Dans son poème Nian Nu Jiao - Souvenirs du passé sur les falaises rouges (念奴嬌·赤壁懷古), Su Shi (蘇軾), un grand poète de la dynastie des Song (宋,960 - 1279), a mentionné un certain Monsieur Zhou aux allures exceptionnelles : « Majestueux et élégant, il tenait à la main un éventail de plumes et portait un chapeau en soie azur. Il était calme et fringant, tandis qu’il parlait et plaisantait, les troupes puissantes de Cao Cao (曹操) étaient anéanties comme de la poussière et de la fumée ». Ce monsieur Zhou aux allures exceptionnelles et au comportement héroïque fait référence au général Zhou Yu (周瑜, 175 - 210), un stratège militaire chinois de la fin de la dynastie Han et du début de la période des Trois Royaumes (三國), général de Sun Quan (孫權), le roi du Royaume de Wu (吴).
Un tempérament hors du commun et une tolérance incomparable
Dans le roman classique chinois Romance des trois royaumes (三國演義 ), Zhou Yu est dépeint comme un homme étroit d’esprit, jaloux de Zhuge Liang (諸葛亮) qu’il cherche sans arrêt à tuer. D’après ce roman, Zhuge Liang aurait offensé trois fois Zhou Yu qui le détestait et Zhou Yu aurait demandé au Ciel au moment de sa mort pourquoi il avait fait naître son ennemi Zhuge Liang en même temps que lui. Mais dans l’histoire réelle, ces anecdotes n’ont jamais eu lieu. Le vrai Zhou Yu était un homme d’un tempérament hors du commun, d’une tolérance incomparable et d’une élégance exceptionnelle.
Les archives historiques authentiques de cette époque font plutôt référence aux Chroniques des Trois Royaumes (三國志, SanguoZhi ) qui décrivent Zhou Yu comme « un homme de nature magnifique, grandiose et un homme de grande valeur » très respecté et aimé de tous. L’histoire de Zhou Yu et de son général Cheng Pu (程普), telle qu’elle est enregistrée dans L’Histoire du Royaume Wu au Sud du Yangtze (江表傳), est encore plus révélatrice.
Cheng Pu (154 - 210/213) était un vétéran de la dynastie Wu de l’Est (東吳). Il a suivi Sun Jian (孫堅) jusqu’à sa mort et remporté de grands succès au combat. Il était jaloux de Zhou Yu qui affichait sa jeunesse et son ambition, et semblait protégé par ses ancêtres. Il agissait donc souvent de manière autoritaire avec Zhou Yu, l’humiliant à plusieurs reprises. Au lieu de lui en vouloir, Zhou Yu traitait Cheng Pu avec respect et le tolérait, pour le bien du pays. Ému, Cheng Pu changea d’avis sur Zhou Yu et lui voua de plus en plus de respect, disant à son entourage : « Fréquenter Zhou Yu, c’est comme boire du vin doux, on s’enivre sans s’en rendre compte ». L’aptitude de Zhou Yu à attirer les louanges du vieux ministre arrogant Cheng Pu est un témoignage de sa générosité et de son charisme.
Lorsque Liu Bei (劉備), puissant seigneur de la fin de la dynastie Han et du début de la période des Trois Royaumes, a décidé d’emprunter à Sun Quan des terres à Jingzhou (荊州, aujourd’hui le centre-sud de la province du Hubei), il a dit à Sun Quan que Zhou Yu était « un brillant érudit et un stratège doté d’un talent unique ». Zhou Yu a prêté 2 000 soldats à Liu Bei, ce qu’une personne à l’esprit étroit n’aurait pas pu faire.
Une loyauté inébranlable
Une loyauté inébranlable. (Image : Musée National du Palais de Taiwan / @CC BY 4.0)
L’histoire raconte qu’après avoir entendu parler du talent du jeune Zhou Yu, Cao Cao (曹操) a secrètement envoyé son propre conseiller, Jiang Gan (蔣幹), connu pour son éloquence, persuader Zhou Yu de travailler pour lui. Zhou Yu a chaleureusement accueilli Jiang Gan, lui demandant : « Vous êtes venu de si loin pour me voir, est-ce de la part de Cao Cao ? ». Jiang Gan a tout de suite répondu par la négative, prétextant qu’il était simplement venu rendre visite à son vieil ami. Zhou Yu lui a offert un banquet, puis s’est excusé et est retourné à ses occupations, laissant Jiang Gan profiter de son séjour de trois jours. Le jour du départ, Zhou Yu a invité Jiang Gan à visiter son camp militaire et le trésor militaire, et a organisé un banquet pour lui faire ses adieux, lui disant qu’il avait rencontré un maître très reconnaissant avec qui il s’entendait très bien, et qu’il n’avait pas envie de le quitter. Jiang Gan a souri en écoutant le discours sincère de Zhou Yu, se gardant de tout commentaire. À son retour, Jiang Gan a dit à Cao Cao que Zhou Yu était si magnanime et si raffiné que les mots ne pouvaient pas changer son cœur.
Dans son essai intitulé RongzhaiSuibi (容齋隨筆, signifiant ’essai écrit dans une petite salle d’étude avec de la place pour deux genoux seulement’), Hong Mai (洪邁), un érudit sénior de la dynastie des Song du Sud (南宋, 1127-1279), a dit qu’il y avait peu de généraux ayant commandé des armées depuis les temps anciens qui n’avaient pas une haute opinion d’eux-mêmes et qui n’étaient pas jaloux de ceux qui les dépassaient, mais les « Quatre Héros du Royaume Sun Wu », à savoir Zhou Yu, Lu Su (魯肅), Lü Meng(呂蒙) et Lu Xun (陸遜), n’étaient pas ce genre de personnes.
A travers le poème de Su Shi cité plus haut, il est certain que Zhou Yu était représenté comme un personnage très positif dans l’histoire chinoise, du moins jusqu’à la dynastie des Song. Mais à partir de la dynastie Yuan, dynastie mongole (元朝, 1279-1368), l’image de Zhou Yu a été déformée, affectant ainsi les générations suivantes.
Rédacteur Tchen Sixuan
Cliquez ici pour lire l’article N°1
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.