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Histoire. Gu Hongming : un universitaire passionné par la culture traditionnelle chinoise

CHINE ANCIENNE > Histoire

La société chinoise a connu des changements et des bouleversements considérables à la fin de la dynastie Qing et au début de la République de Chine. Après les guerres de l’opium, la dynastie Qing a connu des défaites répétées, témoignant de la puissance des armes et des navires occidentaux. C’est ainsi qu’est née la tendance sociétale de « l’occidentalisation à outrance ». C’est dans ce contexte qu’est apparu Gu Hongming, un passionné de la culture traditionnelle chinoise.

À cette époque de rejet de la culture chinoise traditionnelle, un personnage s’est distingué, nageant à contre-courant. Il avait une profonde affection pour la culture chinoise et critiquait sévèrement les pseudo-sinologues qui déformaient les classiques confucéens. Il voulait renverser la vapeur dans un monde chaotique en proclamant haut et fort la valeur de la culture traditionnelle chinoise au monde entier. Ce franc-tireur culturel et maître des études chinoises n’était autre que Gu Hongming.

Gu Hongming : un universitaire passionné par la culture traditionnelle chinoise
En 1885, à l’âge de 28 ans, Gu Hongming retourne en Chine et ses sentiments chinois profondément ancrés s’éveillent véritablement. Il adopte la coiffure de la dynastie Qing et continue d’étudier les Classiques chinois. (Image : wikimedia / State Library of New South Wales / Domaine public)

Le premier à résister à la théorie du « péril jaune »

Gu Hongming, connu à l’époque sous le nom de Ku Hung-ming (1857-1928), est né en Malaisie. Son arrière-grand-père, Gu Lihuan, fut le premier dirigeant chinois de la Malaisie britannique, et son père, Gu Ziyun, dirigeait une plantation de caoutchouc. Sa mère était une Portugaise blonde aux yeux bleus. Gu Hongming était exceptionnellement doué et avait un grand talent pour les langues.

Il a lu Shakespeare dès son plus jeune âge et a étudié à l’étranger, en Occident, pendant son adolescence. Il est diplômé de l’université d’Édimbourg au Royaume-Uni et de l’université de Leipzig en Allemagne, maîtrisant plusieurs langues, dont l’anglais, le français, l’allemand, le latin, le grec et le malais, et obtenant treize doctorats.

Bien qu’il ait passé 14 ans à étudier à l’étranger, Gu Hongming s’est toujours souvenu des paroles de son père avant son départ : « Où que tu ailles, que tu sois parmi les Britanniques, les Allemands ou les Français, n’oublie jamais que tu es Chinois ».

En 1880, Gu Hongming rentre chez lui et travaille pour le gouvernement colonial britannique à Singapour. En 1881, il rencontre Ma Jianzhong, diplomate et érudit de la fin de la dynastie Qing. Ce dernier a jeté les bases de la grammaire chinoise avec son ouvrage Ma’s Grammar. Leur conversation de trois jours a profondément changé les pensées de Gu Hongming, l’amenant à vénérer la culture chinoise. Il a démissionné de son poste au sein du gouvernement colonial, est rentré chez lui pour étudier les Classiques chinois et s’est plongé dans les textes anciens pendant plusieurs années.

Gu Hongming : un universitaire passionné par la culture traditionnelle chinoise
À la fin du XIXe siècle, l’empereur allemand Guillaume II a proposé la théorie du « péril jaune », allant jusqu’à utiliser des symboles classiques européens, comme l’Archange Saint Michel, comme représenté dans ce tableau, pour alimenter la peur ches les Européens. (Image : wikimedia / 雨宮鏡心  / Domaine public)

Un pont entre les cultures orientale et occidentale

En 1885, à l’âge de 28 ans, Gu Hongming retourne en Chine et ses sentiments chinois profondément ancrés s’éveillent véritablement. Il adopte la coiffure de la dynastie Qing et, tout en travaillant pour le gouvernement colonial, continue d’étudier les classiques chinois. Il commence par le Dictionnaire Kangxi et étudie assidûment la sinologie orientale. Il travaille comme traducteur dans le bureau de Zhang Zhidong, le réformateur de la fin de la dynastie Qing, et commence à diffuser la culture chinoise traditionnelle en Occident par le biais d’écrits en anglais.

Gu Hongming se décrivait comme un « homme de l’Est, de l’Ouest, du Sud et du Nord », ce qui reflète la diversité de son parcours et son succès international précoce. À la fin du XIXe siècle, l’empereur allemand Guillaume II a proposé la théorie du « péril jaune », suggérant que la race jaune, représentée par les Chinois, menacerait l’Europe, et appelant les Blancs européens à s’unir contre eux.

Cette théorie a alimenté l’hostilité de l’Occident à l’égard des Chinois. En réponse, Gu Hongming a publié Civilization and Chaos en anglais, mettant en avant les profondes valeurs culturelles et morales de la Chine et réfutant les préjugés occidentaux. Il a ainsi été salué comme le premier à résister à la théorie du « péril jaune ».

