Les agents des douanes et de la protection des frontières des États-Unis à l’installation commerciale de Nogales ont saisi près de 4,6 millions de dollars de fentanyl et de méthamphétamine totalisant près de 650 livres le samedi 26 janvier 2019 sur un ressortissant mexicain lorsqu’il a tenté d’entrer aux États-Unis par le port de Nogales. (Image : wikimedia / CBP Photography / Domaine public)
Dans ce qui pourrait représenter un pas vers l’apaisement des tensions sino-américaines, les responsables américains et chinois se sont engagés dans des discussions de haut niveau, axées sur l’aggravation de la crise du fentanyl.
Ces discussions, qui se sont déroulées pendant deux jours à Pékin à partir du 30 janvier, représentent le premier engagement formel entre les deux puissances mondiales sur cette question depuis des années, soulignant l’urgence de lutter contre une « épidémie » de drogue qui a ravagé des centaines de communautés à travers les États-Unis.
Jen Daskal, conseillère adjointe à la sécurité intérieure et chef de la délégation de la Maison-Blanche, a qualifié les réunions avec la nouvelle équipe de lutte contre les stupéfiants d’« étape importante dans nos relations ». Ces réunions interviennent à un moment où les relations entre les États-Unis et la Chine sont tendues, marquées par des différends sur le commerce, la technologie, les droits de l’homme et le statut de Taïwan. En ce qui concerne Taïwan, le régime de la Chine continentale considère l’île comme une partie légitime de son territoire et s’est engagé à la récupérer par tous les moyens nécessaires, même s’il faut pour cela recourir à la force militaire.
« Ce que nous espérons (voir) aujourd’hui, c’est le lancement d’une coopération continue afin que nous puissions partager des informations et voir plus de progrès », a déclaré Jen Daskal en insistant sur la nécessité d’une collaboration continue entre les deux gouvernements pour lutter contre la crise du fentanyl.
Point d’ébullition
Le problème du fentanyl a atteint un point critique aux États-Unis, avec plus de 80 000 décès par overdose impliquant des opioïdes synthétiques, en 2021. Selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), la majorité de ces surdoses sont liées au fentanyl. Cet opioïde synthétique, connu pour ses puissantes propriétés analgésiques et addictives, est devenu une figure centrale de la « pire crise de la drogue » à laquelle le pays ait été confronté.
Selon Jen Daskal, bien que la Chine ait pris des mesures pour s’attaquer au problème, notamment en inscrivant en 2019 toutes les variantes de fentanyl sur sa liste des substances réglementées et en réduisant le flux de fentanyl vers les Etats-Unis, elle doit faire davantage pour éviter la crise. Elle a insisté sur le fait que la Chine reste une « source primaire » de précurseurs chimiques utilisés pour synthétiser le fentanyl, principalement par les cartels mexicains de la drogue.
La reprise de la coopération anti-drogue entre les États-Unis en matière de lutte contre les stupéfiants et la Chine fait suite à une rencontre en novembre dernier entre le président Joe Biden et le président chinois Xi Jinping. Après une suspension temporaire de la coopération en août 2022, la Chine a recommencé à « partager des informations sur les expéditions suspectes » et le trafic avec l’Organe international de contrôle des stupéfiants. Elle a également mis en garde les entreprises nationales contre les ventes illégales de précurseurs chimiques.
Des familles et des amis de personnes décédées après avoir consommé du fentanyl manifestent devant le siège de Snap, le 21 janvier 2022. (Image : Capture d’écran / YouTube)
Malgré ces efforts, Jen Daskal estime qu’il reste encore beaucoup à faire. « Nous saurons si cela fonctionne si nous commençons à voir l’offre de précurseurs diminuer », a-t-elle déclaré, ajoutant que les deux gouvernements doivent reconnaître la « nature imbriquée de l’offre et de la demande ». Elle a également souligné le défi particulier que représente le fentanyl en expliquant comment les trafiquants alimentent la demande en l’associant à d’autres drogues, créant ainsi un cycle de dépendance.
Yu Haibin, un haut responsable chinois du contrôle des stupéfiants, s’est opposé au point de vue américain, suggérant plutôt que les racines de la crise du fentanyl se trouvent sur le sol américain. « La crise du fentanyl aux États-Unis est enraciné dans le pays lui-même », a-t-il déclaré.
Aller à l’essentiel
Le sentiment de Yu Haibin est partagé par Vanda Felbab-Brown, chargée de recherche à la Brookings Institution, un groupe de réflexion basé à Washington D.C. et spécialisé dans la recherche et l’économie. « Nous devons reconnaître la nature à double usage de nombreux précurseurs chimiques et les défis que pose leur restriction », a-t-elle signalé.
Elle a également souligné la nécessité pour la Chine d’inclure des restrictions plus strictes telles que les mesures « Know Your Customer » (KYC) qui visent à identifier les groupes criminels organisés et à faciliter les poursuites contre les entreprises qui vendent des produits chimiques illégaux.
Malgré ces défis, Vanda Felbab-Brown voit un potentiel dans la coopération renouvelée, estimant qu’il est probable que des « progrès significatifs » soient accomplis dans la lutte contre la crise qui s’aggrave. Elle a également souligné l’importance de la coopération avec le Mexique, en évoquant la collaboration entre le président mexicain Andrés Manuel López Obrador et la patrouille frontalière américaine.
L’accent est maintenant mis sur le passage à l’action. Le succès de ces efforts dépend non seulement de l’engagement des États-Unis et de la Chine, mais aussi d’une dynamique plus large et de l’implication d’acteurs clés tels que le Mexique pour stopper le cycle de cette épidémie de drogue mortelle.
« Nous devons procéder étape par étape », a déclaré Jen Daskal, avant d’ajouter : « nous continuerons à rechercher des actions qui s’inscrivent dans le prolongement des conversations ».
