À l’occasion de la réunion du Forum économique mondial (WEF) de cette année à Davos, en Suisse, le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM), David Beasley, a déclaré que l'aggravation de la crise humanitaire pourrait entraîner une « tempête infernale sur terre ».
S’adressant également au rédacteur économique de la BBC, Faisal Islam, en marge du Forum économique mondial de Davos, David Beasley a évoqué l'agression de la Russie en Ukraine, déclarant : « Lorsque vous prenez 400 millions de personnes qui sont nourries par les denrées alimentaires provenant d'Ukraine et que vous coupez cela, puis que vous ajoutez à cela des problèmes d'engrais, de sécheresse, des coûts alimentaires, de coûts de carburant, nous assistons à une tempête infernale sur terre ».
Ces commentaires interviennent alors que le monde est confronté à la plus grande crise alimentaire depuis la Seconde Guerre mondiale, une crise qui montrait déjà des signes d'émergence avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Les perturbations de la chaîne d'approvisionnement résultent en grande partie des mesures adoptées par de nombreux gouvernements pour faire face à la pandémie de Covid-19.
Les pays en situation de pénurie ont commencé à restreindre les exportations de denrées alimentaires, ce qui menace d'aggraver la crise imminente.
Les pays commencent à mettre en place des mesures de restriction des exportations
La Malaisie est le pays le plus récent à avoir annoncé une limitation des exportations de produits alimentaires. Le 23 mai, les autorités malaisiennes se sont réunies pour discuter de la limitation des exportations de poulet, dans un contexte de craintes de pénurie intérieure et d'allégations de cartels contrôlant le prix et la production de poulet parmi les grandes entreprises.
Il a été décidé que le pays stoppera l’exportation de 3,6 millions de poulets par mois à compter du 1er juin.
Cette décision devrait toucher durement Singapour qui s'approvisionne pour environ un tiers de ses besoins en poulets, en Malaisie. Les autres pays susceptibles d'être touchés sont la Thaïlande, Brunei, le Japon et la ville de Hong Kong.
La liste des pays mettant en place des restrictions aux exportations de produits alimentaires ne cesse de croître. Les prix du blé ont grimpé en flèche le 14 mai après que l’Inde ait interdit les exportations de blé. L'Inde est le deuxième producteur mondial de blé, cependant la récolte de cette année a été remise en question après une vague de chaleur, avec des températures supérieures à 40°C pendant des semaines, en début de saison.
Les acheteurs mondiaux comptaient sur le blé indien pour compenser une partie du manque à gagner de l'Ukraine, tandis que d'autres greniers à blé, comme les Grandes Plaines nord-américaines, font face à des niveaux de sécheresse historiques menaçant les récoltes de blé dans la région.
Le gouvernement indien a toutefois déclaré qu’il autoriserait toujours les exportations de blé soutenues par des lettres de crédit qui ont déjà été émises aux pays qui demandent des approvisionnements « pour répondre à leurs besoins en matière de sécurité alimentaire ».
L'interdiction des exportations d'huile de palme par l'Indonésie a des conséquences mondiales
Face à la flambée des prix des huiles alimentaires, le gouvernement indonésien a cherché à mettre en place des mesures nationales efficaces pour protéger les consommateurs. Dans un premier temps, le pays a plafonné le prix de l'huile de palme et imposé une limite de deux litres par client. N‘ayant pas atteint le résultat escompté, le pays a ensuite augmenté la taxe sur les exportations d'huile de palme et proposé des transferts directs en espèces aux citoyens à faible revenu, pour subventionner les achats. Aucune de ces stratégies n'a fonctionné.
En ce qui concerne les producteurs d'huile de palme, vendre leur produit sur le marché mondial s’avère beaucoup plus lucratif et le secteur, qui ne compte qu'une poignée d'entreprises, a réalisé des bénéfices élevés à mesure que les prix internationaux ont augmenté.
Cependant, l'exportation d'une quantité croissante d'huile a créé un goulot d'étranglement dans la chaîne d'approvisionnement nationale, provoquant une vague de protestations à la mi-avril de cette année.
À la suite de la forte demande d'huile alimentaire au niveau national pendant la fête musulmane de l'Aïd al-Fitr, le pays a décidé d'interdire l'exportation d'huile de palme brute et raffinée.
L'interdiction a été bien accueillie au niveau national, cependant de nombreux pays ont été pris au dépourvu par cette mesure, notamment l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh et l'Égypte.
Les marchés d'Amérique du Nord et d'Europe utilisent rarement l'huile de palme directement, mais de nombreux produits transformés en contiennent et un manque d'ingrédient peut avoir un impact sur la production de plusieurs articles, notamment le gel douche, le liquide vaisselle, le rouge à lèvres, les nouilles instantanées et le pain emballé.
Cette interdiction devrait avoir un impact sur le coût de certains produits transformés comme les Oreos, le Nutella, les Doritos et même le Coca-Cola. Alors qu'en Occident, les consommateurs peuvent s'attendre à payer plus cher leurs snacks, les pays à faible revenu devraient être les plus touchés, ce qui risque d'aggraver une situation déjà difficile.
Rédacteur Fetty Adler
Collaboration Jo Ann
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