Dans le but d’intimider économiquement Taïwan, la Chine a annulé un programme qui permettait aux habitants de 47 villes de voyager individuellement dans la nation insulaire. L’interdiction est entrée en vigueur le 1er août 2019.
Intimider Taïwan
Le programme de voyages a été mis en place en 2011, lorsque l’ancien président taïwanais Ma Ying-jeou souhaitait développer les relations entre les deux pays. Mais après l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, Pékin a commencé à devenir agressif, suggérant même qu’ils auraient recours à la force militaire pour s’emparer de Taïwan. Selon les nouvelles règles, les citoyens chinois ne peuvent se rendre à Taïwan qu’en groupes.
En bloquant efficacement le tourisme individuel, Pékin espère réduire les recettes touristiques provenant de la Chine et punir Taïwan économiquement. Les touristes étrangers représentaient près de 2,2% du PIB taïwanais en 2017. La Chine est la plus grande source de touristes sur l’île, avec près du tiers de ses visiteurs en mai 2019. « C’est un choc pour nous tous. Nous sommes tous très inquiets à ce sujet… Cela aura un impact énorme sur le tourisme et l’économie de Taïwan. Les hôtels et les restaurants seront tous touchés », a déclaré au journal Time, le président de l’Association des agents de voyage de Taipei, Benny Wu.
L’interdiction de voyager semble être le moyen par lequel Pékin a une influence sur les prochaines élections à Taïwan. La présidente Tsai Ing-wen est la favorite pour continuer en tant que chef du pays insulaire. Cependant, sa forte position anti-Chine fait de Tsai un personnage « dangereux ». Elle a critiqué le gouvernement chinois pour la mise en œuvre de l’interdiction et a averti que l’utilisation du tourisme comme outil politique ne ferait qu’accroître l’antipathie du peuple taïwanais envers la Chine.
La présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, a critiqué le gouvernement chinois pour la mise en œuvre de l’interdiction et a averti que l’utilisation du tourisme comme outil politique ne fera qu’accroître l’antipathie du peuple taïwanais envers la Chine. (Image : Wikimedia)
Les prochaines élections à Taïwan sont prévues pour 2020. Le gouvernement de l’île a récemment obtenu l’approbation des États-Unis pour l’achat d’armes américaines. En outre, les États-Unis aident également Taïwan à développer ses propres sous-marins « indigènes ». Avec Tsai au pouvoir, le renforcement de l’armée taïwanaise sera une priorité nationale, une politique qui irrite Pékin. Puisque la Chine ne peut pas s’immiscer directement dans le processus électoral, elle a décidé de rendre la situation plus difficile pour Tsai en s’attaquant à l’économie, dans l’espoir que cela la forcerait à adoucir sa position anti-Chine, voire à la faire renoncer au pouvoir.
« Le Parti progressiste-démocrate de Tsai fait constamment des efforts pour promouvoir l’indépendance de Taïwan et incite à l’hostilité envers le continent, minant gravement les conditions permettant aux voyageurs du continent de se rendre sur l’île… Je crois que les compatriotes des deux côtés espèrent que les relations vont s’apaiser rapidement, permettant aux habitants de Chine continentale de voyager à Taïwan dans les plus brefs délais », a déclaré dans un communiqué Ma Xiaoguang, porte-parole du bureau chinois des affaires taïwanaises (Reuters).
Impact touristique
Lorsque Tsai a été élue présidente de Taïwan en 2016, Pékin a eu recours à des mesures similaires et a censuré le flux de touristes. En conséquence, le nombre de visiteurs en provenance de Chine a chuté d’environ 35% entre 2015 et 2018.
Cependant, le tourisme en provenance d’autres pays a explosé en raison de mesures gouvernementales assouplissant l’obligation de visa pour les touristes étrangers. Par exemple, les touristes originaires des Philippines et du Vietnam ont presque triplé, tandis que ceux de Thaïlande ont doublé au cours de la même période.
Grâce aux conditions d’obtentions de visas assouplies, le tourisme provenant d'autres pays a explosé. (Image : Capture d’écran : Youtube)
De ce fait, nombreux sont ceux qui s’attendent à ce que le gouvernement de Tsai adopte des mesures similaires pour augmenter le nombre de touristes en provenance d’autres pays plutôt que de compter largement sur la Chine. Car si l’industrie touristique de Taïwan finit par être un pion du Parti communiste chinois (PCC), Pékin sera toujours en mesure de l’utiliser comme levier économique pour faire pression sur le pays. En diversifiant sa base touristique, Taïwan sera mieux protégée contre de tels chocs économiques.
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