La famille de la réalisatrice oscarisée de Nomadland subit des pressions politiques en Chine
Le film dramatique américain Nomadland a remporté l’oscar du meilleur film le 25 avril. Chloé Zhao, qui a écrit, monté et coproduit le film, est entrée dans l’histoire en tant que première femme asiatique à remporter le très convoité prix du meilleur réalisateur.
Nomadland est basé sur le livre de la journaliste américaine Jessica
Bruder, Nomadland : Surviving America in the Twenty-First Century. Le film dépeint le voyage d’une femme qui vend tout ce qu’elle possède et quitte sa ville natale pour traverser le Midwest américain après la mort de son mari. L’actrice et coproductrice Frances McDormand est également devenue la première personne de l’histoire à remporter plusieurs oscars pour le même film.
Chloé Zhao, 38 ans, est née à Pékin. Son père, Zhao Yuji, était l’ancien directeur général et vice-président du groupe chinois Shougang. Selon un rapport du média indépendant de langue chinoise Dajiyuan, sa mère, Huang Tao, travaille dans un hôpital, tandis que sa belle-mère est la célèbre comédienne chinoise Song Dandan.
Malgré ses réalisations, la vie personnelle de Chloé Zhao est teintée d’une certaine mélancolie. Outre le silence de sa belle-mère, qui ne l’a pas félicitée pour sa victoire historique aux oscars, les médias d’État de la Chine communiste n’ont pas non plus dûment reconnu ses succès.
Chloé Zhao, qui est l’une des réalisatrices les plus prometteuses d’Hollywood, a également remporté le prix du meilleur réalisateur aux Golden Globes, aux Critics Choice Movie Awards et aux Directors Guild of America Awards, ainsi que près de 40 autres prix et titres dans le monde.
Ses œuvres précédentes incluent Les chansons que mes frères m’ont apprises (2015) et The Rider (2017), qui ont toutes deux étés saluées par la critique au Festival de Cannes en France.
« A la naissance les gens sont intrinsèquement bons »
Dans son discours de remerciement aux Oscars, Chloé Zhao a évoqué sa culture en récitant un dicton chinois classique du Classique des trois caractères, un texte éducatif chinois traditionnellement utilisé pour éduquer les jeunes avec des valeurs morales honnêtes. Le vers, ren zhi chu, xing ben shan (人 之初 性 本 善), peut être traduit par « à la naissance les gens sont intrinsèquement bons ».
Chloé Zhao a expliqué que cet axiome l’a aidée à continuer à avancer quand les choses se sont compliquées : « Je crois encore vraiment (au principe) aujourd’hui, même si parfois on peut avoir l’impression que le contraire est vrai, mais j’ai toujours trouvé de la bonté chez les gens que j’ai rencontrés partout où je suis allée dans le monde. »
« Donc ceci est pour tous ceux qui ont la foi et le courage de s’accrocher à la bonté en eux-mêmes. Et de s’accrocher à la bonté des autres, peu importe combien il est difficile de le faire », a déclaré Zhao.
Pourtant, les porte-paroles de propagande du Parti communiste chinois (PCC), qui parlent exclusivement au nom du régime et de ses décrets politiques, se sont abstenus de rapporter immédiatement sa victoire aux oscars. Les censeurs internet de l’État ont également saboté la diffusion en direct de la cérémonie de remise des prix à Hong Kong et en Chine continentale.
Le peuple et les fans de Chloé Zhao n’ont même pas été autorisés à la soutenir en Chine continentale, et lorsque les anciens élèves de l’université de New York ont diffusé la cérémonie en direct d’un petit bar sur le Bund à Shanghai, la diffusion a également été bloquée par le système de censure internet Great Firewall du PCC.
« Chinoise ou américaine ? »
Lorsque Chloé Zhao a remporté le Golden Globe du meilleur réalisateur, le 1er mars, la version anglaise du Global Times, organe de propagande du Parti communiste, a publié un article intitulé La fierté de la Chine, dans lequel ils ont d’abord félicité Chloé Zhao. Étrangement, le lendemain, Global Times a publié un autre article, cette fois avec un ton critique envers Chloé Zhao, intitulé « chinoise ou américaine ? Les internautes chinois remettent en question la nationalité de la réalisatrice Chloé Zhao, lauréate d’un Golden Globe », dans le but de minimiser l’impact de ses succès.
La dérision du PCC à l’égard de Chloé Zhao et de ses réalisations découle d’un incident que le Parti qualifie de « insulte à la Chine », qui fait référence aux commentaires faits en 2013 avec le magazine Filmmaker où elle a évoqué son passage en tant qu’adolescente en Chine. Elle a dit que la Chine était « un endroit où il y a des mensonges partout ».
« Beaucoup d’informations que j’ai reçues quand j’étais plus jeune n’étaient pas vraies, et je suis devenue très rebelle envers ma famille et mes origines », a déclaré Chloé Zhao. « Je suis allée soudainement en Angleterre et j’ai réappris mon histoire. Étudier les sciences politiques dans une université d’arts libéraux était pour moi un moyen de comprendre ce qui est réel. Il faut s’armer d’informations, puis les remettre en question », a-t-elle ajouté.
« La façon dont elle a puisé dans son héritage chinois pour affronter les difficultés est inspirante », a déclaré au New York Times Raymond Zhou, un critique de cinéma indépendant basé à Pékin. « Il est triste qu’elle ait été largement incomprise à cause d’une série d’événements interculturels ».
Nomadland est le troisième long métrage de Chloé Zhao. Dans l’histoire, le personnage principal rencontre de nombreuses personnes et éprouve différents troubles émotionnels. Pourtant, malgré toute la douleur et la souffrance, la bonté de la nature humaine transparaît toujours.
Chloé Zhao sait qu’elle ne peut pas considérer la Chine comme sa patrie car c’est le PCC qui décide quels films sont autorisés à être réalisés et même visionnés dans le pays. Par conséquent, pour elle, la Chine ne peut être une patrie que pour le Parti communiste.
Rédacteur Gabriel Olamsaint
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