Quiconque a étudié la langue chinoise sait sans doute que le mot Zhong Guo (中國Chine) signifie l’empire du Milieu ou le pays du Milieu : c’est le pays qui se trouve au milieu du monde qui est le plus important par rapport à tout autre pays. Mais quelle est l’étymologie de ce terme, comment a-t-il évolué dans l’histoire et quel message plus subtil transmet-il ?
Zhong Guo : le pays du Fils du Ciel sous la dynastie Zhou
Le terme Zhong Guo apparaît pour la première fois sur He Zun, un récipient à alcool en bronze du début de la dynastie des Zhou occidentaux (1046 - 771 av. J.-C.), fabriqué pour un noble nommé He à des fins rituelles, à la cinquième année du règne du roi Cheng des Zhou (XIe siècle av. J.-C.). Il s’agit du plus ancien bronze des Zhou occidentaux dont la chronologie est claire.
Zhong Guo dans ce contexte fait référence à la région de Cheng Zhou, la capitale de la dynastie Zhou, la vallée des rivières Yi et Luo, qui est aujourd’hui connue sous le nom de Luoyang. À cette époque, la région était connue comme le centre du monde sous le ciel.
Le caractère Zhong (中) est un idéo pictogramme dont le sens propre signifie « le milieu » ou « au milieu ». Dans l’écriture ossécaille, il a la forme d’un mât de drapeau avec des drapeaux et des bannières en haut et en bas. La section centrale du mât du drapeau est dressée.
Le caractère Guo (國) est composé de deux monogrammes : Wei (囗) et Huo (或) , basé sur la signification de ces deux derniers. Wei (囗) représente le territoire d’un pays, et Huo (或) a la forme d’une hallebarde (戈) servant à protéger le territoire. Il a d’ailleurs la même voyelle que le caractère Guo (國) , indiquant le son principal de ce dernier.
Selon les Rites des Zhou, dans l’Antiquité, les fiefs des seigneurs chinois étaient appelés Bang (邦, pays) pour les plus grands et Guo (國, royaume) pour les plus petits.
Il y avait de nombreux pays et royaumes sous les dynasties Shang (1570 - 1045 av. J.-C.) et Zhou occidentaux, et plus de 1000 au début de la période des Printemps et Automnes (771 -476 av. J.-C.). Mais seul le pays des plus hauts souverains comme les rois des Shang et plus tard des Zhou avait droit au titre du Zhong Guo : le « pays du Milieu » ou l’« empire du Milieu », car c’était le pays dans lequel vivait le Fils du Ciel.
Au cours de la dynastie des Zhou occidentaux, le statut du Fils du Ciel n’a plus que son nom. Les différents royaumes s’annexant les uns aux autres, le nombre des petits royaumes diminuait alors que le territoire des différentes fédérations des royaumes s’élargissait sans cesse.
À la fin de la période des Royaumes combattants (476 - 221 av. J.-C.), il ne restait plus que sept grands royaumes : Qin, Chu, Qi, Yan, Han, Zhao et Wei, ainsi qu’un certain nombre de petits royaumes, si bien que les seigneurs ont commencé à s’emparer du titre « pays du Milieu » pour leur fief, l’un après l’autre.
En 221 av. J.-C., Ying Zheng, le roi de Qin a conquis les six autres royaumes pour mettre fin au système féodal et unifier l’empire du Milieu. En fondant la dynastie Qin (221 - 206 av. J.-C.), il est devenu le premier monarque chinois à porter le titre de « Premier empereur de Chine » et à centraliser le pouvoir.
La signification géographique du terme Zhong Guo
Historiquement, le concept géographique du terme Zhong Guo a souvent été assimilé aux plaines centrales de la Chine, la province du Henan et ses environs. Sous les dynasties Jin de l’Est et Song du Sud, le cours inférieur du fleuve Jaune où se trouve le Henan était également appelé « plaines centrales ». Cette région est le lieu de naissance de l’ethnie Huaxia (華夏), les ancêtres du peuple chinois, et est considérée par les Huaxia comme le centre du monde, d’où le nom de Zhong Hua (中華, Hua du Milieu).
