Le festival des bateaux-dragons est arrivé et, à cette occasion, les Chinois célèbrent et commémorent le poète Qu Yuan (de 339 à 278 av. J.-C.), un poète de l’État de Chu pendant la période des Royaumes combattants. Qu Yuan n’a pas seulement atteint l’excellence littéraire, il a également eu la tâche importante d’éduquer les enfants de la noblesse au sein de son clan. Cependant, il eut une vie difficile et fut engagé par le roi Huai de Chu pour mettre en œuvre des réformes, mais il se heurta à l’opposition et à la répression des nobles, et dut finalement se jeter dans la rivière pour exprimer sa loyauté et son amour pour son pays. Pendant des milliers d’années, les Chinois se sont souvenus de sa quête de la vérité et de son souci des conditions de vie du peuple, et ses poèmes sont chantés jusqu’à aujourd’hui.
Qu Yuan, un homme loyal et patriote
Les œuvres littéraires les plus célèbres de Qu Yuan sont Li Sao ou Tristesse de la séparation et Jiu Ge ou Les neuf chants. Qu Yuan occupa également des postes tels que celui de ministre Sanlu, où il fut chargé des rituels et des affaires des principautés Chu (les clans Qu, Jing et Zhao) et éduqua les enfants de la noblesse.
Sur le plan politique, Qu Yuan a d’abord bénéficié de la confiance du roi Huai de Chu, qui lui a demandé de présider des affaires telles que la rédaction et l’annonce de décrets d’État, qui impliqua l’introduction de réformes. Cependant, les réformes à Chu n’étaient pas assez approfondies et le pouvoir était principalement entre les mains des nobles, qui s’opposaient aux réformes afin de maintenir leurs positions personnelles.
À cette époque, la cour de Chu était pleine de flagorneurs, et l’un de ses collègues était Shangguan Dafu. Ce dernier était jaloux et rivalisait avec Qu Yuan pour obtenir les faveurs du roi Huai. Lorsque Qu Yuan rédigea la constitution, Shangguan Dafu voulut la lui retirer. Devant le refus de Qu Yuan, Shangguan Dafu dit au roi Huai que le roi avait demandé à Qu Yuan de rédiger le décret et que tout le monde était au courant. Chaque fois qu’un décret était publié, Qu Yuan s’en attribuait le mérite, affirmant que sans lui, les décrets n’auraient pu être rédigés.
Le roi Huai était trop lâche et trop incompétent pour séparer le bon grain de l’ivraie, et il se mit Qu Yuan à dos avec colère. La cause première de l’aliénation de Qu Yuan par le roi Huai était que ses projets de réforme politique ont heurté les intérêts de la noblesse, qui les vilipendait et les attaquait.
Après la mort du roi Huai de Chu, son fils aîné, le roi Ha Xiang, lui succéda. Le nouveau souverain continua à écouter les calomnies et exila à nouveau Qu Yuan. Qu Yuan fut contraint de quitter sa ville natale et de se déplacer dans les régions de Yuan et de Xiang pendant environ neuf ans.
Loin de sa patrie et sans poste, il ne pouvait que se lamenter sur son pays et son clan. C’est ainsi qu’il descendit lentement la rivière Yuan en direction de Changsha. Il était impossible pour Qu Yuan de retourner dans la capitale de Chu, mais il ne pouvait pas non plus voyager loin et chercher des gens sages et compétents. Enfin, n’ayant plus le choix, il se jeta dans la rivière Miluo pour montrer sa loyauté et son amour pour son pays.
Qu Yuan, qui admirait les sages ainsi que les savants et se préoccupait de la détresse du peuple
Qu Yuan était un homme d’une grande érudition. Il connaissait bien l’astronomie, la géographie, les rituels et le système musical, l’ascension et la chute des différentes dynasties avant les Zhou, ainsi que certaines légendes historiques importantes. Il connaissait également l’histoire des grands États et des personnages importants depuis la période des Printemps et Automnes, et il était particulièrement passionné par l’histoire de la fondation des premiers rois de Chu. Il a fait une synthèse de nombreux principes de gouvernance et de paix dans le monde, et a présenté des points de vue profonds. Les œuvres de Qu Yuan témoignent d’un sens aigu de l’intérêt pour l’État et le peuple, et de sa loyauté envers le souverain.
