Près de 2 000 Allemands seraient morts l'an dernier dans l’attente d’une greffe d’organe. Pour remédier à cette situation, le ministre de la santé Jens Spahn a présenté un projet de loi qui pourrait faire de la majorité des citoyens allemands des donneurs d'organes par défaut. Le don d'organes dans le pays est passé de 1046 en 2011 à 797 vers 2017.
Le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, a présenté un projet de loi qui pourrait faire de la majorité des citoyens allemands des donneurs d’organes par défaut. (Image : Capture d'écran / YouTube)
Changer la loi
À l’heure actuelle, un citoyen allemand doit déclarer sa volonté d’être donneur d’organes. Ce n’est qu'à cette condition que ses organes peuvent être transplantés chez d’autres. Les donneurs possèdent généralement une carte de donneur ou prennent de telles dispositions dans leur testament. Le projet de loi renverse complètement la politique actuelle en considérant tout le monde comme un donneur potentiel à moins qu'il ne s’exclue. Ceux qui ne souhaitent pas que leurs organes soient prélevés après leur décès devront ajouter leur nom à un registre qui s’oppose à une telle procédure.
La famille d’une personne décédée peut également empêcher le prélèvement des organes d’un proche après avoir consulté un médecin. Selon les lois proposées, les gens seront informés du nouveau système à plusieurs reprises et se verront proposer des options de retrait. Jens Spahn utilise cette disposition pour faire valoir que la nouvelle loi ne rendra pas le don d’organes obligatoire. Il souligne également que près de 20 pays de l’UE ont un système similaire. Karl Lauterbach, expert en politique de santé du Parti social-démocrate (SPD), a apporté son soutien à la loi. «Nous avons encore environ 10 fois plus de personnes sur la liste d’attente pour un organe que le nombre de personnes transplantées chaque année», a-t-il dit dans un communiqué (The Local).
La famille d’une personne décédée peut également empêcher le prélèvement des organes d’un proche après avoir consulté un médecin. (Image : Capture d’écran / YouTube)
Le projet de loi a rencontré une forte opposition de la part du parti de gauche, les Verts, et de l’Union chrétienne-sociale conservatrice (CSU). Les législateurs des deux partis ont élaboré un projet alternatif qui maintiendra le système actuel de don d’organes. Pour stimuler les dons d’organes, le projet suggère que les gens soient contactés plus régulièrement et encouragés à s’inscrire comme donneurs. Le législateur a fait valoir que cela garantirait que le don d’organes reste une «décision volontaire qui ne peut être imposée par l’État».
Bien que la proposition de Spahn de faire de tout le monde un donneur d’organes par défaut puisse avoir de bonnes intentions, il faut comprendre que de telles «bonnes» lois peuvent finalement se révéler un cauchemar. Le contrôle du gouvernement sur le corps de chaque citoyen est une mauvaise idée. La Chine est l’exemple frappant d’un tel abus. Le gouvernement autoritaire du pays est connu pour s’être livré à des prélèvements forcés d’organes sur les pratiquants du Falun Gong, ainsi que sur les Tibétains, les chrétiens des Églises de Maison et les Ouïghours. Si l’industrie chinoise de la transplantation d’organes connaît une forte hausse cela est du à l’acquisition illégale d’organes, rendue possible grâce aux lois laxistes du pays. Le temps d’attente pour une greffe d’organe serait de quelques jours à deux mois, ce qui s’avère impossible dans la plupart des pays démocratiques.
Si la loi de Spahn devait être adoptée, qu’est-ce qui empêcherait l’Etat de prélever les organes d’une personne qui y était opposée, disant même que cet acte moral peut sauver des vies. Les Allemands ont souffert dans le passé de l’ingérence excessive de l’État, lorsque l’Allemagne de l’Est était sous le contrôle soviétique. La question de savoir s'il faut ou non donner à l’État un tel contrôle sur le corps d’une personne est certainement quelque chose à laquelle il faut réfléchir.
Perspectives religieuses
La proposition a été critiquée par les croyants adhérant à une religion, comme une ingérence de l’État dans leur foi. Stephan Pilsinger de l’Union Sociale Chrétienne(CSU) a qualifié la loi proposée de «immorale sur le plan éthique». Il a ajouté que la loi ferait essentiellement de chaque Allemand une «réserve de pièces détachées».
La proposition a été critiquée par les croyants adhérant à une religion, comme une ingérence de l’État dans leur foi. (Image : Tama66 / Pixabay)
Près de 57% de la population allemande est chrétienne. Alors que la plupart des chrétiens considèrent le don d’organes comme un acte altruiste, il y a un nombre significatif de croyants qui le voient comme un acte de souillure envers le corps qui est un don de Dieu. Ne pas tenir compte des préoccupations des chrétiens et adopter une loi qui peut en faire des donneurs d’organes n’est certainement pas en accord avec le pouvoir laïque d'un gouvernement.
Une autre religion importante en Allemagne est l’islam, qui représente 5 % de la population. La question du don d’organes divise toujours la communauté, certains spécialistes islamiques l’appuyant et d'autres s’y opposant avec véhémence. Les croyants juifs, qui représentent 0,1 % de la population allemande, partagent également les mêmes opinions que les chrétiens et les musulmans.
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