À 21 ans, Wu Xun décida de mendier pour réaliser son rêve : construire des « écoles gratuites ». Certains ont été inspirés par sa grande vision. (Image : wikimedia / National Palace Museum / Domaine public)
Pendant la Révolution culturelle, Wu Xun, connu sous la dynastie Qing pour avoir été un réformateur dans le domaine de l’éducation, a été étiqueté de « traître aux travailleurs ». Ainsi, au cours de l’été 1966, les gardes rouges du comté de Guan, dans le Shandong, ont profané sa tombe, détruit sa statue et fait défiler son cercueil dans les rues. Ses os ont été brisés à coups de marteau et ont finalement été réduits en cendres, avec le cercueil. C’est ainsi qu’un personnage unique à travers les âges a été réduit en fumée et en cendres.
Une histoire légendaire
De nombreuses histoires légendaires circulent parmi la population.Certaines sont reproductibles tandis que d’autres sont uniques et irremplaçables. Il en est ainsi de l’histoire Wu Xun. Il a souvent été qualifié de « premier mendiant unique de l’histoire », parce qu’il a été le seul mendiant à être honoré par un mémorial et une biographie officielle.
Selon les critères actuels, il n’est pas exagéré de dire que Wu Xun, s’il avait vécu aujourd’hui, aurait pu prétendre au prix Nobel de la paix. Il ne semble pas exister une personne comme lui dans le monde. Il pourrait représenter une combinaison parfaite de ténacité et de grands idéaux. Pourtant, ce « mendiant » extraordinaire et unique a fini par être symboliquement détruit dans la Chine gouvernée par le Parti communiste chinois (PCC).
Wu Xun exploité par son oncle a été sauvagement battu jusqu’à ce qu’il ait de l’écume à la bouche, ce qui lui a valu une grave maladie. Cette maladie a complètement changé sa vie. (Image : wikimedia / The Palace Museum / Domaine public)
La profession de Wu Xun : mendiant
Wu Xun, qui s’appelait à l’origine Wu Qi, était originaire du comté de Tangyi, dans le Shandong, sous le règne de Guangxu. Mendiant professionnel, il a consacré sa vie à cette occupation jusqu’à sa mort. Ayant commencé sa carrière de mendiant à l’âge de 21 ans et l’ayant poursuivie jusqu’à ce qu’il tombe malade et meurt à 59 ans, Wu Xun a été « mendiant » pendant 38 ans. Il est rare de trouver des personnes comme Wu Xun, qui considèrent vraiment la mendicité non pas comme un choix désespéré imposé par les circonstances de la vie, mais comme une profession technique.
Pour se faire remarquer, il a coupé sa tresse, ne laissant qu’une petite touffe sur son front, s’habillant comme un clown d’une pièce de théâtre. L’apparence ne suffit pas, il faut aussi jouer. Wu Xun était particulièrement doué pour raconter des histoires et chanter. De plus, il était capable d’improviser des chansons pour faire rire les gens en fonction de la situation. Il réalisait même des prouesses comme se percer le corps avec une alène, à la manière d’un artiste de rue itinérant. Pour susciter la sympathie et la générosité des spectateurs, il s’offrait parfois comme monture à d’autres, se présentant ainsi à l’amusement d’autrui
Au cours de ses voyages, Wu Xun a également accepté des emplois à court terme, tout cela pour gagner plus d’argent. En 30 ans, il a amassé une fortune considérable, ce qui a poussé les gens à se demander pourquoi un mendiant travaillait si dur pour économiser de l’argent.
Wu Xun était particulièrement doué pour raconter des histoires et chanter. Il était aussi capable d’improviser des chansons pour faire rire les gens en fonction de la situation. (Image : wikimedia / Ding Guanpeng / Domaine public)
Une vie qui a conduit à la mendicité
Wu Xun était le plus jeune d’une fratrie de sept enfants, élevés dans la pauvreté après la mort de son père. À l’âge de 15 ans, sa mère lui a trouvé du travail par l’intermédiaire de connaissances et l’a envoyé chez son oncle éloigné Zhang Bianzheng, dans le comté de Guantao, pour qu’il devienne serviteur. Wu Xun était chargé de s’occuper du verger et de nourrir les cochons.
Zhang Bianzheng était une véritable crapule. Non seulement il brutalisait et battait régulièrement Wu Xun, mais il ne lui versait aucun salaire. Sachant que Wu Xun était analphabète, il a fabriqué un livre de comptes et l’a forcé à le signer. Wu Xun a ainsi travaillé pendant trois ans sans toucher un centime. Sur le papier, il a même fini par avoir une dette. Lorsqu’il a protesté, Wu Xun a été accusé à tort de « fraude » et a été sauvagement battu jusqu’à ce qu’il ait de l’écume à la bouche, ce qui lui a valu une grave maladie. Cette maladie a complètement changé sa vie.