Son idéal politique était le « beau gouvernement », c’est-à-dire la politique d’un dirigeant saint et d'un ministre vertueux. Il pensait que seul un dirigeant saint pouvait changer les situations politiques et sociales de Chu et rendre l’État fort.
Il louait chaleureusement les anciens sages tels que Yao, Shun, Yu, Tang, Houji et le roi Wen, ainsi que les anciens fonctionnaires sages tels que Yi Yin, le duc Zhou et Jiezi. Il utilisait également le contraste pour parler de certains tyrans comme Jie et Zhou.
Dans Li Sao, il mentionne dans un poème : « Comme Tang Yao et Yu Shun étaient brillants et droits, et comme ils ont suivi le droit chemin. Comme Xia Jie Yin Zhou était arrogant et méchant, et comme sa soif de raccourcis ne pouvait que le mener nulle part ». L’éclat et la droiture étaient les exigences les plus élevées de Qu Yuan à l’égard du roi. Il voulait illustrer le contraste entre l’importance d’un souverain saint et vertueux et les dangers qu’il y a à quitter le pays sans son consentement.
Qu Yuan lui-même était loyal et patriote, osant défendre la vérité et ne s’inclinant pas devant les forces du mal, et l’ancienne vertu de « loyauté » d’un fonctionnaire sage s’exprimait pleinement en lui.
Un autre élément essentiel du « beau gouvernement » de Qu Yuan était l’idée du peuple. Cette idée est clairement exprimée dans ses œuvres où il en parle à plusieurs reprises : « Le ciel est juste et impartial en toute chose, et soutient ceux qui sont vertueux. Seuls les anciens rois saints ont pu jouir de la terre du monde grâce à leur vertu ». Pour juger la sagesse d’un dirigeant, un ministre avisé ou un beau gouvernement, il faut voir s’il est capable de résoudre les problèmes liés aux difficultés du peuple et de l’amener à un état de bien-être…
Les expériences de l’enfance ont contribué au talent de Qu Yuan et à sa loyauté envers le roi et son peuple
C’est grâce à plusieurs expériences vécues dans ses jeunes années que Qu Yuan a pu acquérir une érudition et un talent diplomatique différents, et garder le pays et son peuple dans son cœur.
Lorsque Qu Yuan était enfant, son professeur demandait aux élèves de réciter les Analectes de Confucius. De nombreux élèves se contentaient de les réciter sans vraiment comprendre de quoi il s’agissait, ou n’appliquaient tout simplement pas ce qui y était demandé. Qu Yuan, quant à lui, n’a pas fait cela. Il a suivi les Analectes à la lettre et a mis en pratique ce qu’ils disaient.
Un jour, des enfants discutaient ensemble d’une chose qu’ils avaient entendue. Le jeune Qu Yuan dit alors : « Confucius a dit : " Un gentleman ne s’inquiète pas et ne craint pas " ». « Confucius a dit : " Cultive-toi pour être en paix avec les autres. " » « Confucius a dit : " Cultivez-vous pour respecter " ». Qu Yuan a si bien compris le mot « gentleman » dès son plus jeune âge qu’il a pu grandir en pensant au peuple et au monarque, quelle que soit la situation.
Lorsqu’il fut plus âgé, il sortit un jour avec quelques brioches à la vapeur dans les bras pour jouer au bord d’une petite rivière et rencontra un vieil homme qui mendiait de la nourriture. Le vieil homme avait l’air très jeune, mais ses vêtements étaient légèrement en lambeaux, et il tenait un bol et une canne.
Le vieil homme dit : « Je n’ai pas mangé depuis des jours, peux-tu me donner quelque chose à manger ? Il faut que ce soit chaud ! » Lorsque Qu Yuan entendit cela, il avait de la nourriture, mais elle ne semblait pas très facile à réchauffer, car il n’y avait pas de personnes qu’il connaissait dans le coin. Mais en voyant la sincérité du vieil homme, le jeune Qu Yuan se dit : je peux presque réchauffer la nourriture avec mes mains, non ? Il prit donc le petit pain à la vapeur dans ses bras, l’ouvrit dans ses mains et commença à le réchauffer. Le vieil homme le regarda en souriant et ne fit aucun bruit.
