Au XVIIe siècle, deux monarques, nés respectivement en Occident et en Orient, ont accompli les derniers exploits de l’époque moderne (1453 - 1789) dans l’histoire humaine : le Roi-Soleil Louis XIV de France et l’empereur Kangxi de la dynastie Qing en Chine. Sous leur règne, les échanges commerciaux et culturels entre l’Orient et l’Occident étaient fréquents et intenses, la splendeur de l’ancienne civilisation chinoise et sa grandeur ont été pleinement reconnues par les missionnaires, les penseurs, les écrivains et même les scientifiques occidentaux, dont beaucoup ont réussi à obtenir la nationalité chinoise auprès du gouvernement Qing. Voyons comment les étrangers étaient naturalisés en Chine sous la dynastie Qing.
Personnes célèbres ayant acquis la nationalité chinoise
Au début de la dynastie Qing (1616-1912), dernière dynastie féodale de l’histoire chinoise, l’Allemand Adam Schall (du nom chinois Tang Ruowang), le Belge Ferdinand Verbiest (Nan Huairen), le Français Joachim Bouvet (Bai Jin), le Portugais Tomás Pereira (Xu Risheng), l’Italien Giuseppe Castiglione (Lang Shining), etc… occupaient tous des postes officiels au sein du gouvernement Qing, portaient des vêtements officiels Qing, pratiquaient l’étiquette chinoise et vivaient même selon le mode de vie chinois.
L’Allemand Adam Schall, soit Tang Ruowang, était âgé de 30 ans lorsqu’il a décidé de s’habiller comme les Chinois et d’avoir un nom chinois. Il s’est vu attribuer successivement plusieurs postes officiels par le gouvernement Qing, y compris la fonction du Taipusi chargé de la gestion des chevaux et des véhicules pour le déplacement de l’empereur, celle du Taishangsi chargé des rituels et des cérémonies, celle du Tongzhengshi qui lisait et examinait les rapports destinés à l’empereur. À l’époque du règne de Yongzheng, on lui a décerné à titre posthume le « Guanglu Dafu », officier érudit de premier rang.
Le gouvernement Qing a évalué Tang Ruowang dans un article d’hommage en ces termes : « Voici le message de l’esprit du défunt Tang Ruowang, ancien directeur du Bureau de l’astronomie et des calendriers de la dynastie Qing : se plier à une tâche et se dépenser sans compter, c’est le bon comportement d’un fonctionnaire, sujet de son empereur, et une chose à célébrer pour son pays ». Comme on peut le constater, la dynastie Qing traitait ses sujets étrangers naturalisés de la même manière que ses propres sujets.
Le professeur de sciences de l’empereur Kangxi, le Belge Ferdinand Verbiest (Nan Huairen), fonctionnaire au deuxième grade du ministère de l’Industrie, a reçu après sa mort à Pékin, comme les ministres importants du pays, un titre posthume de « Qinmin » (diligent et intelligent). En effet, le gouvernement Qing considérait les « ministres d’origine étrangère » proches de l’empereur comme ses propres sujets.
Ils ont tous demandé la nationalité chinoise
Cependant, le gouvernement Qing a également posé certaines exigences à ces « ministres d’origine étrangère ». Le journal de British Hurd, daté du 18 octobre 1864, indique que le gouvernement Qing, en reconnaissance de ses performances exceptionnelles dans la répression de l’armée rebelle Taiping (1851 à 1864), a décidé de le récompenser par une position officielle de troisième rang, et lui a conseillé de « changer de vêtements, de couleur de robe, de se marier et de s’installer en Chine… ».
D’autres ont pris l’initiative de demander la nationalité chinoise. Gottfried Wilhelm Leibniz, le maître allemand des mathématiques et de la philosophie, connu comme « l’Aristote du XVIIe siècle » et l’inventeur du système binaire occidental, a vu les diagrammes Taiji Bagua qu’un missionnaire en Chine lui avait envoyés et, plein d’admiration, il a écrit une lettre à l’empereur Kangxi pour lui demander d’adhérer à la nationalité chinoise et lui suggérer d’établir une académie des sciences à Pékin. Cependant, il n’existe aucune trace claire de l’accomplissement de son souhait.
Les Notes de Wang Rangqing racontent qu’avant que le gouvernement Qing n’adopte des règles pour la naturalisation des étrangers, le Français, Antoine Joseph Henri Charignon (1872 à Châteaudouble - 1930 à Pékin), consultant en ingénierie employé par le ministère des Postes et des Communications, a demandé à être naturalisé chinois.