Les personnes ne faisant pas partie du peuple Huaxia qui vivaient dans les environs de Zhong Hua étaient appelées les quatre barbares. Sous les dynasties suivantes, le territoire de l’empire du Milieu s’est élargi et toutes les zones sous le contrôle des différentes dynasties ont été appelées Zhong Hua.
La région des plaines centrales compte le plus grand nombre de dynasties et le plus grand nombre de capitales anciennes de Chine. Plus de 20 dynasties et 300 empereurs y ont construit ou emménagé leur capitale. Les plaines centrales ont toujours été le centre politique, économique, culturel et de transport de la Chine, et l’on dit depuis les temps anciens que « celui qui possède les plaines centrales possède le monde ».
La signification politique du terme Zhong Guo
Tout au long de l’histoire, non seulement les dynasties fondées par les Huaxia se sont appelées l’empire du Milieu, mais aussi les minorités ethniques qui se sont installées dans les plaines centrales, ou les régimes ayant des liens étroits avec les plaines centrales. Le terme « empire du Milieu » a été étendu d’une zone à l’ensemble du pays, et même aux régimes minoritaires de la frontière.
Les dynasties fondées par des étrangers qui ont pris l’initiative d’assimiler les rituels et la culture chinoise se sont également identifiées comme faisant partie de la Chine, comme dans le cas de la dynastie Liao (907 -1125) des Khitan. Sous les dynasties du Nord et du Sud (420-589), les deux dynasties se désignaient sous le nom du « pays du Milieu », et s’appelaient mutuellement de façon péjorative « barbare à la tresse » et « barbare insulaire », mais lorsque les dynasties Sui (581–618) et Tang (618–690 et 705–907) ont unifié la Chine, elles sont toutes deux devenues une partie de l’empire du Milieu.
Zhong Guo est effectivement devenu un titre accordé à toute ethnie qui s’y installe et crée une dynastie, mais chaque dynastie disposait de son propre nom, comme la dynastie Qin, la dynastie Tang ou la dynastie Qing…
Les significations culturelles et spirituelles du terme Zhong Guo
Le classique confucéen Zuo Zhuan Zheng Yi explique : « La Chine est appelée Xia pour la grandeur de ses manières et Hua pour la beauté de ses vêtements. » Cette phrase signifie que l’origine des rites relève de la dynastie des Zhou, d’où le nom « Xia », qui signifie l’élégance. Les habitants de la dynastie Zhou étaient magnifiquement habillés, d’où le nom « Hua ».
La culture traditionnelle chinoise est connue comme une culture divine. Dans le passé, le peuple chinois respectait les cieux et les dieux, valorisait la vertu et les bonnes actions, et ce depuis cinq mille ans. Ceux qui s’assimilaient à cette culture et à ces rituels, pratiquaient la vertu et les bonnes actions étaient considérés comme des Chinois.
À l’époque contemporaine, cependant, un changement fondamental s’est opéré dans la pensée chinoise avec l’émergence du Parti communiste chinois (PCC). Entre 1927-1937 et 1945-1950, la Chine a connu la guerre civile la plus importante du XXe siècle. La guerre civile a opposé le gouvernement démocratiquement élu de la République de Chine (1912 à nos jours), d’une part, et la République soviétique chinoise, fondée par le Parti communiste chinois, d’autre part.
En décembre 1949, le gouvernement de la République de Chine s’est retiré à Taïwan. Le Parti communiste chinois s’est emparé de la Chine continentale et a créé la République populaire de Chine (RPC) ainsi qu’un régime totalitaire. Au cours des décennies suivantes, le PCC a lancé diverses campagnes politiques brutales causant la mort non naturelle de 80 millions de Chinois et détruit 5 000 ans de culture traditionnelle chinoise et les normes morales telles que la bienveillance, la droiture, la bienséance, la sagesse et l’honnêteté, supprimant ainsi les qualités culturelles et spirituelles qu’un véritable Chinois devrait détenir.
La République de Chine, qui s’est repliée à Taïwan après la défaite de la guerre civile, non seulement ne s’est pas éteinte avec le temps, mais a continué à porter les valeurs universelles de la Chine ancienne. D’une certaine manière, dans le monde d’aujourd’hui, Taïwan est l’un des lieux où se transmet véritablement la quintessence de la culture chinoise.
Rédacteur Jessica Wang
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