Les personnes ordinaires qui subissent une telle injustice et une agonie indescriptible peuvent devenir amères et vengeresses, endurer en silence ou, dans de rares cas, transformer le ressentiment en une grande compassion, cherchant à aider les autres plutôt qu’elles-mêmes.
Un rêve réalisé grâce à la mendicité
À 21 ans, Wu Xun décida de mendier pour réaliser son rêve. Malgré la forte opposition de sa famille, il a persisté et a passé plus de 30 ans à mendier dans différentes provinces. Bien que les gens le considéraient comme fou parce qu’il parlait constamment d’« écoles gratuites », certains ont été inspirés par sa grande vision.
Après avoir communiqué avec Wu Xun, Yang Shufang, un propriétaire terrien local, a été touché par son ambition. Yang Shufang promit d’aider Wu Xun à épargner et à gérer ses finances. De plus, il l’aida à acheter des terres et à réaliser des bénéfices afin que le revenu durement gagné par Wu Xun soit non seulement garanti, mais aussi qu’il continue à augmenter en valeur.
Wu Xun a épuisé toutes ses économies pour fonder la première école de charité juste à l’extérieur de la porte est de la ville de Liulin, dans le comté de Tangyi, et l’a baptisée École libre de Chongxian. (Image : wikimedia / Wesleyan Juvenile Offering / Domaine public)
Naissance des « écoles libres »
En 1888, Wu Xun a déjà 50 ans. Sans femme ni enfant, seul, il mendie depuis exactement 30 ans. Cet homme, qui avait l’apparence d’un clown, mangeait des restes de nourriture et vivait dans des temples en ruine, était en réalité propriétaire de 230 acres de terre et avait amassé 3 800 taels d’argent. Cette richesse était équivalente à celle d’un grand propriétaire terrien de l’époque. Beaucoup de gens convoitaient cette fortune, y compris les proches de Wu Xun. Mais personne ne parvint à persuader Wu Xun de s’en séparer.
Cette année-là, avec l’aide de la noblesse locale, Wu Xun a enfin fait le premier pas vers la réalisation de son rêve. Il a épuisé toutes ses économies pour fonder la première école de charité juste à l’extérieur de la porte est de la ville de Liulin, dans le comté de Tangyi, et l’a baptisée École libre de Chongxian.
Une fois l’école construite, il se rendit chez les érudits locaux, y compris ceux qui avaient réussi les examens impériaux, pour s’agenouiller et les supplier d’enseigner. Il s’est également rendu chez des familles pauvres, les implorant à genoux d’envoyer leurs enfants à l’école. Cette année-là, plus de 50 élèves ont été inscrits, sans frais de scolarité, et les dépenses de fonctionnement de l’école ont été financées par les revenus de ses propres terres. La renommée de l’« école gratuite » a commencé à se répandre de bouche en bouche.
Trois ans plus tard, le moine Liaozheng, du village de Yang Erzhuang dans le comté voisin de Guantao, ayant entendu l’histoire de Wu Xun et touché par sa grande compassion, a fait don de l’argent de l’encens et d’une partie des biens du temple, s’associant à Wu Xun pour fonder la deuxième école caritative, l’École gratuite de Yang Erzhuang, à Guantao.
L’empereur lui a décerné une plaque portant l’inscription Joie de la bonté, amour de la charité et l’a honoré du titre de Juste fondateur des écoles libres. (Image : wikimedia / The Palace Museum / Domaine public)
Aide du gouverneur et reconnaissance de l’empereur
Trois ans plus tard, Yu De, ministre de l’éducation, est venu à Shandong pour inspecter les affaires éducatives. Après avoir entendu l’histoire des écoles gratuites, il a fait don de 200 taels d’argent à Wu Xun. Avec le soutien de quelques propriétaires terriens locaux, Wu Xun a fondé la troisième école libre du comté de Linqing, l’École libre de Yushi Xiang.
C’est pourquoi Zhang Yao, le gouverneur du Shandong, invita spécialement Wu Xun. À cette occasion, il exempta les écoles libres de l’impôt foncier et des services de main-d’œuvre, et lui fit don de 200 taels d’argent, en guise de leçon pour l’ensemble de l’empire. À la cours des Qing, après avoir lu le rapport rédigé par le gouverneur, l’empereur décerna à Wu Xun une plaque portant l’inscription Joie de la bonté, amour de la charité et l’honora du titre de Juste fondateur des écoles libres.
