L’escalade des tensions entre la Russie et l’Ukraine et les sanctions quasi omniprésentes d’un « ordre International basé sur des règles », ainsi que la culture de l’annulation (appel au boycott) contre la Russie, pourraient faire perdre au pétrodollar américain, son statut de monnaie de référence pour les échanges commerciaux d’hydrocarbure, sur la scène internationale.
Le 16 mars, le Wall Street Journal a rapporté, sur la base des commentaires de « deux responsables du gouvernement indien », que l’Inde avait conclu un accord avec la Russie pour acheter 3 millions de barils de pétrole brut à un prix réduit de 20 %.
La Russie paiera en outre les frais d’assurance et d’expédition de la transaction, dont la livraison est prévue en mai.
Le Journal a déclaré que l’accord était en fait l’exécution d’une option étendue à Indian Oil Corp, une entreprise publique, par la société russe Rosneft, pour livrer jusqu’à 14 millions de barils d’ici la fin de 2022.
Le contrat avait été initialement signé en 2020 et prolongé en décembre 2021 lors de la visite du président Vladimir Poutine en Inde, signe que la Fédération de Russie avait effectivement prévu de subir des sanctions économiques massives tout en se préparant à envahir l’Ukraine, alors que les tensions autour des régions russophones du Donbass et de Donetsk, dans l’est du pays, s’intensifiaient de façon spectaculaire.
Pétrorouble-roupie
La transaction, d’une valeur équivalente à environ 245 millions de dollar en tenant compte d’une réduction de 20 % par rapport au prix de clôture du 16 mars du pétrole brut Brent (97,95 dollars), est certes énorme, mais elle ne représente qu’une fraction d’une seule journée de la consommation indienne de 4,5 millions de barils, selon le Journal.
L’Inde est le troisième plus grand importateur de pétrole au monde, derrière la Chine et les États-Unis. Même si les importations représentent plus de 85 % de la consommation du pays, seuls 2 % sont importés de Russie.
Le ministre du pétrole et du gaz, Hardeep Singh Puri, a déclaré au Parlement qu’il serait « ravi à la première occasion » de négocier du pétrole avec la Fédération de Russie.
Le dollar américain a été jusqu’à présent la monnaie de référence pour les échanges commerciaux d’hydrocarbures sur la scène mondiale, d’où le terme de « pétrodollar ». Cependant, en raison de la mise sur liste noire de la Russie et des sanctions économiques qui en découlent, la situation a conduit l’Inde et la Russie à « explorer la possibilité d’un accord monétaire roupie-rouble pour faciliter les paiements pour le pétrole brut et d’autres échanges existants ».
Selon le Journal, cet arrangement est loin d’être sans précédent, « l’Inde a déjà utilisé un mécanisme similaire lorsqu’elle a obtenu une exemption pour les importations de pétrole en provenance d’Iran, où les acheteurs indiens déposaient des roupies sur un compte bancaire, qui étaient ensuite prélevées pour payer les exportateurs vers l’Iran. »
Un article publié le 17 mars par le Washington Post apporte des précisions à ce sujet : « Les responsables indiens ont qualifié les registres rouble-roupie, qui seront probablement mis en place dans des banques russes et indiennes qui ne sont pas exposées au système financier américain, de solution pour aider l’économie indienne et ses exportateurs plutôt que de moyen d’échapper à d’éventuelles sanctions américaines. »
À deux reprises
Cette nouvelle intervient quelques jours seulement après que l’Arabie saoudite, membre de l’OPEP+, a fait savoir qu’elle envisageait de vendre du pétrole à la Chine communiste en yuan.
La Chine importe plus de 25 % du pétrole de l’Arabie saoudite. Les pourparlers concernant l’abandon du pétrodollar au profit du yuan durent depuis au moins six ans.
Cependant, la situation est compliquée pour l’Arabie saoudite, qui doit jongler avec les États-Unis, la Chine et la Russie.
Alors que l’Arabie saoudite possède la plus grande raffinerie américaine par l’intermédiaire de l’entreprise publique Aramco, le pays a également accepté le 8 mars une injection d’un milliard de dollars de la part de Lockheed Martin, pierre angulaire du complexe militaro-industriel américain.
La discussion sur le Pétroyuan a notamment eu lieu un jour seulement après qu’Aramco ait annoncé un accord pour un « partenariat conjoint » avec des entreprises contrôlées par le régime chinois pour la construction d’une raffinerie de 10 milliards de dollars dans le nord-est de la Chine.
La Russie importe légèrement moins de pétrole que la Chine voisine, soit 1,6 million de barils par jour, contre 1,72 million. L’Arabie Saoudite a également conclu un accord de coopération militaire avec la Russie pas plus tard qu’en août 2021.
Rédacteur Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
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