu’il sollicitait un accord à long terme pour acheter le brut en devise chinois plutôt qu’en dollars.
Khurram Dastgir Khan a déclaré : « nous espérons que si cet accord s’inscrit dans la durée, il deviendra une transaction en roupies et en devises chinoises… Et peut-être que cet échange de devises devra prendre de l’ampleur pour que nous puissions tirer parti d’autres opportunités qui pourraient se présenter ».
Un tel accord profiterait à la Russie
Un tel accord profiterait à la Russie, qui, confrontée à de lourdes sanctions internationales à la suite de son invasion de l’Ukraine en février 2022, éprouve des difficultés à vendre du pétrole brut sur les marchés libellés en dollars américains.
Le gouvernement pakistanais a signé un accord d’échange de devises de 4,5 milliards de dollars avec le gouvernement chinois.
Selon un article de novembre 2022 du journal pakistanais de langue anglaise The Express Tribune, le Pakistan a payé 36,3 milliards de roupies (environ 126 millions de dollars) d’intérêts sur la facilité avec le Parti communiste chinois (PCC) pour l’exercice 2021-2022.
L’article précise que ce chiffre représente une augmentation de 39 % du coût de l’emprunt par rapport à l’année précédente, soit 10,2 milliards de roupies (34,7 millions de dollars) supplémentaires.
Cette facilité datant de 2011 découle d’un accord entre la Banque d’État du Pakistan et la Banque populaire de Chine. Elle a été étendue de 50 % en 2022.
Un porte-parole du ministère de l’énergie a déclaré à Bloomberg que « la première cargaison de pétrole russe arrivera d’ici un mois et qu’elle a été achetée à prix réduit ».
De telles transactions ont eu lieu précédemment. Peu après le début de la guerre, en mars 2022, l’Inde a acheté 3 millions de barils de pétrole brut à la Russie avec une forte décote de 20 % dans le cadre d’une transaction réglée en roupies indiennes, selon un rapport de Vision Times.
« Un canari dans la mine de charbon »
Cependant, pour les commentateurs qui voient dans ces événements le spectre du « canari dans la mine de charbon », une preuve de l’effondrement prochain du pétrodollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale, il est peut-être trop tôt pour crier victoire.
Le 6 mai, le Times of India a rapporté que le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, s’était plaint devant des journalistes à l’extérieur de l’Organisation de coopération de Shanghai, que le pays disposait désormais de plus de roupies indiennes qu’il ne pouvait en dépenser.
Sergei Lavrov a déclaré : « c’est un problème… Nous devons utiliser cet argent. Mais pour cela, ces roupies doivent être transférées dans une autre devise, et c’est ce qui est en train d’être discuté ».
L’article précise que les importations russes en provenance de l’Inde ont diminué de près de 12 % en 2022, tandis que les exportations ont été multipliées par cinq en raison des raffineries qui se sont gavées de pétrole brut russe à prix réduit.
En avril 2022, la gouverneure de la Banque de Russie, Elvira Nabiullina, a déclaré à la Douma d’État que si l’économie était actuellement stable malgré le choc immédiat lié au déclenchement de la guerre, la situation « entre en effet dans une période difficile de changements structurels associés aux sanctions », a rapporté Vision Times.
Elvira Nabiullina a toutefois prévenu que ces « changements » allaient se répercuter et commencer à « affecter de plus en plus les secteurs réels de l’économie ».
Des économies beaucoup plus petites comme celle du Sri Lanka, une île de 22 millions d’habitants située au large de la côte sud-ouest de l’Inde, ont fait l’expérience directe des difficultés créées par l’absence de dollars américains dans les réserves de change du Trésor national.
Les mesures internationales de confinement liées à l’épidémie de Covid-19, incluant le travail à domicile et les restrictions de voyage ont détruit l’économie du tourisme. Le Sri Lanka a rapidement épuisé sa réserve de pétrodollars.
Le pays, qui exporte essentiellement des produits agricoles tels que le thé, dépendait fortement des touristes et des citoyens travaillant à l’étranger pour remplir ses coffres avec les dollars nécessaires à l’approvisionnement du pays en essence, en diesel et en un type unique de gaz de type propane dont la plupart des ménages dépendaient pour la cuisine et le chauffage.
Le gouvernement a été secoué par une crise si importante que des manifestations ont éclaté de toutes parts. Les manifestants ont envahi le palais présidentiel et mis le feu à la résidence du premier ministre en juillet 2022. Un mois plus tôt, en mai, les maisons ou bureaux de 38 politiciens ont été incendiés.
En juillet, dans un contexte de rationnement du carburant, le Sri Lanka a mis en place un système de passeport de crédit social basé sur un code QR afin de contrôler le peu de carburant disponible après que les services et secteurs essentiels aient reçu leur part de ce que le pays était en mesure d’importer.
Le yuan pourrait devenir un moyen de règlement secondaire
Les rumeurs selon lesquelles le yuan pourrait devenir un moyen de règlement secondaire du pétrole dans les marchés émergents par rapport au pétrodollar se sont multipliées depuis mars 2022, date à laquelle l’Arabie saoudite, un producteur majeur qui entretient également des liens étroits avec les États-Unis, aurait envisagé de régler « certaines » ventes de pétrole avec Pékin en yuans.
Le PCC fait pression sur les Saoudiens pour qu’ils acceptent le yuan pour le pétrole depuis au moins 2011. Les rumeurs de mars sont apparues juste un jour après que l’entreprise publique saoudienne Aramco a annoncé un accord pour construire une raffinerie de 10 milliards de dollars dans le nord-est de la Chine, a rapporté Vision Times.
« Aramco possède également la plus grande raffinerie des États-Unis, Motiva, basée à Houston, qui fournit plus de 2 500 emplois et produit plus de 600 000 barils de pétrole par jour », avions-nous déclaré à l’époque.
Business Insider a rapporté que des membres du gouvernement pakistanais ont déclaré qu’ils étaient prêts à importer 100 000 barils de pétrole russe par jour s’ils pouvaient effectuer des transactions en yuans plutôt qu’en dollars.
Selon le cabinet d’analyse de données CEIC, en décembre 2021, le Pakistan, qui compte 231 millions d’habitants, consommera environ 500 000 barils de pétrole par jour.
Rédacteur Fetty Adler
Collaborateur Jo Ann
Source : Pakistan Wants To Circumvent Petrodollar, Paying Yuan For Russian Oil
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