Selon la troisième édition de la base de données sur la Révolution culturelle chinoise, le 20 avril 1968, Lu Hongen et quatorze autres détenus de la cellule furent convoqués dans la salle de direction où ils s’assirent par terre. Derrière le bureau se trouvaient l’officier d’encadrement, l’interrogateur et un autre agent du gouvernement envoyé par les autorités supérieures.
Une prise de position héroïque et juste contre la tyrannie
L’officier ridiculisa Lu Hongen et le mit en garde en ces termes : « Calomnier ouvertement le grand dirigeant qu’est le président Mao est un crime odieux qui mérite la mort ! ».
L’interrogateur posa alors une question brutale : « Prisonnier 1598, voulez-vous mourir ou voulez-vous vivre ? Prenez position aujourd’hui ! ».
Après un bref moment de silence, Lu Hongen se redressa et dit solennellement : « Je veux vivre, mais pas comme un cadavre ambulant sans âme. Mieux vaut mourir que de vivre sans liberté. La Révolution culturelle est une tyrannie, une catastrophe et un désastre. Je ne veux pas vivre dans la tyrannie, la catastrophe et le désastre ».
« Depuis la Renaissance italienne au XIVe siècle et la révolution industrielle britannique au XVIIIe siècle, la société humaine a commencé à évoluer de la civilisation agricole à la civilisation industrielle. Alors que les sciences humaines et naturelles se sont épanouies en Occident, donnant naissance à des citoyens riches et à des nations fortes, pourquoi notre pays reste-t-il appauvri et faible ? L’Occident a prospéré grâce aux progrès industriels, à l’éducation et à la croissance économique, alors que nous sommes embourbés dans des luttes de classes, des mouvements politiques, des conflits internes, des soulèvements et un arrêt de l’éducation et de l’industrie. Ils prônent la démocratie, la liberté, l’État de droit et la civilisation. En revanche, nous avons été gouvernés par la dictature, l’ignorance, les cultes personnels, les luttes brutales et les répressions incessantes. »
Il poursuivit en disant : « Je n’ai pas peur de la mort et je ne veux pas mourir, mais si la Révolution culturelle signifie vivre dans la peur et le chaos, si le socialisme représente ce genre de modèle impitoyable, alors je préfère être qualifié de contre-révolutionnaire, d’antisocialiste ! »
Lu Hongen décida de son propre destin
Ses paroles audacieuses laissèrent les interrogateurs sans voix. Reprenant son sang-froid, l’un d’eux frappa rageusement sur la table en criant : « Votre fin est proche ! »
Le 27 avril 1968, le Comité révolutionnaire de Shanghai organisa un procès public sur la Place de la révolution culturelle. Retransmis en direct par la télévision et la radio populaires de Shanghai, ce « procès » exhiba un homme aux cheveux grisonnants, au corps émacié et à la démarche chancelante, qui semblait beaucoup plus âgé que son âge. Beaucoup avaient du mal à croire que cette frêle silhouette était l’élégant Lu Hongen, âgé de 49 ans, qu’ils avaient connu autrefois.
Au cours de ce soi-disant « procès public », sans procureur, sans juge et sans avocat de la défense, Lu Hongen et d’autres « contre-révolutionnaires » furent condamnés à mort et rapidement exécutés. Wang Youqin, professeur à l’université de Chicago et spécialiste de la révolution culturelle, a écrit dans The Death of Lu Hongen qu’il ne s’agissait pas d’un procès, mais d’un acte visant à forcer le public à accepter et à approuver cette cruelle « dictature ».
Réhabilitation et commémoration. Mettre fin à la tyrannie
En 1979, après les appels répétés de son épouse et de son frère Hu Guoding, l’affaire fut révisée finalement et Lu Hongen fut réhabilité. Son fils Lu Yuwei put retourner à Shanghai.
Le 26 septembre de la même année, Lu Yuwei assista à la cérémonie commémorative de son père avec une urne ne contenant qu’un demi-morceau de son bâton de chef d’orchestre. Il fondit en larmes, et devant ses yeux apparut la scène qui s’était déroulée 13 ans plus tôt. Le 28 mai 1966, le ciel était nuageux et il était en troisième année de collège. Il avait dit doucement à son père : « Papa, reste assis aujourd’hui et écoute les discours de tout le monde, tu ne parles pas… ». Lu Hongen avait caressé la tête de son fils et lui avait répondu : « Ne t’inquiètes pas, Yuwei, Papa comprend ». Lu Yuwei avait alors regardé son père sortir lentement de la maison, et cette fois-là, c’était leur dernier adieu.
Il est à espérer qu’un jour prochain, la nation chinoise tout entière et les peuples du monde entier pourront rendre hommage à Lu Hongen, un homme qui a bravement affronté une tyrannie monstrueuse, qui a sacrifié sa vie pour sauver d’autres personnes et défendre la dignité divine de l’humanité. Puisse le monde se souvenir de toutes les âmes courageuses qui se sont dressées devant la bête et ont fait le même sacrifice ultime.
Rédacteur Albert Thyme
Source : Lu Hongen: Heroic Conductor Silenced by the Cultural Revolution (Part 2)
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