Au début du XXe siècle, une peste dévastatrice s'est déclarée dans la petite ville frontalière de Manzhouli, près de la frontière entre la Chine et la Russie. Cette épidémie a duré plus de six mois, balayant la moitié de la Chine et faisant plus de 60 000 victimes. Au milieu du chaos, le Dr Wu Lien-teh (1879 – 1960) est devenu un héros, sauvant le Nord-Est de la Chine grâce à ses interventions médicales novatrices.
L'épidémie et les premiers défis
En décembre 1910, la peste a commencé à se propager rapidement. La communauté médicale, influencée par la découverte de la bactérie de la peste en 1894, pensait que les puces transmettaient la maladie à partir de rats infectés. Cependant, la maladie s’est présentée différemment dans le Nord-Est de la Chine, ce qui a soulevé des questions quant à sa nature.
Le Dr Wu Lien-teh, un médecin formé à Cambridge, a été chargé par le ministère chinois de mener une enquête dans le Nord-Est de la Chine. Le 2 décembre 1910, il a pratiqué la première autopsie humaine jamais réalisée en Chine, confirmant la présence de la bactérie de la peste. Il s'agissait d'une nouvelle forme de peste pulmonaire, plus dangereuse, qui pouvait se propager par les gouttelettes respiratoires.
Le parcours du Dr Wu Lien-teh
Né en Malaisie en 1879 d'un père chinois et d'une mère hakka, Dr Wu Lien-teh excellait dans les études. Il a obtenu la prestigieuse Bourse de la Reine, qui lui a permis d'étudier la bactériologie et les maladies infectieuses à l'Emmanuel College de Cambridge. Il est devenu le premier Chinois diplômé de l'université de Cambridge et a obtenu plusieurs diplômes, dont un doctorat en médecine.
Malgré ses qualifications, les experts internationaux de Russie, du Japon et de France ont d'abord rejeté les conclusions du Dr Wu. Un éminent médecin japonais a même ridiculisé le concept de peste pulmonaire. Cependant, la situation s'est aggravée lorsque la peste s'est propagée le long des voies ferrées, atteignant des villes telles que Harbin, Changchun et Shenyang.
Mise en œuvre de mesures drastiques
Face à l'escalade des infections et des tensions internationales, Dr Wu Lien-teh a proposé des mesures radicales pour endiguer la peste. Il a demandé au gouvernement Qing l'autorisation de brûler les corps des victimes de la peste, une pratique contraire aux coutumes chinoises traditionnelles de respect des défunts.
D'abord accueillie avec indignation, la demande du Dr Wu est finalement approuvée après la mort d'un expert international, le médecin français Gérard Mesny (1865-1911), qui avait contracté la peste, alors qu'il rendait visite à des patients. Cet événement tragique a fait basculer l'opinion publique et Dr Wu a été autorisé à mettre en œuvre ses stratégies.
L'approche globale du Dr Wu Lien-teh comprenait l'isolement des patients, l'incinération des corps infectés et la distribution de masques pour prévenir la transmission par voie aérienne. Il avait conçu un masque spécial inspiré des masques chirurgicaux, qui a ensuite influencé le développement des masques respiratoires modernes N95.
Ces mesures se sont avérées efficaces. Le 1er mars 1911, Harbin ne comptait aucun décès dû à la peste. D'autres villes du Nord-Est de la Chine ont rapidement suivi, marquant ainsi une victoire importante sur l'épidémie.
Héritage et reconnaissance internationale
Le Dr Wu Lien-teh a réussi à endiguer la peste, ce qui lui a valu une reconnaissance internationale. La dynastie Qing lui a décerné de grands honneurs, notamment le titre de médecin de la cour impériale et des grades militaires. Des gouvernements étrangers l'ont également reconnu, en lui décernant des médailles et des titres honorifiques de la part de la Russie et de la France.
Les stratégies de santé publique innovantes et le dévouement inébranlable du Dr Wu Lien-teh ont permis de sauver d'innombrables vies lors de l'épidémie de peste de 1910-1911 dans le Nord-Est de la Chine. Son héritage continue d'influencer les pratiques modernes de santé publique, démontrant le pouvoir du discernement et de la détermination dans la lutte contre les maladies infectieuses.
Rédacteur Charlotte Clémence
Source : How One Man Saved Northeast China From the 1910-11 Plague
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