Gu Hongming : un universitaire passionné par la culture traditionnelle chinoise
Gu Hongming travaille comme traducteur dans le bureau de Zhang Zhidong (photo ci-dessus), le réformateur de la fin de la dynastie Qing, et commence à diffuser la culture chinoise traditionnelle en Occident par le biais d’écrits en anglais. (Image : wikimedia / 寺人孟子 / Domaine public)

Maîtriser les connaissances orientales et occidentales

À l’époque du choc culturel intense entre l’Orient et l’Occident, Gu Hongming s’est tenu entre les deux mondes. Fort d’une connaissance approfondie de l’érudition occidentale et, plus tard, du confucianisme, il a traduit en anglais les Analectes : Doctrine du moyen et le Grand apprentissage, qu’il a ensuite diffusés à l’étranger. Il fut le premier Chinois à traduire les Classiques confucéens en anglais et en allemand raffinés.

Les traductions de Gu Hongming étaient créatives, s’attachant à transmettre le sens plutôt qu’à effectuer une conversion mécanique. Son travail n’était pas seulement une traduction linguistique, mais une transmission culturelle. Il a intégré la sagesse de Goethe, Schiller et Ruskin aux anciennes théories orientales, créant ainsi des traductions très différentes des versions rigides des missionnaires et sinologues occidentaux. Son approche unique a fait de lui un pont entre les cultures orientale et occidentale.

Outre la traduction des Classiques confucéens, Gu Hongming est l’auteur d’ouvrages tels que The Story of a Chinese Oxford Movement, qui promeut la valeur de la culture chinoise traditionnelle. Ses écrits ont eu un impact profond tant au niveau national qu’international. En 1883, il a publié un article intitulé Chinese Learning dans le journal anglais North China Daily News, promouvant vigoureusement la culture chinoise.

Le terme « apprentissage du chinois » a fait sensation dans la société occidentale. Le maître littéraire russe Léon Tolstoï écrit à Gu Hongming pour lui faire part de son intérêt à comprendre les pensées de Confucius, Mencius et Lao Tseu. Leur correspondance aborde la culture mondiale et les situations politiques, créant un chapitre mémorable dans l’histoire des échanges culturels.

Gu Hongming : un universitaire passionné par la culture traditionnelle chinoise
Gu Hongming fut le premier Chinois à traduire les classiques confucéens en anglais et en allemand raffinés. Ses traductions étaient créatives, s’attachant à transmettre le sens plutôt qu’à effectuer une conversion mécanique. (Image : wikimedia / Cold Season / Domaine public)

Fidèle à la tradition, Gu Hongming ne coupe pas sa natte : la dernière de la dynastie Qing

Après la Révolution Xinhai, pour les hommes se couper les cheveux, notamment la natte, était devenu un symbole de « révolution ». Cependant, Gu Hongming a tenu à conserver sa natte et à porter des vêtements traditionnels, prônant le « respect de l’empereur » pour exprimer sa loyauté envers la culture traditionnelle chinoise. En 1915, l’université de Pékin l’engage comme professeur pour enseigner la littérature britannique.

Dans le berceau du mouvement de la nouvelle culture, ce vieil homme excentrique à la longue natte était devenu un spectacle. Les étudiants se moquaient de son accoutrement lorsqu’il entrait dans la salle de classe, mais Gu Hongming leur répondait en ces termes : « Ma natte est sur ma tête, mais la vôtre est dans vos cœurs ». Les étudiants, tout d’abord arrogants, se sont tus au fur et à mesure.

Gu Hongming a expliqué son conservatisme, exprimé par sa natte et son habillement, en ces termes : « De nombreux amis étrangers se moquent de ma stupide loyauté envers la dynastie Qing. Je suis fidèle à la dynastie Qing pour être fidèle à la spiritualité chinoise et à la civilisation de la nation chinoise ». Cependant, les gens de son époque ne se sont intéressés qu’à son apparence et n’ont pas compris sa signification plus profonde.

Gu Hongming avait une compréhension des cultures occidentales et chinoises très en avance sur son temps. Ainsi, a-t-il voulu attirer l’attention de ses compatriotes à travers ces propos : « Les Occidentaux ne nous respecteront pas simplement parce que nous coupons nos nattes et que nous portons des costumes occidentaux. Si nous, les Chinois, nous nous occidentalisons, les Européens et les Américains ne feront que nous mépriser davantage. Ce n’est que lorsqu’ils comprendront que les vrais Chinois ont une civilisation différente de la leur, mais tout aussi marquante, qu’ils nous respecteront ».

Outre la traduction des Classiques chinois, Gu Hongming a également utilisé des conférences et des écrits pour expliquer l’essence de la culture traditionnelle chinoise. Ses ouvrages, tels que L’esprit du peuple chinois (1915), ont été les premiers à introduire la culture chinoise en Occident.

Rédacteur Charlotte Clémence

Source : Gu Hongming: A Scholar Passionate About Chinese Culture
www.nspirement.com

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