Selon une dépêche de l’AFP à Genève du 8 octobre, le refus du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU) de discuter de la situation en Chine, a miné sa crédibilité et constitue, aux yeux des experts, une « victoire tragique » pour Pékin : une victoire à la Pyrrhus.
La dépêche indique que la publication, le 31 août, d’un rapport très attendu de l’ONU sur la région chinoise du Xinjiang a déclenché une tempête au sein du Conseil, parce qu’il mentionne de possibles crimes contre l’humanité commis par les autorités chinoises à l’encontre des Ouïghours et d’autres minorités.
Ces graves accusations, qui portent le sceau des Nations unies, ont incité les États-Unis et leurs alliés à espérer qu’ils pourraient imposer au Conseil des droits de l’homme des Nations unies un débat sur la question.
La partie chinoise a rejeté catégoriquement ces accusations et s’est montrée très active, tentant d’abord d’empêcher la publication du rapport, puis de le condamner et enfin de persuader le plus grand nombre de pays possible de refuser d’en discuter.
L’AFP rapporte que la partie américaine a choisi une formule moins agressive que la résolution de condamnation pure et simple dans le but de gagner des voix.
Cependant, jeudi, le Conseil de sécurité, composé de 47 membres, a rejeté le projet de débat par une majorité de 19 voix contre 17, dans ce qui semblait être une victoire diplomatique pour Pékin.
Une perte de crédibilité pour l’organe des droits de l’homme de l’ONU
Joanne Smith Finley, spécialiste de la Chine à l’université de Newcastle, estime que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies est un organe « complètement dysfonctionnel ». Elle a tweeté que le Conseil fonctionne sur la base d’intérêts politiques et économiques plutôt que sur les valeurs universelles des droits de l’homme.
David Griffiths, consultant en droits de l’homme à la Chatham House, un groupe de réflexion londonien, a qualifié le vote de « point négatif » pour l’organe des droits de l’homme des Nations unies.
Cependant, les groupes de défense des droits et les experts préfèrent voir le verre à moitié plein.
Une victoire à la Pyrrhus pour Pékin
Olaf Wientzek, directeur du bureau genevois de la Fondation Konrad Adenauer, a souligné que le vote avait « absolument sapé la crédibilité du Conseil des droits de l’homme de l’ONU », tout en déclarant à l’AFP que le résultat avait forcé tout le monde à se manifester et à prendre position. Rien que cela, selon lui, valait la peine de faire des efforts.
Phil Lynch, directeur exécutif de l’ONG International Service for Human Rights, a noté qu’il s’agissait d’une victoire écrasante pour Pékin : une victoire qui a coûté si cher qu’elle a ressemblé à une défaite.
Il en veut pour preuve le score très serré. « Nous n’avons pas remporté le vote, mais la marge étroite donne vraiment le sentiment que c’est une cause que nous devons défendre et que la Chine ne peut pas continuer à bénéficier de l’impunité face aux crimes contre l’humanité ».
Il a également fait valoir que la partie chinoise s’était massivement mobilisée, exerçant même une énorme pression, proférant toutes sortes de menaces et « offrant des incitations » aux délégations pour qu’elles s’opposent au texte, et que même si celui-ci avait été rejeté avec une marge très très faible, c’était tout de même un encouragement !
« Ce n’est pas comme si ce rapport sur le Xinjiang allait être jeté à la poubelle et qu’on n’en parle plus jamais. Je serais surpris si le sujet ne revenait jamais sur le tapis », a déclaré M. Wientzek,
« Le camp occidental doit maintenant essayer de trouver une stratégie gagnante début 2023 et avant la prochaine réunion du Conseil. Un facteur important est que la composition du conseil va changer entre-temps. »
Mardi, l’Assemblée générale des Nations unies à New York élira 14 nouveaux membres pour la période de 2023 à 2025. M. Wientzek a déclaré que l’équilibre pourrait évoluer avec un changement dans un ou deux pays ou gouvernements.
Vendredi, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté sa toute première résolution visant à surveiller la répression de l’opposition par la Russie.
En conséquence, 17 pays ont voté pour, tandis que six ont voté contre et 24 se sont abstenus.
De l’avis des experts, ces deux votes montrent une nette différence de diplomatie entre la Chine et la Russie, l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.
Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire
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