Au bout de quelques heures, le petit Qu Yuan dit : « Monsieur, la brioche à la vapeur est réchauffée, servez-vous ». Le vieil homme rit : « Tes petites mains ne peuvent pas réchauffer les brioches, regarde-moi .» Sur ce, il tint la brioche à la vapeur dans sa main droite, la pointa de sa main gauche, et on vit de la vapeur s’échapper de la brioche ! Le vieil homme donna la brioche à Qu Yuan et à partir de ce moment-là, ils devinrent de bons amis.
Le vieil homme expliqua plus tard à Qu Yuan qu’il s’appelait Qingfengzi et qu’il pratiquait dans la montagne de Wudang et voyageait à travers le monde. Comme le monde était en proie au chaos, il voulait trouver un homme capable de gouverner le monde et de bien traiter les gens. Le vieil homme a également dit que la division et l’unification du pays étaient un fait acquis que personne ne pouvait changer, que l’homme qu’il cherchait finirait peut-être d’une manière sinistre, mais qu’il laisserait au peuple un témoignage inaltérable pour toujours.
Qu Yuan a dit : « Confucius a dit que depuis les temps anciens, personne n’est à l’abri de la mort, mais une nation tombera si elle ne peut pas gagner la confiance du peuple ». Je mourrai pour le peuple et le roi, même si je me jette dans la rivière !
Voyant que Qu Yuan était si éloquent et si large d’esprit à un si jeune âge, le maître taoïste Qingfengzi lui donna beaucoup d’informations détaillées sur les façons de vivre dans le monde et les stratégies pour construire le pays.
À la fin, le maître taoïste Qingfengzi lui dit longuement : « Mon petit, servir le pays et aimer le peuple est le fondement de la culture confucéenne. Il est de ton devoir, dans cette vie, de bien l’interpréter et l’expliquer, afin que les générations futures aient vraiment un exemple à suivre. »
Il faut aussi savoir être heureux dans sa propre souffrance. Confucius a dit : « Quel grand sage, Yan Hui ! Servir du riz dans un panier de bambou, boire à la louche et vivre dans une humble ruelle. Personne d’autre ne pouvait supporter le chagrin de la pauvreté, mais Yan Hui pouvait vivre heureux. Quel grand sage, Yan Hui ! Et quel que soit le monde, il faut savoir se cultiver quand on ne peut pas réaliser ses ambitions. Je n’ai rien d’autre à te donner que cette épée. »
Sur ces mots, Qingfengzi sortit l’épée et la tendit à Qu Yuan, puis il s’éloigna en flottant. Qu Yuan s’écria : « Quand pourrons-nous nous revoir, Maître ? » La voix douce de Qingfengzi résonna dans l’air : « Au milieu de Miluo, au sommet du monde immortel, libre et tranquille, dans la paix et le bonheur … »
Qu Yuan plongea dans la rivière Miluo, laissant de sa vie un témoignage d’humanisme pour les générations futures
En tant que jeune homme, Qu Yuan ne comprenait pas ce que signifiait être « au milieu de Miluo ». Par la suite, Qu Yuan a dû traverser d’innombrables difficultés et n’a pas pu montrer sa loyauté envers son souverain et son amour pour le peuple. Ce n’est qu’à la veille de se jeter dans la rivière Miluo qu’il comprit le sens des paroles prononcées par Qingfengzi.
Tout est prédéterminé. Avec un long soupir, il plongea dans les eaux vives de la rivière Miluo, laissant aux générations futures le témoignage que « parce que je suis sincère dans la cultivation, même si je meurs neuf fois, je ne le regretterai pas ».
Depuis que Qu Yuan s’est jeté dans la rivière, le peuple de l’Empire du Milieu s’est vraiment souvenu de son esprit ainsi que de sa noblesse de caractère, et l’a commémoré lors du festival des bateaux-dragons. Il est devenu le symbole de la loyauté et de l’amour du peuple chinois. Comme l’a dit Confucius : « celui qui administre un gouvernement vertueux est comme l’étoile polaire dans le ciel, entourée d’étoiles ».
Rédacteur Yi Ming
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