Au début, les gens étaient perplexes, puis ils ont progressivement compris : il s’est avéré que Charignon avait acheté un grand terrain à côté de la voie ferrée Beijing-Zhangzhou, à l’extérieur de Xizhimen (une porte de la muraille de Pékin), mais qu’il n’était pas encore satisfait et qu’il avait acheté un autre grand terrain à côté de la voie ferrée Beijing-Hanhai. Sans la nationalité chinoise, il n’était pas permis d’acheter beaucoup de terrains en Chine, c’est pourquoi il a demandé la nationalité chinoise.
Conditions de naturalisation en Chine
Au cours de la première année de l’ère Xuantong (en 1909), sous la règne de Puyi, le dernier empereur chinois, la dynastie Qing a promulgué le règlement sur la nationalité, qui stipule clairement que tout étranger souhaitant avoir la nationalité chinoise est autorisé à faire la demande. Cependant, pour se faire naturaliser, il fallait remplir les cinq conditions ci-dessous :
« 1. Ceux qui ont résidé en Chine pendant une période continue de dix ans ou plus,
2. Ceux qui ont atteint l’âge de vingt ans et sont compétents selon les lois de leur pays,
3. Ceux qui sont de bonne moralité,
4. Ceux qui ont suffisamment de richesse ou des talents leur permettant de vivre en autonomie,
5. Ceux qui, selon les lois de leur pays, verront leur nationalité d’origine retirer au moment d’obtenir la nationalité chinoise. »
Selon ces conditions, Tang Ruowang et Nan Huairen pouvaient prétendre à la nationalité chinoise.
Si un étranger ne remplissait pas ces cinq conditions, il pouvait y avoir une dérogation : « Tout étranger ou apatride ayant rendu des services particuliers à la Chine, bien qu’il ne remplisse pas les conditions 1 à 4, le ministère des affaires étrangères et le ministère des affaires civiles pourront solliciter un décret impérial pour l’autoriser à se faire naturaliser de manière exceptionnelle ». En d’autres termes, ces demandeurs doivent apporter une contribution particulière à la Chine.
En outre, les demandeurs dans les trois cas suivants peuvent également être naturalisés :
« 1. Une femme étrangère ou apatride mariée à un Chinois en tant qu’épouse,
2. Une personne étrangère dont la mère a épousé un Chinois et que le(la) demandeur(euse) vit avec son beau-père chinois.
3. Un(e) enfant naturel(le) dont le père est Chinois, et l’enfant est reconnu(e) par son père,
4. Un(e) enfant naturel(le) dont la mère est Chinoise, et l’enfant est reconnu(e) par sa mère en absence de reconnaissance de son père. »
Toutefois, une femme étrangère ayant épousé un chinois et souhaitant demander la nationalité chinoise « doit passer par un mariage officiel dûment déclaré ». Les demandeurs (euses) qui remplissent les conditions 2 à 4 ci-dessus doivent être mineur (es) selon la loi de leur pays d’origine et les demandeuses doivent être sans conjoint.
Les personnes qui demandaient la nationalité chinoise depuis l’étranger devaient se présenter au consul chinois sur place, puis au ministre des affaires étrangères, ou directement au ministre des affaires étrangères, qui les transmettait au ministère des affaires civiles pour la tenue des registres. Une fois ces formalités accomplies, le gouvernement Qing les reconnaissait comme Chinois.
Restrictions imposées par le gouvernement des Qing à ceux qui acquièrent la nationalité chinoise
Le règlement impose également des contraintes aux personnes qui ont fraîchement acquis la nationalité chinoise :
« 1. Elles ne peuvent pas occuper les postes des organisations militaires, des bureaux des affaires intérieures et des fonctionnaires travaillant en province de quatrième rang ou plus,
2. Elles ne peuvent pas occuper les postes d’officiers militaires et de soldats,
3. Elles ne peuvent pas occuper les postes de membres de la chambre haute et de la chambre basse du Parlement et des bureaux consultatifs provinciaux. »
Selon le règlement, tous les candidats à la naturalisation doivent déclarer qu’après la naturalisation, ils respecteront les lois de la Chine et renonceront aux droits de leur propre pays. Le demandeur rédige une lettre de garantie et demande à deux messieurs réputés de leur lieu de résidence en Chine de se porter garants pour lui, rapporte la situation au magistrat, qui la soumet au ministère des affaires civiles pour approbation et publication, et enfin « lui délivre un document sur papier en guise de preuve ».
Rédacteur Simone Yang
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